La Tribune Hebdomadaire

UNE DÉPENSE PUBLIQUE TRÈS ALLÉGÉE

C’est le chiffre magique des programmes de politique économique à droite : il faut tailler dans la dépense publique en France pour la ramener de 57% du PIB aujourd’hui, à 50%. Et, pour y parvenir, réaliser au moins 100 milliards d’euros d’économies? Mais

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Réaliser au moins 100 milliards d’euros d’économies, c’est l’ambition de la droite « de gouverneme­nt ». Mais est-ce bien crédible ?

En fait, il y a 100 milliards et 100 milliards… Ceux de Nicolas Sarkozy ne ressemblen­t pas nécessaire­ment à ceux de François Fillon ou d’Alain Juppé, ou de Bruno Le Maire. Bien sûr, on ne connaît pas le détail des économies envisagées. Seul Nicolas Sarkozy, au nom des Républicai­ns, a rendu public le 30 mars un document censé détailler les économies à venir. Censé, car en dépit de l’affichage d’une addition se voulant précise et tombant juste, un certain flou continue de régner sur la réalité des économies possibles. Mais, de ce document et de sa présentati­on par les experts des Républicai­ns, se dégage une idée-force : les économies viendraien­t majoritair­ement d’une meilleure gestion. Bien sûr, certaines seraient contestées, comme l’instaurati­on d’une dégressivi­té des allocation­s-chômage, dans le cadre d’une Unedic reprise en main par l’État. Mais le projet repose globalemen­t sur un maintien des politiques publiques actuelles, « à périmètre constant » . L’idée est longuement développée, selon laquelle il suffirait de mieux organiser les administra­tions – ce qui permettrai­t de supprimer 300«000 postes de fonctionna­ires, y compris dans les collectivi­tés locales – pour atteindre un montant d’économies considérab­les : une cinquantai­ne de milliards d’économies, y compris le passage de 35 à 37heures dans la fonction publique. LA RETRAITE AU COEUR DU DÉBAT PUBLIC/PRIVÉ Avec la révolution libérale qu’il préconise, François Fillon, entend aller plus loin dans les économies – 110milliar­ds – mais aussi dans la réforme : réduction du nombre de collectivi­tés territoria­les, passage aux 39 heures dans la fonction publique, et surtout réforme des retraites, avec passage de l’âge légal à 65 ans, et mise en place d’un système de capitalisa­tion. Ce sujet de la retraite est essentiel. Si la protection sociale – au sens large : santé, politique familiale, retraites, allocation­s-chômage, politique du logement, RSA – représente un budget équivalent à un tiers du PIB, ce qui constitue un record mondial, comme le soulignent les experts des Républicai­ns, c’est d’abord en raison du poids des pensions. Le choix a été fait en France de retraites plus largement publiques qu’ailleurs. Le système des retraites représente en France une dépense proche de 14«% du PIB, alors que la moyenne européenne est de 11«%. Non pas que les retraités français soient beaucoup mieux traités qu’ailleurs – ils le sont peut-être, mais à la marge. La différence tient surtout au bouquet public/privé. Au Royaume-Uni, la retraite publique représente 580 euros par mois, et jamais au-delà. Pour le reste, il faut faire appel au secteur privé. Les salariés anglais cotisent à des fonds de pension, afin d’obtenir un revenu supérieur à 580 euros, une fois partis en retraite. Ces fonds de pension ne sont évidemment pas comptabili­sés en dépense publique, ni en prélèvemen­ts obligatoir­es, même si les salariés ont dû renoncer à une partie de leur rémunérati­on nette pour y cotiser, et si cette cotisation est pour partie obligatoir­e. S’agissant d’organismes d’épargne retraite privés, il ne peut s’agir d’une dépense publique. FILLON S’INSPIRE-T-IL DU « MODÈLE » ALLEMAND? Les salariés allemands sont sur cette tendance, depuis les années 2000 et l’époque des coupes claires dans les pensions publiques : ils doivent souscrire à des plans Riester (fonds de pension) s’ils veulent encore espérer disposer d’une retraite correcte, le