JOACHIM DUPONT
À 26 ans, le président cofondateur d’Anaxago se voit en « financier rassembleur ».
Il s’investit sans compter pour financer les débuts de jeunes entreprises innovantes. Joachim Dupont, 26 ans, passe l’essentiel de son temps au bureau, en rendez-vous et autres négociations. Et, pour autant, le président de la plateforme de financement participatif Anaxago affiche un sourire franc et serein. « Mon travail, c’est mon hobby, ma passion » , confie cet adepte des chiffres, qu’il sème à la volée. « Depuis le lancement de l’activité, début 2013, Anaxago a fédéré 3000 investisseurs actifs, qui ont investi 20 millions d’euros dans 50 entreprises. Notre ambition est de pouvoir investir 50 millions d’euros d’ici à 2017, et pas uniquement dans les startups. » Posé et percutant, ce diplômé de master en management-finance à l’université Paris-Dauphine a déjà entamé sa diversification. Depuis un an, Anaxago, qui était initialement réservée aux projets dans les domaines de l’innovation et de la santé, propose aussi aux investisseurs individuels de participer au financement d’opérations immobilières. « Notre premier projet de promotion immobilière, à Montpellier et à Toulouse, a levé 1,8 million d’euros en 40 jours » , se réjouit-il. L’homme est ouvert, affable, mais intraitable quand il s’agit de sélectionner les dossiers candidats à une opération de financement participatif via sa plateforme. Il veille à bien cibler les opérations qu’il promeut. « Nous ne retenons que 3% des entreprises candidates, afin de garantir les conditions de l’investissement » , explique le conseiller en investissements financiers et participatifs. Il veut « permettre à chacun de devenir business angel avec un ticket d’entrée de 1000 euros, et offrir aux entreprises une autre source de financement que les banques » . À la fin de son tour de table, l’entreprise accompagnée aura versé à Anaxago 5000 euros de frais et une commission de 3 à 5% du montant levé. Parmi ces heureux élus qui ont été présentés aux investisseurs, Joachim Dupont cite « Wandercraft, qui fabrique des exosquelettes incroyables, e(ye)Brain, qui conçoit un casque révolutionnaire pour un diagnostic précoce des maladies neurologiques, ou encore le réseau collaboratif féminin Mes Bonnes Copines, qui a été l’un de nos premiers projets ». « Joachim m’a tout de suite inspiré confiance par son sérieux, sa dimension “corporate” et sa vision. Et, en deux ans, le junior est devenu un tueur! Il a fait grandir Anaxago à une vitesse phénoménale, sans perdre son habileté pour la diplomatie et la médiation », observe Florence Haxel, la présidente fondatrice de Mes Bonnes Copines. C’est avec deux bons camarades de Dauphine, Caroline Lamaud et François Carbone, que Joachim Dupont s’est lancé dans l’entrepreneuriat. Ce natif de Honfleur a grandi à Cannes entouré de commerçants et d’entrepreneurs. Mais c’est vers la finance qu’il s’est tourné après son baccalauréat, quand il a « choisi Dauphine plutôt qu’une classe prépa, pour entrer tout de suite dans le concret » . Pendant ses études, entre deux jobs d’étudiant – serveur ou developpeur commercial dans une agence immobilière –, il a mis les mains dans le cambouis en tant que contrôleur financier chez Axa Corporate Solution. « Je gérais les gros risques à l’international, par exemple la responsabilité civile d’une grande entreprise ferroviaire en cas de collision de trains. C’était un métier intellectuellement intéressant, très technique, avec de gros enjeux. » Après un an dans l’assurance et son master en poche, il a intégré « la finance traditionnelle » – de marché – chez Lazard, au sein du service marketing et communication. « Je communiquais sur les produits d’investissement. J’ai pu appliquer empiriquement ce que j’avais appris en cours. » En dehors de ses activités dans l’univers de la gestion de patrimoine, Joachim Dupont aime refaire le monde avec ses anciens camarades de promo. Ils commentent les accusations de manque de transparence dans la finance, ils évoquent « le nouveau modèle de réussite, l’entrepreneur, qui commence à