« Être les premiers auxquels les gens pensent quand ils ont faim »
WILLIAM SHU ET ADRIEN FALCON, respectivement PDG cofondateur de Deliveroo et responsable France Présent dans huit métropoles, Deliveroo a franchi le cap du million de commandes. Et si la concurrence s’annonce rude, avec l’arrivée de nouveaux acteurs, Will
Dira-t-on bientôt que l’on commande « un Deliveroo », comme on dit que l’on prend « un Uber » ? C’est en tout cas tout le challenge de la plateforme de livraison de repas à domicile lancée en 2013 au Royaume-Uni, qui annonçait jeudi 31 mars avoir passé le cap du million de repas livrés en France, un an après s’être lancée à Paris. Hasard du calendrier ? La startup britannique fête son tout premier anniversaire au moment où le géant américain Uber annonce le lancement de sa nouvelle application, UberEats, après six mois de test à Paris. Quoi qu’il en soit, les similitudes entre les deux plateformes ne manquent pas. Comme Uber, la jeune pousse britannique tisse sa toile à travers le monde. Et adopte la même stratégie d’implantation régionale en France. Deliveroo est désormais présent dans huit métropoles –Paris, Lille, Nantes, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Lyon et Nice– avec l’objectif de s’installer dans une quinzaine de nouvelles villes d’ici à la finde 2016. Des villes dans lesquelles Uber propose déjà ses services… Deliveroo semble toutefois ne pas s’inquiéter de l’arrivée d’un nouveau rival, s’affichant comme le numéro un devant tous ses concurrents. D’autant que, selon son PDG d’origine améri- caine William Shu, il y a bien assez de place pour tout le monde dans ce marché florissant. De passage à Paris, il livre aux côtés du responsable France Adrien Falcon, sa vision d’un marché qui suscite les appétits.
LA TRIBUNE – Vous avez collecté 200 millions d’euros l’an dernier au cours de trois levées de fonds, et votre développement international se fait à un rythme extrêmement rapide, dans un contexte de croissance fulgurante du marché. Comment expliquer cet appétit pour la livraison de repas?
WILLIAM SHU – Nous avons commencé en février 2013 à Londres, dans le quartier de Chelsea«; Après avoir développé notre modèle pendant deux ans, nous avons décidé de nous déployer ailleurs et démarré en janvier 2015 à Brighton. Au Royaume-Uni, où nous sommes aujourd’hui présents dans 45 villes, nous avons constaté une forte fréquence des commandes chez les clients et une fidélité de ces derniers. Nous ne nous y attendions pas. Nous avons rapidement voulu tester si cela fonctionnait dans d’autres pays. En Irlande, en France et en Allemagne, ça a été une explosion. Dans chaque pays, les schémas de comportement de la demande sont similaires. Ce qui change, et peut avoir un effet majeur, c’est la manière de promouvoir votre produit auprès des consommateurs, et de le mettre sur le marché. La situation peut varier d’un endroit à l’autre. En Europe, la densité de population est plutôt élevée et les restaurants se trouvent en général au niveau de la rue. Alors qu’à Hong Kong, où la densité de population est encore plus élevée, vous vous rendez compte que de nombreux restaurants se trouvent au neuvième étage, ou à d’autres endroits aléatoires. Les immeubles sont si grands que cela prend un temps fou de monter et de redescendre. À Dubaï, de nombreux fournisseurs se trouvent dans des centres commerciaux immenses. Donc, il a fallu faire des ajustements.
Combien un coursier peut-il gagner, en moyenne?
ADRIEN FALCON – Les coursiers peuvent gagner 25 euros de l’heure, ils ont un salaire horaire et des revenus complémentaires par livraison. Tout dépend de la course, ce n’est pas la même chose s’il pleut ou non, par exemple. En outre, et cela nous a surpris, les Français ont tendance à laisser de bons pourboires. La question clé est : « Sont-ils heureux ? » Ils le sont. Vous ne passez pas d’un livreur à plus de 1«000 si ces gens n’en profitent pas. Nous tenons aussi à respecter leur indépendance et leur liberté [Ce sont les livreurs à vélo qui sont en charge de leur assurance par exemple, même s’ils peuvent bénéficier de tarifs préférentiels négociés par Deliveroo, ndlr]. Pour certains, ce sera un complément de revenus, tandis que d’autres feront cela à temps plein.
En Australie, une association vient de publier un rapport dénonçant des niveaux de revenus très faibles, bien inférieurs à ceux des coursiers professionnels. Que répondez-vous à cela?
WILLIAM SHU – Je dirais que c’est inexact. Lisez les commentaires que les livreurs ont publiés sur ce sujet, ils sont très parlants.
Quelle place occupe la France dans vos revenus par rapport aux autres pays?
WILLIAM SHU – La France représente une partie très significative de notre activité. Avec l’Allemagne et l’Irlande, elle est l’un des premiers marchés étrangers sur lesquels nous nous sommes lancés début 2015. Depuis, nous avons démarré en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie, à Singapour, en Australie et aux Émirats arabes unis.
Pourquoi avoir choisi en particulier Paris parmi les premières cibles?
WILLIAM SHU – Aucun de nous ne savait vraiment si cela allait marcher. Dans des pays comme le Royaume-Uni, le marché de la livraison de repas était déjà assez dynamique, bien que la qualité ne soit pas toujours au rendezvous. Ici, vous ne l’aviez pas. Quand on parlait avec des Français, ils disaient seulement : « Cela semble une idée horrible. » Ce qu’ils n’ont pas bien pris en compte c’est que la scène « premium casual » (moyen haut de gamme) est incroyable : en fait, ce sont justement les types de restaurants qui fonctionnent. Et puis notre visée est « hyperlocale ». Le temps moyen de trajet du restaurant au consommateur se situe autour de dix-sept minutes. Ce n’est possible qu’en contrôlant la distance. Pour nous, la densité de population est donc vraiment très importante. Paris est bien plus densément peuplée que Londres [Intra-muros, la capitale française compte 21 258habitants au km2 selon l’Insee, soit près de quatre fois plus que son homologue anglaise, ndlr].
La concurrence y est rude avec UberEats désormais, mais aussi avec de nombreux autres acteurs, comme Foodora, Take Eat Easy, etc. Comment résistez-vous?
WILLIAM SHU – Quand je pense au paysage concurrentiel, je ne pense pas seulement aux concurrents qui nous ressemblent, ou même Uber ou qui que ce soit. Je vois un univers bien plus large. S’il pleut et que vous êtes à la maison, quelles sont vos options«? Vous comman-