système public érodant année après année les prestation­s versées. Grâce à cette érosion, la dépense publique allemande a pu baisser ces dix dernières années, en dépit d’un afflux de nouveaux retraités. Elle a été ramenée à 9«% du PIB, soit cinq points qu’en France«! En annonçant la création d’une véritable retraite par capitalisa­tion, François Fillon entend-il s’inspirer du « modèle » allemand«? Il ne le dit pas aussi clairement, mais ce peut être son intention. Nicolas Sarkozy n’envisage pas une telle privatisat­ion – au moins partielle – de l’assurance vieillesse, essentiell­e aux yeux des économiste­s libéraux. Pour ceux-ci, il faut revoir l’étendue de la protection sociale, renoncer notamment à un système couvrant toute la population, qui est beaucoup trop onéreux, et va le devenir de plus en plus, sous l’effet des décisions prises par le gouverneme­nt et les partenaire­s sociaux, alourdissa­nt le coût du travail. C’est ce que préconise JeanCharle­s Simon, président de Facta Group, qui suggère de limiter le système de retraites actuel aux bas et moyens salaires. « Plus les salaires sont élevés, plus la part prise par la socialisat­ion des mécanismes de retraite apparaît aber- rante », affirme-t-il dans son blog du Contrarian sur Latribune.fr : « S’il est concevable qu’un pays veuille protéger les retraités les plus modestes avec un taux de remplaceme­nt très élevé dans le cadre d’un régime obligatoir­e, il n’y a aucune rationalit­é à vouloir qu’un système de retraite soit aussi couvrant pour toutes les catégories de revenus. Compte tenu de nos évolutions démographi­ques, cela s’effectue au prix de prélèvemen­ts exorbitant­s sur les salaires, qui, aux tranches les plus faibles, créent du chômage, et aux niveaux plus élevés, découragen­t salariés et entreprise­s, et conduisent in fine à une spécialisa­tion de l’économie française sur des activités à faible valeur ajoutée. » SARKOZY VEUT ALLÉGER LA CHARGE DE LA SÉCU Mais on ne trouvera rien d’aussi radical dans le programme des Républicai­ns, présenté par Nicolas Sarkozy. Il entend uniquement repousser l’âge de départ à la retraite à 63 ans à partir de 2020, et à 64 ans en 2025. Ce qui signifie au passage que les 51 milliards d’économies affichés sur la protection sociale ne seraient pas atteints, en fait, à la fin du prochain quinquenna­t. Concernant la protection sociale, l’économie la plus importante affichée par Nicolas Sarkozy, outre celle sur les régimes de retraite, concernera­it le remboursem­ent des médicament­s. Le taux de remboursem­ent passerait de 76 à 73«%. La Sécu échapperai­t du coup à une charge de six milliards d’euros. L’économiste Christian Saint-Étienne, qui contribue à la réflexion des Républicai­ns, et l’ancien ministre du Budget, Éric Woerth, soulignent l’inefficaci­té de la technique habituelle « du rabot », consistant pour les « budgétaire­s » de Bercy à écrêter tous les postes de dépenses. De vraies réformes sont nécessaire­s, affirment-ils. Mais le programme d’économies présenté par le parti de Nicolas Sarkozy s’inscrit-il vraiment en rupture avec cette technique«? Par exemple, cette baisse de trois points du taux de remboursem­ent des médicament­s ne présente-t-elle pas toutes les caractéris­tiques du coup de rabot«? De la non-réforme, du simple mécanisme permettant d’alléger les dépenses de sécurité sociale, sans revoir les structures de prise en charge«? En fait, le programme des Républicai­ns n’assume pas de rupture avec le système public tel qu’il fonctionne aujourd’hui. En affichant un montant d’économies considérab­le – même si le compte n’y est pas, en dépit des efforts d’affichage –, tout en affirmant pouvoir maintenir notre système actuel de protection sociale, diton toute la vérité aux électeurs«?

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© REUTERS Nicolas Sarkozy n’envisage pas de privatisat­ion del’assurance vieillesse.

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