Ils veulent changer le monde (en mieux?)
Ils ont entre 16 et 36 ans, selon la définition classique (nés entre 1980 et 2000). Et si l’on prend en compte les catégories de l’Insee, ce sont les 15-34 ans, près de 17 millions de personnes en France. Ces « Millennials » , la dernière génération du siècle dernier, on les appelle aussi les « Y », par opposition aux « X » (la génération post-Baby Boom/ post-68). Les deux ont en commun d’avoir entendu parler de « crise » depuis qu’ils sont enfants, ou presque. Mais pas de la même. Les « X » ont connu les crises pétrolières, le début du chômage de masse et les grandes restructurations industrielles. Les « Y » et leurs prochains successeurs, les « Z », nés après 2000, ont pour acte de naissance géopolitique le 11 septembre 2001 et une histoire « économique » qui se confond avec la grande crise financière de 2008, qui a changé en profondeur tous nos paradigmes. Les « Y », ce sont les enfants de la précarité du travail, des stages, des CDD et de la galère de l’accès au logement. Ils rêvent tous d’un monde meilleur, qu’ils l’expriment debout nuitamment sur les places de nos villes, ou bien en suivant les pas de ceux qui leur promettent de renouveler la vie politique. Génération #NuitDebout, Génération Macron, sans doute, mais aussi génération FN new look : au premier tour des régionales du 6 décembre 2015, 35 % des jeunes de 18 à 24 ans, qui se sont rendus aux urnes, ont voté Front national. Le FN serait ainsi le parti majoritaire chez les jeunes. Un chiffre à relativiser toutefois, car 65% des jeunes électeurs se sont abstenus. Que veut vraiment cette génération du Millénaire? Forment-ils une catégorie homogène? Depuis le début des années 1990, les études se sont multipliées. On leur a attribué tous les qualificatifs : narcissiques, pressés, infidèles; mais aussi exigeants, impliqués, engagés. Selon la dernière étude « Millennial survey » de Deloitte, les deux tiers des moins de 35 ans à travers le monde se disent prêts à quitter leur entreprise d’ici à 2020. Leur reproche : un manque de reconnaissance de leurs compétences et le blocage de leurs perspectives d’évolution. Du coup, 77% disent qu’ils choisissent l’entreprise où ils veulent travailler principalement pour le sens (qu’elle est supposée leur apporter). Les « Millennials » nous bousculent! Ils veulent changer le monde? Tant mieux, car c’est aussi à eux désormais de le construire. Ces jeunes que l’on dit parfois désabusés, promis à la fin du salariat et à la robotisation du travail, sont aussi bien plus entreprenants que leurs aînés. Ils se sont approprié les « outils » du millénaire, Internet, le code et les réseaux sociaux. Cette génération représente déjà en France plus du quart de la population et du tiers des actifs. D’ici à 2020, ils représenteront la moitié de la population active dans la plupart des grands pays occidentaux, et plus de 75% d’ici à 2025. Sur le plan arithmétique, c’est imparable, les « Millennials » s’apprêtent à prendre le pouvoir. Dans les entreprises, mais aussi dans l’administration et le monde politique. Sensible à la technologie, fan de Twitter plus que de Facebook – ce « truc de vieux » –, mais aussi de Snapchat et de Tinder, éprise de valeurs qu’elle exprime au travers de l’économie dite « du partage », cette « génération COP 21 » est aussi plus écolo et à la recherche d’authenticité. Elle est sévère à l’égard de ses parents, qui ont gaspillé les ressources de la planète et lui lèguent une dette colossale. Et elle est très méfiante vis-à-vis de la société de consommation. Malheur aux entreprises qui ont négligé ou ignoré cette révolution démographique : la génération Y n’est pas qu’un concept marketing, c’est aussi une réalité à travers laquelle peut réussir ou échouer la transformation de nombre de sociétés. Les chefs d’entreprise ont pris conscience tardivement de cette force motrice et commencent à se préoccuper, sur le tard, de ces « corporate hackers » . Les marques aussi commencent à avoir les yeux de Chimène pour tenter de parler le « Millennial » et tous les secteurs, de la grande consommation au luxe en passant par la banque, l’assurance, l’automobile, la santé, rivalisent d’imagination pour s’adresser à cette cible bien moins captive que feu la « ménagère de moins de 50 ans ». Notre enquête le montre : c’est sur les réseaux sociaux et sur les smartphones que cela se passe désormais. Mais attention à ceux qui pensent pouvoir les attraper à coup de campagnes publicitaires! Les enfants du millénaire sont devenus d’excellents « bullshit detectors » et ne croient plus depuis longtemps ni aux contes de fées, ni au Père Noël. Cette génération, qui a grandi avec le développement du low cost et des nouveaux services issus de l’économie collaborative, n’est pas prête à se laisser duper sans réagir. Gare à la réputation de l’entreprise qui ne tiendrait pas compte de l’intelligence de cette foule, parce qu’elle n’est plus aussi sentimentale que par le passé.