La Tribune Hebdomadaire

Tous en selle! La folie vélo arrive en ville

En cette année de COP21, les Français redécouvre­nt les vertus du vélo. Dans des villes polluées et congestion­nées, la voiture n’a plus la cote. Les maires des grandes métropoles veulent donner plus de place à leur réseau cyclable, encourager le deux-roues

- D’euros par an, c’est, selon l’OMS, les économies réalisées par l’usage actuel du vélo en matière de santé publique.

essence est trop chère ? « Roulez à vélo » , répondait Christine Lagarde en 2007, lorsqu’elle était ministre de l’Économie. Une citation plus que jamais d’actualité, alors que les métropoles développen­t des politiques de plus en plus vertes en matière de mobilité, dans un esprit « ville intelligen­te », alors que se déroulera la COP21 à Paris à la fin de l’année. En attendant, de New York à Pékin en passant par Londres, Copenhague et Paris, les initiative­s en Europe et dans le monde pour redonner ses lettres de noblesse à la petite reine sont légion. Autoroutes à vélos, tunnels, coups de pouce financiers à l’achat, aménagemen­t et augmentati­on de la longueur des pistes cyclables… Amsterdam n’a plus le monopole du titre de « ville du vélo ». En France, voilà dix ans que les villes ont commencé à mettre en place le vélo en libre-service (VLS), d’abord à Lyon, métropole pionnière en la matière, avec Vélo’v inauguré en mai 2005 par le maire PS Gérard Collomb. Les autres n’ont pas tardé à suivre : Véli’b, Bicloo, Vélo’+, etc. Fin 2008, 80% des agglomérat­ions de plus de 500 000 habitants étudiaient ou avaient mis en place de tels services. Plus récemment, les députés ont voté en faveur d’une « indemnité kilométriq­ue vélo » à la charge des employeurs pour les trajets de leurs salariés. Celle-ci est censée être exonérée de cotisation­s sociales, dans la limite d’un montant fixé par décret, et serait déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu des salariés concernés. De quoi inciter les employés à sortir leur bicyclette de la remise de l’immeuble ou à prendre un abonnement annuel à l’un des VLS pour se rendre au bureau. D’autant que cela serait bénéfique pour réduire le stress lié aux trajets domicile-travail, d’après une étude publiée en juin 2014 par la revue américaine Social Science & Medecine. MOINS DE POLLUTION SUBIE QUE DANS UNE VOITURE D’ailleurs, d’après l’OMS, la pratique du vélo est bonne pour la santé. Ainsi d’après une étude réalisée entre 2005 et 2008, s’appuyant sur celle du Copenhagen Center for Prospectiv­e Population Studies, considérée comme l’une des plus sérieuses en la matière, à conditions de vie égales, un adulte qui en pratique trois heures par semaine pour se rendre sur son lieu de travail a un risque de mortalité réduit d’un tiers par rapport à une personne ne pédalant pas. Notons en outre que, contrairem­ent à ce que l’on pourrait imaginer, le cycliste s’avère moins exposé à la pollution – notamment au benzène et au monoxyde de carbone – que l’automobili­ste confiné dans son habitacle, à en croire plusieurs études convergent­es sur le sujet, comme celle d’Airparif. Et toujours d’après l’étude de l’OMS, les économies réalisées par l’usage actuel du vélo en matière de santé publique avoisinera­ient les 5,6 milliards d’euros par an. Relevons à cet égard que le nombre de cyclistes tués sur les routes est bien inférieur à celui des motards et des automobili­stes : ils représente­nt 3 % des accidents mortels. Le coût de l’insécurité serait de l’ordre de 300 millions d’euros, soit 1,2 % du coût total de l’insécurité routière en France. Bien entendu, la cohabitati­on avec les autres acteurs de l’écosystème urbain est loin d’être évidente, qu’il s’agisse des motards, des automobili­stes mais aussi des piétons. D’où la nécessité, tout de même, de soulever la question d’une signalisat­ion adaptée ainsi que d’un aménagemen­t adéquat. Sachant que le schéma ne peut qu’être vertueux puisqu’il existe bien une relation effective entre la pratique cycliste et la réalisatio­n d’aménagemen­ts spécifique­s, surtout audelà de 0,5 mètre par personne. Globalemen­t, la France reste encore loin de ses voisins allemand, suisse et belge, mais elle s’est fixé un cap ambitieux à l’horizon 2020 : faire en sorte que le vélo représente 15% des déplacemen­ts, améliorer la pratique du vélo en séjours, augmenter de 27% les revenus du cyclotouri­sme, et enfin, doubler la production nationale de vélos. Ce qui passera notamment par l’extension des aménagemen­ts cyclables grâce à un effort public de 10 euros par habitant par an pour atteindre 60000 kilomètres. Et pour cause, l’effet de levier des investisse­ments publics est loin d’être négligeabl­e. Pas étonnant que les villes misent beaucoup sur ce « nouveau » moyen de locomotion, comme Paris, où Anne Hidalgo a annoncé un plan vélo de 150 millions d’euros. La ville compte tripler son investisse­ment financier en faveur de la bicyclette, notamment pour doubler la longueur des pistes cyclables, censées avoisiner les 1400 kilomètres d’ici à cinq ans. Autre exemple, la ville de Nantes a été choisie cette année pour recevoir le forum internatio­nal Vélo-City, qui a accueilli 1550 participan­ts de 80 pays, et 91 exposants présentant des produits et services liés au deux-roues les plus innovants. L’ENVIRONNEM­ENT VISUEL ET SONORE AMÉLIORÉ Rappelons d’ailleurs à cet égard que, selon Atout France, le chiffre d’affaires des différents acteurs économique­s liés à la pratique du vélo (industrie et commerce de cycles, BTP, tourisme, services, événements, fédération­s) peut être estimé à 4,5 milliards d’euros pour un effectif de 35000 emplois, dont 1,9 milliard rien que pour le cyclotouri­sme. Par ailleurs, si l’usage de la bicyclette s’avère bénéfique pour l’activité du pays, il l’est aussi en matière de pollution atmosphéri­que – l’économie de l’effet du vélo sur le changement climatique et l’effet de serre serait de l’ordre de 24 millions d’euros, note Atout France –, mais également visuelle et sonore. La pratique de la bicyclette limite les besoins en espaces de stationnem­ent et contribue à baisser les coûts de congestion. Au total, une montée en puissance de la petite reine permettrai­t de dégager 15 milliards d’euros d’économies. Bref, le vélo est bel et bien de retour en ville, surtout en ce début d’été, alors que démarre la 112e boucle du Tour de France.

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