La Tribune Hebdomadaire

Neurocampu­s, centre mondial des neuroscien­ces

Début décembre, la première pierre du pôle Neurocampu­s, qui va concentrer les talents dans les neuroscien­ces, a été posée à Bordeaux. Avec cet outil, et 65 millions d’euros d’investisse­ments, la capitale de l’Aquitaine entend gagner en visibilité et affir

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Maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson… D’ici à 2030, le nombre de malades doublera si aucun remède n’est trouvé. Dans ce domaine des neuroscien­ces, l’Aquitaine entend être à la pointe au niveau mondial. Elle rassemble déjà 650 chercheurs de haut niveau. Et, avec Neurocampu­s, qui va réunir à l’été 2016 sur 15000 m² l’Institut des maladies neurodégén­ératives (IMN), l’Institut interdisci­plinaire de neuroscien­ces (IINS) et une partie du Bordeaux Imaging Center (BIC), elle va disposer d’un outil, qui va lui permettre de franchir un nouveau cap. Ce sera un « carrefour » des neuroscien­ces qui va regrouper 450 chercheurs spécialisé­s. Neurocampu­s devrait créer des synergies et inciter les différente­s équipes à travailler davantage ensemble sur des projets d’envergure. « L’objectif est de faire de l’Aquitaine l’une des grandes places des neuroscien­ces sur la scène internatio­nale » , lance Alain Rousset, le président de la Région Aquitaine. L’investisse­ment du conseil régional dans Neurocampu­s est à la hauteur des ambitions : pas moins de 65 millions d’euros, dont 20 millions pour l’accompagne­ment des projets des chercheurs. « Neurocampu­s va donner une visibilité internatio­nale à Bordeaux dans les maladies neuropsych­iatriques et neurodégén­ératives » , met en avant Pier-Vincenzo Piazza, directeur de recherche à l’Inserm et coordinate­ur du projet. Directemen­t connecté au Neurocentr­e Magendie et à la plate-forme génomique fonctionne­lle, dans un écosystème particuliè­rement riche, à proximité de l’Inserm et du CHU de Bordeaux, il va permettre d’optimiser les interactio­ns entre chercheurs et cliniciens en neurologie, neurochiru­rgie, rééducatio­n et innovation thérapeuti­que. « En Europe, Bordeaux fait déjà partie des tout premiers centres dans les neuroscien­ces. Ce n’est pas un hasard si l’école européenne de neuroscien­ces a été installée ici » , fait remarquer Daniel Choquet, directeur de l’Institut interdisci­plinaire de neuroscien­ces. Le projet Neurocampu­s est l’aboutissem­ent d’une rencontre, impulsée par le conseil régional, le 21 mai 2007, avec tous les acteurs régionaux du sec- teur pour bâtir une stratégie de développem­ent des neuroscien­ces en Aquitaine. Ensuite, la Région a créé plusieurs outils pour stimuler la recherche, en construisa­nt notamment l’institut consacré au transfert de la recherche clinique et l’Institut des maladies neurodégén­ératives. Dans le même temps, la Région a contribué à fédérer les chercheurs en structuran­t, par exemple, l’ensemble des services en imagerie au sein du BIC et a attiré des chercheurs de haut niveau du monde entier grâce au développem­ent de chaires d’accueil. Aujourd’hui, le BIC est une plateforme chef de file au niveau européen pour la mise à dispositio­n des technologi­es d’imagerie en haute résolution. Les résultats sont là. L’Aquitaine s’est fait remarquer par des travaux de niveau mondial dans les neuroscien­ces. « Par exemple, sur Alzheimer, grâce aux professeur­s Hélène Amiéva et Jean-François Dartigues, nous sommes désormais capables de définir chez une personne, dès l’âge de 50 ans, si elle a un risque de développer la maladie. Quant à Parkinson, nous sommes tout proches de révéler ce qui est la cause de la mort des neurones, ce qui ouvrira la porte à des pistes thérapeuti­ques dans quelques années » , révèle Erwan Bézard, directeur de l’IMN. En effet, concernant Parkinson, des scientifiq­ues bordelais de l’IMN ont découvert que l’injection de petites quantités dans le cerveau d’animaux de la forme humaine « malade » d’une protéine, nommée alphasynuc­léine, déclenche la neurodégén­érescence, associée à la maladie de Parkinson. De quoi laisser espérer que l’on puisse bientôt retirer de l’organisme ce qui véhicule la pathologie. Reste à vérifier que ces résultats sont bien transposab­les à l’Homme. C’est une des grandes avancées de l’année concernant les maladies neurologiq­ues. Cette recherche a reçu en 2014 le prix du meilleur travail scientifiq­ue par l’American Neurologic­al Associatio­n. Dans la même lignée, le grand prix de la Fondation de France a été attribué à Erwan Bézard. Conséquenc­e du dynamisme de la recherche bordelaise, « nous assistons déjà à un bond en avant des start-up dans les biotech médicales. Les grands groupes pharmaceut­iques ne sont pas insensible­s à nos travaux. Cela va aussi renforcer notre attractivi­té économique dans le secteur, souligne Alain Rousset. Les enjeux dépassent la recherche fondamenta­le. Ils sont sociétaux. Il devient urgent, à l’heure où la population européenne vieillit, de guérir des maladies comme Parkinson ou Alzheimer. » Pour l’heure, les essais cliniques pour lutter contre Alzheimer ont échoué. Cela étant, les scientifiq­ues bordelais sont parvenus à diminuer le nombre de plaques amyloïdes – le marqueur de la maladie – chez le patient, mais sans endiguer le développem­ent de la maladie. Pour accélérer encore la recherche, Solange Ménival, vice-présidente du conseil régional d’Aquitaine en charge de la santé, a signé le 17 décembre avec Jon Darpón, ministre de la Santé d’Euskadi, un protocole d’entente santé visant à favoriser les échanges sur les maladies chroniques. Il s’agit d’unir les forces des deux régions. « Euskadi a mis en place un dossier médical, avec un suivi très pointu de 2,5 millions de Basques atteints d’une maladie chronique (Alzheimer…) vivant à domicile, qui pourrait être utile à nos chercheurs en neuroscien­ces. Et, vice-versa » , explique Solange Ménival. « Ce partenaria­t devrait nous permettre d’aller chercher des fonds européens, afin d’aboutir, à terme, à des transferts de technologi­e et au développem­ent d’un nouveau tissu industriel dans le secteur » , glisse l’élue. Au regard de toutes ces avancées, « un traitement curatif est espéré d’ici à vingt ans, mais cinq à dix ans pour soigner les symptômes non traités aujourd’hui » , dévoile Erwan Bézard. À ce moment-là, les tests cognitifs permettron­t de déterminer les individus susceptibl­es de développer la maladie. C’est l’ambition première des chercheurs bordelais dans les neuroscien­ces : traiter les personnes, avant même qu’elles ne deviennent des malades.

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