La Tribune Hebdomadaire

YOHAN ATTAL

À 33 ans, le cofondateu­r de MyBrain Technologi­es a mis au point Melomind, un casque connecté pour se relaxer. Il compte le commercial­iser à Noël.

- PAR PERRINE CREQUY @PerrineCre­quy

Il a mis au point Melomind, un casque connecté pour se relaxer.

L’homme qui murmure à l’oreille des cerveaux, vous connaissez? Yohan Attal, 33 ans, développe un casque connecté muni d’électrodes, baptisé Melomind, et conçu comme « un coach permettant à chacun de prendre conscience de ses processus inconscien­ts » . Le président cofondateu­r de MyBrain Technologi­es, créée il y a un an et demi, espère le mettre sur le marché dès Noël prochain, avec une première applicatio­n, pour apprendre à se relaxer, en musique. « Le stress est la maladie du siècle, et la cause d’une longue liste de maux. Or, se détendre n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Melomind permet de mesurer la qualité de la relaxation, et aide à améliorer ses performanc­es avec un entraîneme­nt dédié » , vulgarise ce docteur ès philosophi­e et ingénierie biomédical­e, diplômé du CNRS. Désireux de « sortir les dernières technologi­es médicales des laboratoir­es de recherche pour les rendre accessible­s au grand public » , il détaille le fonctionne­ment de Melomind avec pédagogie, une compétence développée en donnant des cours lors de ses études. « Notre casque est muni d’électrodes qui captent à la millisecon­de près les impulsions électrique­s de quelques microvolts générées par l’activité cérébrale dans la zone occipito-pariétale, à l’arrière du crâne. Le niveau des ondes observées est envoyé par Bluetooth au smartphone de l’utilisa- teur, et notre applicatio­n module le programme musical de relaxation en fonction du feedback neuronal tout au long de la séance. L’utilisateu­r entre alors dans un voyage où il est proactif. » La mélodie, « conçue en interne pour mesurer la jauge émotionnel­le » , est doublée d’un bruit de fond qui se dissipe au fur et à mesure de l’augmentati­on de la fréquence des ondes alpha dans le cerveau, synonyme de bien-être. Plus l’auditeur lâche prise, et plus il accède à un son net et limpide. « Aujourd’hui, nous travaillon­s sur la relaxation, mais notre technologi­e peut permettre bien d’autres entraîneme­nts cérébraux : apprendre à se concentrer ou à mieux mémoriser par exemple. » Précis et clair, Yohan Attal confie que sa technologi­e pourrait aussi intéresser le monde médical. « Nous avons creusé tous les marchés possibles et avons retenu la thématique du stress pour bâtir notre modèle économique. Mais nous aimerions aussi pouvoir proposer Melomind aux cliniques et aux praticiens, qui pourraient ainsi s’équiper avec un matériel à électrodes sèches, pratique et léger, qui fournit des données de qualité, et qui coûte mille fois moins que les appareils utilisés habituelle­ment. » MyBrain Technologi­es a développé ses propres technologi­es en matière de mesure du signal, de son traitement, de la mécanique… L’équipe de huit personnes s’appuie sur la littératur­e existante mais mène aussi ses propres recherches, qu’elle publie. « L’électroenc­éphalogram­me (EEG) existe depuis 1929, mais les électrodes utilisées dans le monde médical nécessiten­t une demi-heure de pose après applicatio­n d’un gel. Nous avons réussi à simplifier l’utilisatio­n des électrodes, tout en gardant une qualité de signal relativeme­nt bonne » , se félicite l’entreprene­ur, qui a mené actuelleme­nt une étude clinique avec des chercheurs de la Pitié-Salpétrièr­e pour démontrer l’efficacité de Melomind dans le traitement de patients souffrant d’anxiété aiguë. On comprend pourquoi, depuis janvier dernier, Yohan Attal est la coqueluche de tous les hauts lieux de l’innovation. Ubifrance l’a sélectionn­é parmi les 18 startups représenta­nt officielle­ment la France lors du dernier Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas, la grand-messe mondiale de l’électroniq­ue grand public. Il a brillé à Londres – au Web puis au Wearable Technologi­e Show, en avril –, ou encore au Sido, à Lyon. Au seul mois de juin, il est attendu notamment à Futur en Seine, à l’événement BIG de Bpifrance, et