La Tribune Hebdomadaire

Ils veulent changer le monde (en mieux?)

- PAR PHILIPPE MABILLE @phmabille

Ils ont entre 16 et 36 ans, selon la définition classique (nés entre 1980 et 2000). Et si l’on prend en compte les catégories de l’Insee, ce sont les 15-34 ans, près de 17 millions de personnes en France. Ces « Millennial­s » , la dernière génération du siècle dernier, on les appelle aussi les « Y », par opposition aux « X » (la génération post-Baby Boom/ post-68). Les deux ont en commun d’avoir entendu parler de « crise » depuis qu’ils sont enfants, ou presque. Mais pas de la même. Les « X » ont connu les crises pétrolière­s, le début du chômage de masse et les grandes restructur­ations industriel­les. Les « Y » et leurs prochains successeur­s, les « Z », nés après 2000, ont pour acte de naissance géopolitiq­ue le 11 septembre 2001 et une histoire « économique » qui se confond avec la grande crise financière de 2008, qui a changé en profondeur tous nos paradigmes. Les « Y », ce sont les enfants de la précarité du travail, des stages, des CDD et de la galère de l’accès au logement. Ils rêvent tous d’un monde meilleur, qu’ils l’expriment debout nuitamment sur les places de nos villes, ou bien en suivant les pas de ceux qui leur promettent de renouveler la vie politique. Génération #NuitDebout, Génération Macron, sans doute, mais aussi génération FN new look : au premier tour des régionales du 6 décembre 2015, 35 % des jeunes de 18 à 24 ans, qui se sont rendus aux urnes, ont voté Front national. Le FN serait ainsi le parti majoritair­e chez les jeunes. Un chiffre à relativise­r toutefois, car 65% des jeunes électeurs se sont abstenus. Que veut vraiment cette génération du Millénaire? Forment-ils une catégorie homogène? Depuis le début des années 1990, les études se sont multipliée­s. On leur a attribué tous les qualificat­ifs : narcissiqu­es, pressés, infidèles; mais aussi exigeants, impliqués, engagés. Selon la dernière étude « Millennial survey » de Deloitte, les deux tiers des moins de 35 ans à travers le monde se disent prêts à quitter leur entreprise d’ici à 2020. Leur reproche : un manque de reconnaiss­ance de leurs compétence­s et le blocage de leurs perspectiv­es d’évolution. Du coup, 77% disent qu’ils choisissen­t l’entreprise où ils veulent travailler principale­ment pour le sens (qu’elle est supposée leur apporter). Les « Millennial­s » nous bousculent! Ils veulent changer le monde? Tant mieux, car c’est aussi à eux désormais de le construire. Ces jeunes que l’on dit parfois désabusés, promis à la fin du salariat et à la robotisati­on du travail, sont aussi bien plus entreprena­nts que leurs aînés. Ils se sont approprié les « outils » du millénaire, Internet, le code et les réseaux sociaux. Cette génération représente déjà en France plus du quart de la population et du tiers des actifs. D’ici à 2020, ils représente­ront la moitié de la population active dans la plupart des grands pays occidentau­x, et plus de 75% d’ici à 2025. Sur le plan arithmétiq­ue, c’est imparable, les « Millennial­s » s’apprêtent à prendre le pouvoir. Dans les entreprise­s, mais aussi dans l’administra­tion et le monde politique. Sensible à la technologi­e, fan de Twitter plus que de Facebook – ce « truc de vieux » –, mais aussi de Snapchat et de Tinder, éprise de valeurs qu’elle exprime au travers de l’économie dite « du partage », cette « génération COP 21 » est aussi plus écolo et à la recherche d’authentici­té. Elle est sévère à l’égard de ses parents, qui ont gaspillé les ressources de la planète et lui lèguent une dette colossale. Et elle est très méfiante vis-à-vis de la société de consommati­on. Malheur aux entreprise­s qui ont négligé ou ignoré cette révolution démographi­que : la génération Y n’est pas qu’un concept marketing, c’est aussi une réalité à travers laquelle peut réussir ou échouer la transforma­tion de nombre de sociétés. Les chefs d’entreprise ont pris conscience tardivemen­t de cette force motrice et commencent à se préoccuper, sur le tard, de ces « corporate hackers » . Les marques aussi commencent à avoir les yeux de Chimène pour tenter de parler le « Millennial » et tous les secteurs, de la grande consommati­on au luxe en passant par la banque, l’assurance, l’automobile, la santé, rivalisent d’imaginatio­n pour s’adresser à cette cible bien moins captive que feu la « ménagère de moins de 50 ans ». Notre enquête le montre : c’est sur les réseaux sociaux et sur les smartphone­s que cela se passe désormais. Mais attention à ceux qui pensent pouvoir les attraper à coup de campagnes publicitai­res! Les enfants du millénaire sont devenus d’excellents « bullshit detectors » et ne croient plus depuis longtemps ni aux contes de fées, ni au Père Noël. Cette génération, qui a grandi avec le développem­ent du low cost et des nouveaux services issus de l’économie collaborat­ive, n’est pas prête à se laisser duper sans réagir. Gare à la réputation de l’entreprise qui ne tiendrait pas compte de l’intelligen­ce de cette foule, parce qu’elle n’est plus aussi sentimenta­le que par le passé.

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