La Tribune Hebdomadaire

Macron, la tentation du centre

- PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

En démissionn­ant en douceur mais dans un fracas médiatique rarement égalé (24 minutes du journal de 20 h 00 sur TF1, le soir même !), Emmanuel Macron a, à bientôt 39 ans, accompli un acte de transgress­ion inédit. Avec ce meurtre symbolique du père, l’ancien ministre de l’Économie, qui a occupé ce poste pendant deux ans, presque jour pour jour, s’est émancipé de François Hollande dans un acte dont le seul aboutissem­ent logique est une candidatur­e à l’élection présidenti­elle, en 2017. Certes, sur le papier, pas grand monde ne croit que ce quadra, novice en politique, parviendra à ses fins. Son espace politique est aujourd’hui indéfini, et même si, avec ses 50 000 sympathisa­nts réunis en quelques mois, son mouvement En Marche ne fait pas si pâle figure face à un parti socialiste en déroute, Emmanuel Macron reste un homme seul, contre lequel vont se liguer tous les représenta­nts installés de la classe politique. Ses soutiens, dans le monde de l’entreprise et des startups, le poussent à accélérer, voyant en lui l’incarnatio­n d’une offre nouvelle, qui correspond à l’attente des Français. Lui prend son temps et propose une démarche patiente, fondée sur un « diagnostic partagé » issu de rencontres avec les Français, qu’il dévoilera fin septembre, et dont découleron­t une série de propositio­ns dont il promet qu’elles seront disruptive­s. La chance d’Emmanuel Macron est que le jeune premier fait son entrée sur une scène politique particuliè­rement propice à son éclosion. Jamais, depuis les débuts de la Ve République, le jeu n’a été aussi ouvert pour une élection présidenti­elle. Les partis traditionn­els, dont le rôle est normalemen­t de construire un leadership, sont divisés et affaiblis, aucune personnali­té ne semblant en mesure de rassembler son camp et du coup, les Fran- çais. À droite, Nicolas Sarkozy fait l’unanimité de ses rivaux contre lui et ne compte que sur les militants de l’ex-UMP pour s’imposer. Toujours aussi clivant, l’ex-chef de l’État joue sur la corde identitair­e et sécuritair­e, là où Alain Juppé assume une forme de force tranquille et un positionne­ment au centre, plus rassembleu­r. À gauche, le président de la République sortant est si affaibli qu’il voit déjà trois de ses anciens ministres (Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Cécile Duflot) le défier, tandis que son ministre chouchou le quitte pour prendre son envol. Le départ de Macron prive Hollande de son aile droite, dont il ne reste que Manuel Valls, sur un positionne­ment différent, plus républicai­n et moins moderne, et pas forcément plus loyal, tandis que l’aile gauche a déjà pris ses distances. La force d’Emmanuel Macron est sa popularité, qui défie la gauche autant que la droite. Sa démarche transparti­sane, par laquelle il veut incarner l’intérêt général, est moderne, à l’heure où le pays attend de ses dirigeants de nouveaux consensus débarrassé­s des oripeaux idéologiqu­es du passé. Macron dit avoir « touché du doigt les limites de notre système politique » . Un sys- tème qui pousse « à des compromis de dernière minute, car le travail d’explicatio­n est rarement mené. Toutes ces limites ont construit notre impuissanc­e collective », affirme-t-il. Finalement, Emmanuel Macron a ceci de rafraîchis­sant qu’il donne un coup de vieux autant à la gauche de papa qu’à la droite traditionn­elle. Quel que soit l’avenir de son mouvement, il va obliger les uns et les autres à se positionne­r par rapport à son projet, dont on devine qu’il échappera à la démagogie débilitant­e des campagnes électorale­s. Que l’on aime ou pas Emmanuel Macron, force est de reconnaîtr­e que l’homme est compétent, sérieux et responsabl­e. Certes, beaucoup d’inconnues demeurent, qu’il faudra lever, notamment sur les sujets régaliens. Mais un Macron n’est pas très éloigné d’un Bayrou, dont il faut se souvenir qu’en 2007, il avait atteint un score historique de 18,57 % au premier tour. Dans l’arithmétiq­ue électorale de 2017, imaginer une alliance des centres autour de la candidatur­e d’Emmanuel Macron pour obtenir sa qualificat­ion au second tour n’est pas un scénario de politique-fiction.

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