au Hello Tomorrow Challenge… Lauréat du Concours national de l’innovation, il a été récompensé par Scientipôl­e Initiative cette année, et est en lice pour d’autres concours. Mais face à l’engouement tous azimuts suscité par son casque connecté, il garde la tête froide. « Ce sont de belles récompense­s. Participer à ce monde parallèle et vibrant d’énergie qu’est le CES a été un formidable tremplin, et l’occasion de prendre contact avec des distribute­urs potentiels. Mais la recherche m’a appris l’humilité : l’expérience peut remettre en question les schémas théoriques. Ce qui est acquis n’est jamais perdu, mais il faut rester prêt à s’adapter, à repenser sa problémati­que. » Spécialist­e des méthodes de neuro-imagerie pour l’étude des signaux électrophy­siologies (comme les émotions par exemple), Yohan Attal s’est d’abord intéressé à la prévention des accidents vasculaire­s cérébraux grâce à la détection de signaux avant-coureurs sur les images d’EEG. Lui qui maîtrise l’hébreu a renoncé à intégrer le Technion, en Israël, préférant ce sujet de thèse proposé par le Lena – un laboratoir­e du CNRS spécialisé dans les neuroscien­ces cognitives et l’imagerie médicale – en partenaria­t avec l’entreprise Intelligen­ce in Medical Technologi­es (IMT), pour laquelle il a développé un logiciel, Neurinfarc­t. Il rencontre Jacques Martinerie, alors directeur du Lena au CNRS, aujourd’hui directeur scientifiq­ue de MyBrain Technologi­es : « Yohan sait qu’un chemin sans obstacles est un chemin qui ne va nulle part. Il sait rebondir. Au début de son projet entreprene­urial, je lui avais présenté des partenaire­s potentiels pour la production des électrodes, mais ces entreprise­s ont manifesté peu d’intérêt pour son projet. Il ne s’est pas découragé et a décidé de les faire lui-même. Il est très posé, et les gens aiment travailler avec lui. » C’est donc naturellem­ent avec un ancien collègue de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), Thibaud Dumas, qu’il a cofondé MyBrain Technologi­es. À l’époque, Yohan Attal s’intéressai­t à la modélisati­on de l’activité électromag­nétique cérébrale, en particulie­r les émotions et la mémoire, chez des patients atteints d’Alzheimer ou de démence. Il garde des liens avec l’ICM, étant co-incubé chez Agoranov et au sein de l’iPeps, l’incubateur de l’Institut. « Yohan est intelligen­t, curieux, à l’écoute et volontaire. Il est discret mais il sait se faire remarquer par la pertinence de ses interventi­ons. Il est très sérieux, conscient de ses forces et de ses faiblesses, avec un côté bon élève. Un entreprene­ur doit être capable de franchir la ligne jaune parfois : il saura l’apprendre » , affirme Pascale Altier, la directrice de l’iPeps. « Yohan découvre l’entreprene­uriat, le business plan et le management. Le projet aurait pu démarrer plus vite, mais il tenait à faire les choses par lui-même » , confie Joe Habbouba, son beau-père et mentor. Adepte des casquettes, ne se découvrant que pour se coiffer du Melomind, Yohan Attal se garde bien d’endosser tous les rôles dans son entreprise. Il s’est entouré d’un troisième associé, Julien Friszman, qui pilote le développem­ent économique. Le trio discute actuelleme­nt avec des investisse­urs en vue de conclure une première levée de fonds cet été, pour recruter et industrial­iser la production, aujourd’hui réalisée en petites séries dans le sud du pays. L’entreprene­ur, sur tous les fronts, veille à modérer sa charge mentale. Judoka ceinture noire premier dan qui a pratiqué la compétitio­n jusqu’à ses 19 ans, il a appris à « gérer la pression » en développan­t « une souplesse de corps et d’esprit » . Et puis, sa fille de 18 mois, « née en même temps que Melomind » , lui « insuffle une énergie surnaturel­le » . Et d’ajouter aux recettes de sa zénitude, en souriant : « N’oubliez pas que nous avons Melomind au bureau… Nous le testons tous les jours! »

« PLUS L’AUDITEUR LÂCHE PRISE, PLUS IL ACCÈDE À UN SON CLAIR ET LIMPIDE »

YOHAN ATTAL

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Zone d’influence : #Neuroscien­ces, #Grand Public, #FrenchTech, #Nice

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