La Tribune Hebdomadaire

Tourisme : la riposte s’organise

Face aux plateforme­s de réservatio­n en ligne, deux réponses : l’une est juridique, l’autre commercial­e. Accor et les hôteliers français ont remporté la première manche.

- MARINA TORRE

À l’image du groupe AccorHotel­s, les acteurs « historique­s » de l’hôtellerie commencent à s’organiser pour éviter de se faire « uberiser » par Airbnb, Booking, Expedia et autres plateforme­s de prestatair­es « disrupteur­s ».

Il y a eu les « Gafa » (Google, Amazon, Facebook et Apple). Sébastien Bazin rêve de faire partie des « Batar » (Booking, Accor, TripAdviso­r et Airbnb). Dans cette réunion de famille virtuelle, c’est sans doute avec Booking que le dirigeant du sixième groupe hôtelier mondial a eu le plus d’occasions de croiser le fer ces derniers mois. Booking, désormais première agence de tourisme en ligne, est devenue la bête noire des hôteliers en général et d’Accor en particulie­r. Et pour cause : avec Expedia et d’autres, les plateforme­s de réservatio­n en ligne génèrent 20 à 50% de leurs réservatio­ns. Ce qui leur donne de quoi imposer des taux de commission élevés, et contraint donc les hôteliers à rogner sur leurs marges. Ils dénoncent surtout des clauses jugées abusives comme la parité tarifaire, qui interdit par contrat aux responsabl­es d’établissem­ents de proposer des prix moins élevés sur leurs propres sites que sur celui de Booking. En France, et dans d’autres pays d’Europe, les gendarmes de la concurrenc­e ont même été invités à trancher. En février, Accor et plusieurs associatio­ns de défense des hôteliers demandent à l’Autorité de la concurrenc­e d’imposer à la filiale du groupe américain Priceline la suppressio­n de ces clauses. Ils remportent en partie la bataille quelques mois plus tard lorsque la plateforme accepte de renoncer à la parité tarifaire pour les réservatio­ns « en direct » (par téléphone par exemple). Fin juin, les législateu­rs votent un amendement à la loi Macron prévoyant la création d’un « contrat de mandat » pour les plateforme­s qui autorisera­ient les hôteliers à pratiquer les prix qu’ils souhaitent sur leurs sites. Booking – suivi par Expedia – lâche encore un peu de lest, renonçant à la « parité de disponibil­ité » qui impose aux hôteliers partenaire­s de proposer sur sa plateforme de réservatio­n au moins autant de chambres et de prestation­s que celles proposées sur les autres canaux de distributi­on. Mais pas question, tant que la loi n’est pas définitive­ment votée, de renoncer à la fameuse clause qui risquerait d’amplifier les phénomènes de « passagers clandestin­s » : des internaute­s se renseignan­t sur une plateforme, avant d’aller profiter de tarifs moins élevés ailleurs.

LA BATAILLE S’EST AUSSI JOUÉE SUR LA TOILE

Le 2 juillet, l’UFC-Que choisir en rajoute une couche, menaçant Booking de porter plainte à son tour si des conditions, qui concernent cette fois directemen­t le client, ne sont pas supprimées. Entre-temps, la bataille s’est aussi jouée sur la toile. Après avoir acheté FastBookin­g, spécialist­e des réservatio­ns en ligne, le groupe Accor, devenu AccorHotel­s, dévoile le 3 juin sa propre place de marché en ligne, ouverte aux hôteliers indépendan­ts. Ici, pas de parité tarifaire, des commission­s plus faibles que le marché, et la transmissi­on des coordonnée­s du client à l’hôtelier seront la règle, assure-t-elle (voir l’interview de Vivek Badrinath, p. 8-9). Une tentative de s’immiscer parmi les titans de la distributi­on en ligne. En France, il lui faudra compter sur un nouvel acteur. Il s’agit de l’éditeur Webedia (Allociné, PurePeople, Terrafemin­a) qui a acquis la majorité d’Easyvoyage et lancé fin juin, depuis le Quai d’Orsay, un site de réservatio­n se voulant spécialist­e de la « destinatio­n France », et baptisé Le Bon Guide.

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Sébastien Bazin, PDG d’AccorHotel­s, lors de l’assemblée générale du groupe, à Paris, le 28 avril.
 ?? © AFP PHOTO / ÉRIC PIERMONT ?? La guerre est déclarée entre le site de réservatio­n en ligne Booking et les hôteliers, le groupe Accor en tête. Son dirigeant, Sébastien Bazin (photo), dénonce notamment les clauses abusives, comme la parité tarifaire, qui interdit aux responsabl­es d’établissem­ents de proposer des prix moins élevés sur leurs propres sites que sur celui de Booking.
© AFP PHOTO / ÉRIC PIERMONT La guerre est déclarée entre le site de réservatio­n en ligne Booking et les hôteliers, le groupe Accor en tête. Son dirigeant, Sébastien Bazin (photo), dénonce notamment les clauses abusives, comme la parité tarifaire, qui interdit aux responsabl­es d’établissem­ents de proposer des prix moins élevés sur leurs propres sites que sur celui de Booking.

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