supplanter le trader, après le golden boy et le patriarche industriel » , et se piquent de curiosité pour cet ovni appelé MyMajorCompany. « C’est le modèle qui nous a inspirés, car, à l’époque, on ne parlait pas de Kickstarter en France. Nous étions convaincus que nous pouvions lancer une plateforme semblable, destinée à financer le plus grand nombre de jeunes entrepreneurs. » « Nous n’avions rien à perdre, alors nous nous sommes lancés » , résume sobrement Joachim Dupont. Après un an de développement, Anaxago entre en service. Aujourd’hui, la société compte 15 collaborateurs recrutés à la sortie de l’école et formés en interne, 625000 euros de chiffre d’affaires en 2014, et une croissance de 30% par an. « Nous sommes rentables depuis notre premier exercice, ce qui est rare dans la finance participative. » Quand il s’agit d’aller vite, il est convaincu que l’union fait la force. Il laisse ses équipes gérer la responsabilité de leurs portefeuilles. Et, pour faire connaître le financement participatif aux épargnants et aux institutions en France, lui et son associé François Carbone ont réuni les acteurs du financement participatif – y compris les concurrents – au sein de l’association Finance participative France, lancée en mars 2012. Thierry Chevalier, dirigeant du cabinet CompinnoV, est l’un des membres fondateurs du mouvement : « Joachim et François sont des jeunes à la tête bien faite, ambitieux et qui n’ont rien de doux rêveurs. Joachim est très clairvoyant, il se trompe rarement. Il est réactif dans ses analyses et pourvoyeur de solutions. Et, face à ses contradicteurs, il manie la pédagogie et un humour froid, pince-sans-rire. » Un de leurs objectifs était d’obtenir une révision de la réglementation de l’AMF alors en vigueur, qui de facto limitait à 150 le nombre d’investisseurs sur un même projet. Après un an et demi de conférences et colloques, leur cause a été entendue par Fleur Pellerin, alors ministre déléguée à l’Innovation, qui a ouvert des assises de la finance participative, réunissant 600 participants, et aboutissant un an plus tard à un décret remodelant le cadre législatif. C’est à cette époque que Joachim Dupont a sollicité Yvan-Michel Ehkirch, de CapDécisif, pour devenir cogérant du Fonds régional de co-investissement de la région Île-de-France. « Joachim Dupont m’a tout de suite fait l’impression d’un leader. Il a de grandes capacités de travail et de l’opiniâtreté. » L’association Finance participative France poursuit le dialogue avec le ministre de l’Économie, lors des deuxièmes assises de la finance participative, en décembre dernier, et avec les épargnants, notamment lors de la Fête du crowdfunding, début juin. À cette occasion, Joachim Dupont a animé une table ronde. Il s’adresse à tous les publics, des étudiants de Sciences Po auxquels il donne des cours, aux cadres de grands groupes qui viennent se former auprès de lui. « Quand il ne sait pas, Joachim passe la parole à celui qui maîtrise le dossier. Il est très humble, honnête, intègre et sans esbroufe » , confie Serge Ba- latre, actionnaire et membre du comité stratégique d’Anaxago. Il a investi lors de la première – et unique à ce jour – levée de fonds d’Anaxago, réalisée via la plateforme en septembre dernier. « Nous visions 300000 euros, nous avons collecté 2 millions auprès d’une centaine d’investisseurs en un temps record » , se souvient Joachim Dupont, qui en a profité pour « doubler ses effectifs et sécuriser le développement » . « Dans les douze prochains mois, le secteur du financement participatif va connaître une concentration. Il restera deux ou trois acteurs pour chacune des grandes familles du financement participatif : le don, le prêt et l’investissement » , prédit l’entrepreneur, qui estime qu’il faudra encore « cinq à dix ans » pour que le financement participatif se généralise auprès du grand public. À terme, ce marché pèsera « 2,2 milliards d’euros, soit 1% de l’épargne des Français, contre 130 millions aujourd’hui » . Et il compte bien s’y faire une place de premier ordre.
« IL EST HUMBLE, INTÈGRE ET SANS ESBROUFE »