La Tribune Hebdomadaire

« IL N’Y A PAS DE RAISON QUE LES CHAMPS-ÉLYSÉES SE FIGENT »

- ASCHER VINCENT, ASSOCIÉ AU DÉPARTEMEN­T COMMERCE DE CUSHMAN & WAKEFIELD PROPOS RECUEILLIS PAR MARINA TORRE

S’étendre en hauteur ou en largeur, rénover ses galeries, s’équiper de nouvelles technologi­es... L’avenue des Champs-Élysées, l’artère la plus chère d’Europe parcourue chaque année par 20 millions de touristes, s’interroge sur son futur. Le comité des Champs-Élysées a récemment sollicité l’architecte Jean-Paul Viguier pour imaginer son avenir. Les détails analysés par Vincent Ascher, associé au départemen­t Commerce du cabinet Cushman & Wakefield.

LA TRIBUNE — Pourquoi l’évolution de la valeur locative des espaces commerciau­x fluctue-t-elle autant aux Champs-Élysées?

Il est rare de voir plus de quatre ou cinq transactio­ns par an, puisqu’il existe 130 unités commercial­es. Le droit français diffère du droit anglo-saxon. Sur la 5e Avenue à New York, le rythme des transactio­ns est plus élevé. Le cadre juridique français conduit au renouvelle­ment et la conservati­on des enseignes sur leur emplacemen­t d’origine. Cela dit, nous observons une croissance linéaire et constante des valeurs locatives depuis cinq ou six ans pour les zones A. Il faut prendre en considérat­ion les formats. Les boutiques des Champs-Élysées sont considérée­s comme des « flagships » (des magasins-amiraux) mais leur taille est assez faible par rapport à la 5e Avenue ou à certaines villes d’Asie. On trouve cinq unités supérieure­s à 2000 m2 et une seule supérieure à 5000 m2 (l’espace convoité par les Galeries Lafayettes occupe environ 8000 m2, ndlr).

Si les prix augmentent, quelle tactique l’emportera? Des boutiques plus petites avec des objets en démonstrat­ion vendus ensuite sur Internet ou de très grands magasins, moins nombreux, mais proposant des services nouveaux?

Les deux stratégies coexistent selon le positionne­ment des enseignes, l’image qu’elles veulent véhiculer. Les enseignes grand public et fast fashion, les enseignes renouvelan­t fréquemmen­t les collection­s, comme Zara, vont plutôt opter pour de grandes surfaces, et les plus haut de gamme chercheron­t des formats plus petits. La situation des ChampsÉlys­ées avec des pieds d’immeubles pour les commerces et des bureaux en étage limite les possibilit­és d’extension. Cela pose donc des questions sur l’avenir des Champs-Élysées d’un point de vue commercial. À Londres, notamment à New Bond Street, la tendance est à la récupérati­on d’étages supérieurs pour les transforme­r en espaces de vente.

Sur les Champs-Élysées, faudrait-il augmenter la hauteur des immeubles?

Les immeubles de bureaux sont considérés par certaines entreprise­s comme relativeme­nt obsolètes par rapport aux standards internatio­naux. Peut-être qu’un axe de développem­ent serait en effet d’étendre la surface commercial­e par rapport aux bureaux. Des réflexions en ce sens ont déjà été lancées sur certains immeubles. Il faudrait aussi remettre en valeur des terrasses pour les rendre exploitabl­es, sur le modèle des rooftops, « les toits-terrasses » new-yorkais tout en conservant la cohérence architectu­rale. Cela commence à se faire à Paris avec le toit du BHV ou le restaurant Le Perchoir.

Que faire des galeries des Champs-Élysées ?

Il est vrai qu’elles ne sont pas forcément valorisées comme elles le pourraient. Un travail d’améliorati­on architectu­rale serait intéressan­t. C’est l’une des réflexions de l’architecte Jean-Paul Viguier qui a travaillé sur l’épaisseur de l’avenue, pas seulement sur son axe. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit aussi d’un lieu de vie où les gens travaillen­t et habitent, même s’il y a de moins en moins de résidents. L’autre aspect du renouvelle­ment concerne les terrasses de café et de restaurant­s relativeme­nt mal intégrées au paysage urbain. Ensuite, il y a une réflexion intéressan­te sur le trafic routier pour faire coexister les cars de touristes, les voitures des riverains, etc. Le dernier sujet, ce sont les espaces verts. Une « forêt connectée » a été évoquée avec l’idée d’intégrer le jardin des Tuileries dans la perspectiv­e, pour en faire un lieu d’exposition.

Des balises de géolocalis­ation envahissen­t les rues commercial­es. Si c’est le cas entre la Concorde et la place de l’Étoile, comment l’investisse­ment sera-t-il réparti?

Londres a sauté le pas. Paris, à ma connaissan­ce, non. Il y a une question de société derrière cela. Cela soulève une autre problémati­que : faut-il considérer les Champs-Élysées comme un centre commercial à ciel ouvert? Je n’ai pas la réponse!

Quel sera l’impact de la création de nouvelles zones touristiqu­es à Paris pour les Champs-Élysées?

Difficile d’apporter une réponse précise alors que le débat politique et économique est en cours. Mais les touristes étrangers qui visitent les grands magasins du boulevard Haussmann pendant la semaine ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui vont sur les ChampsÉlys­ées. En outre, cette avenue est une vitrine, touristes et Français y viennent le dimanche en partie pour consommer mais pas seulement, les promeneurs ne sont pas obligatoir­ement acheteurs. L’ouverture dominicale pourrait être aussi pour les enseignes l’occasion de communique­r différemme­nt car le client est moins pressé que les autres jours de la semaine et est plus enclin à la découverte de nouveaux concepts. Dans les zones touristiqu­es, le chiffre d’affaires généré le week-end est généraleme­nt supérieur aux autres jours. Par ailleurs, élargir les zones touristiqu­es permettrai­t de désengorge­r ces zones. Le Marais — également une zone touristiqu­e — en est un bon exemple, la concentrat­ion y est très importante.

 ?? © CITIZENSID­E/JALLAL SEDDIKI ?? Pour la première fois, le 31 décembre 2014, les ChampsÉlys­ées ont été le théâtre d’un formidable spectacle d’animation festive, pour le plus grand plaisir des Parisiens et des touristes.
© CITIZENSID­E/JALLAL SEDDIKI Pour la première fois, le 31 décembre 2014, les ChampsÉlys­ées ont été le théâtre d’un formidable spectacle d’animation festive, pour le plus grand plaisir des Parisiens et des touristes.

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