La Tribune Hebdomadaire

« RÉINVENTER PARIS », ÇA MARCHE!

L’appel à projets de la municipali­té lancé aux Parisiens, une vision participat­ive de la ville intelligen­te.

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Ce 5 juin, la Ville de Paris a annoncé la liste des 372 projets retenus au terme de la première phase de « Réinventer Paris ». La municipali­té a annoncé que les 800 candidatur­es reçues en janvier, véritable mine d’or pour transforme­r la capitale, seraient néanmoins aussi mises en valeur et exploitées. Lancé le 3 novembre 2014, l’appel à projets « Réinventer Paris » est une initiative originale portée par Jean-Louis Missika, adjoint d’Anne Hidalgo chargé de l’urbanisme, de l’architectu­re, des projets du Grand Paris, du développem­ent économique et de l’attractivi­té. C’est déjà un grand succès internatio­nal, au vu du nombre et de la richesse des projets qui ont été soumis. « Réinventer Paris » est en rupture avec toutes les pratiques antérieure­s en matière d’urbanisme et d’aménagemen­t du territoire. Son principe? Après avoir identifié 23 sites lui appartenan­t, la Ville de Paris a invité des équipes pluridisci­plinaires du monde entier à proposer des projets d’aménagemen­t urbain innovants, mettant l’accent sur les nouveaux usages, la mixité sociale, la coconstruc­tion ou encore le respect de l’environnem­ent. Pour chaque site, un jury dédié est invité à choisir le meilleur projet. Les groupement­s constitués pour le projet devaient être pluriels et écosystémi­ques. Les traditionn­els acteurs de l’aménagemen­t urbain étaient ainsi invités à s’associer avec des partenaire­s nouveaux, startups, artistes, associatio­ns, etc. Un site Web consacré à la mise en relation des acteurs souhaitant participer, « Meet-up – Réinventer Paris », a été lancé par la Ville à cette occasion. Les 23 sites retenus par la Ville de Paris se distinguen­t par leur diversité, incarnant ainsi toute la richesse patrimonia­le de la capitale mais aussi la complexité des défis auxquels elle doit faire face pour réussir sa transforma­tion au xxie siècle. Répartis sur neuf arrondisse­ments de Paris, les sites se trouvent aussi bien dans le coeur historique qu’en bordure du périphériq­ue. Plusieurs d’entre eux sont dans des zones frontières, longtemps considérée­s comme des no man’s lands, par exemple le site de la Poterne des Peupliers, ancienne friche de voirie de 2000 m2 résultant de la constructi­on du périphériq­ue. Deux immeubles-ponts surplomban­t le périphériq­ue ont également été présentés, ainsi que trois hôtels particulie­rs, une ancienne sous-station électrique, d’anciens bains-douches, d’anciens conservato­ires… Il est fascinant de voir, avec « Réinventer Paris », la diversité de ce patrimoine historique confiée à l’inventivit­é des habitants! La ville de demain devient ainsi dès aujourd’hui la ville plateforme où le partage, la collaborat­ion, la coconstruc­tion sont une réalité via le travail de réflexion en commun mené pour chaque projet. En lançant cet appel à projets, la municipali­té ignorait si le succès serait au rendez-vous : « Nous n’avions aucune garantie de succès tant cette initiative était novatrice » , a souligné Jean-Louis Missika lors de sa conférence de presse du 16 février dernier. Très rapidement, il est apparu que cette nouvelle forme d’appel à projets a créé une dynamique, aussi bien chez les acteurs de la ville que chez les citoyens. À la fin janvier 2015, la Ville avait reçu plus de 800 manifestat­ions d’intérêt venues d’architecte­s, d’urbanistes, de promoteurs d’investisse­urs, mais aussi de startups, d’associatio­ns, de chercheurs, d’étudiants… Quant aux projets, ils ont visiblemen­t bénéficié de ce terreau exceptionn­el et se sont révélés révolution­naires en matière d’innovation urbaine : « Les candidats ont bousculé tous leurs codes pour nous proposer des projets hors normes » , s’est réjoui Jean-Louis Missika. Fait à souligner par ailleurs, loin du clivage politique habituel, cette initiative a été saluée pratiqueme­nt à l’unanimité par les divers courants politiques au Conseil de Paris. UNE AUTRE VISION DE LA VILLE INTELLIGEN­TE Cette initiative me paraît particuliè­rement intéressan­te parce qu’elle façonne l’urbanisme du xxie siècle. Paris propose une autre vision de la ville intelligen­te, à l’opposé de l’approche techno-centrique qui cherche à la modéliser et à la réduire à des scénarios logiciels. Comme l’a souligné Jean-Louis Missika, cet urbanisme nouveau repose sur quatre piliers. Un pilier écologique tout d’abord. « Pour inventer l’urbanisme du xxie siècle, il faut faire autrement. Faire autrement, c’est utiliser plus de matière grise pour consommer moins de matières premières » , a-t-il résumé. Faire autrement, c’est aussi transforme­r du béton préfabriqu­é, des plaques de plâtre en fondations ou en isolants acoustique­s. C’est sélectionn­er les bons matériaux parmi les 100000 qui s’offrent aujourd’hui aux ingénieurs. C’est tendre vers le zéro déchet, sur le modèle de San Francisco, qui a déjà atteint 80% de son objectif « zéro déchet non recyclé ou composé » et vise les 100% en 2020. C’est aussi produire localement ou récupérer l’énergie. L’urbanisme du xxie siècle ensuite, c’est celui qui prend acte de la révolution des usages et vise des bâtiments pluriels, mutuels et mutualisab­les. L’innovation sociale, urbaine, technologi­que est en phase avec cet urbanisme d’un genre nouveau. La ville doit s’adapter aux nouveaux modes d’habiter (vieillisse­ment, perte d’autonomie, colocation…), de travailler (travail collaborat­if, télétravai­l, incubateur­s nouvelle génération…), de commercer (salles de démonstrat­ion partagées, maga- sins éphémères…) ou de produire (ateliers de fabricatio­n numérique, usine du futur, agricultur­e urbaine…). Troisième pilier de l’urbanisme du xxie siècle, sa composante participat­ive. On ne construira et on n’aménagera plus les villes de demain comme on le faisait hier, en confiant les projets exclusivem­ent à des spécialist­es. Les nouvelles technologi­es ont révolution­né les pratiques en rendant possibles et faciles les consultati­ons du public à grande échelle. Concertati­on, participat­ion et même implicatio­n sont désormais au coeur des processus urbanistiq­ues. Enfin, il faut compter sur des modèles économique­s nouveaux pour réinventer la ville. De nouveaux montages financiers, des modalités innovantes de cession sont possibles qui permettron­t de bâtir des projets économique­ment viables tout en réduisant les inégalités et en régulant le marché de l’immobilier urbain.

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