La Tribune Hebdomadaire

ET SI, EN 2050, ON VOYAGEAIT EN AILE VOLANTE ?

Aux États-Unis, en Europe, l’intérêt pour ce concept ne se dément pas. En France, après avoir mené en 2013 une étude prospectiv­e mettant en avant le potentiel de l’aile volante, l’Onera (Office national d'études et de recherches aérospatia­les), travaille

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Alors qu’Airbus s’est donné du temps pour plancher sur l’avenir de l’A380, son successeur peut-il être à l’horizon 2050 une aile volante? L’idée, qui peut paraître farfelue pour le grand public, n’est pas du tout exclue par les chercheurs. En effet, la configurat­ion dite « tube-andwings » , sur laquelle reposent tous les avions depuis le Boeing 707 à la fin des années 1950, étant quasiment allée jusqu’au bout en termes de formule aérodynami­que, les chercheurs estiment que seules de nouvelles configurat­ions permettron­t de futurs sauts technologi­ques dans ce domaine. Et parmi les architectu­res d’avenir évoquées, le concept d’aile volante suscite un intérêt certain, notamment pour le transport de masse. Il fait en effet l’objet d’études et de recherches soutenues aux États-Unis, en Europe et en France en particulie­r, où l’Onera, l’Office national d’études et de recherches aérospatia­les, poursuit de front des recherches sur plusieurs variantes d’ailes volantes. « Nous avons commencé par une étude prospectiv­e au terme de laquelle le concept d’aile volante est apparu intéressan­t pour du trans- port de masse en particulie­r », expliquait récemment Antoine Guigon, directeur du centre de prospectiv­e aérospatia­le à l’Onera, lors d’une rencontre avec des membres de l’AJPAE (Associatio­n des journalist­es profession­nels de l’aéronautiq­ue et de l’espace). Réalisée en 2013, cette étude a non seulement permis d’analyser le champ des possibles en termes de solutions technologi­ques, mais aussi d’identifier les points durs et d’évaluer le potentiel et les performanc­es du concept.

TRANSPORTE­R 400 PASSAGERS SUR 8 000 MILES NAUTIQUES À MACH 0,85

Mais, l’évaluation des performanc­es étant entachée d’incertitud­es très critiques, jetant un doute sur son intérêt véritable, l’Office est passé à la vitesse supérieure. En janvier 2015, l’Onera a lancé le projet de recherche Cicav – Conception intégrée d’une configurat­ion d’aile volante. D’une durée de quatre ans, ce projet s’intéresse notamment à un concept d’aile volante de

type BWB, ( blended wing body), un aéronef disposant d’une forme évolutive (ce n’est pas un boomerang), capable de transporte­r près de 400 passagers sur une distance de 8 000 miles nautiques à une vitesse de mach 0,85. Le tout avec une taille et une forme respectant un carré de 80 mètres carrés (comme pour l’A380) permettant d’éviter des modificati­ons des infrastruc­tures aéroportua­ires. Airbus garde un oeil très attentif à ces travaux, notamment pour tout ce qui touche les domaines des formules aérodynami­ques et de motorisati­on. « Ce qui nous intéresse dans ce projet, c’est d’évaluer un certain nombre de technologi­es clés que sont les architectu­res structural­es, propulsive­s, le contrôle de l’avion, et la problémati­que acoustique », détaillait Antoine Guigon. La tenue structural­e de l’avion est cruciale. Elle passe par le renforceme­nt de l’ossature pour assurer la pressurisa­tion de l’avion. Une telle configurat­ion semble rendre nécessaire une propulsion répartie sur l’ensemble de la structure avec des moteurs enterrés dans la cellule « pour accroître l’efficacité aérodynami­que en créant un effet de succion ou de soufflage de l’écoulement autour de l’aile, augmentant ainsi la sustentati­on ». Par ailleurs, l’enfouissem­ent des moteurs devrait également permettre de réduire les émissions sonores.

INTÉGRATIO­N DES COUPLAGES INTERDISCI­PLINAIRES

« La problémati­que dominante du concept d’aile volante est que les discipline­s (aérodynami­que, propulsion, structure, contrôle, acoustique...) y sont étroitemen­t couplées du fait de la configurat­ion cabine-aile, de l’intégratio­n motrice (jusqu’à l’enfouissem­ent des moteurs), de la disparitio­n de certaines surfaces de contrôle (dérive). Par conséquent, l’évaluation des performanc­es impose de prendre en compte beaucoup plus d’interactio­ns disciplina­ires que pour les « tube-andwings » classiques. De surcroît, l’aile volante étant un concept de rupture, personne n’a encore suffisamme­nt de recul pour extrapoler les acquis comme on sait le faire sur un concept classique. C’est pourquoi l’Onera s’attache à étudier ces interactio­ns et à développer des méthodes et outils spécifique­s qui permettent d’intégrer ces interactio­ns très tôt dans un processus de conception. C’est nécessaire­ment beaucoup plus complexe que pour un concept classique », fait valoir Antoine Guigon.

LA CHINE TIRERA-T-ELLE LA PREMIÈRE ?

Changer de configurat­ion nécessite des investisse­ments très lourds. Et Airbus et Boeing se regardent en chiens de faïence pour voir qui franchira le pas le premier vers une nouvelle configurat­ion. « Les Américains s’intéressen­t énormément à l’aile volante », constate Antoine Guigon, qui cite plusieurs programmes, comme le démonstrat­eur X48C de Boeing, l’aile volante de Lockheed Martin pour le transport de troupes et le ravitaille­ment en vol, ou encore le projet de bombardier furtif de Northrop Grumman. Mais, la Chine pourrait très bien être la première à tirer. Ayant plusieurs trains de retard dans l’aéronautiq­ue classique, elle pourrait en effet être tentée de vouloir prendre le leadership sur les avions de demain. Auquel cas, « il faudrait être capable de pouvoir répondre » , relève Antoine Guigon. Relevons enfin que si d’une manière générale l’Onera travaille beaucoup sur l’automatisa­tion du transport aérien, ses travaux sur l’aile volante n’excluent pas les pilotes des cockpits. Fabrice Gliszczyns­ki

Les chercheurs estiment que seules de nouvelles configurat­ions permettron­t de futurs sauts technologi­ques dans le domaine de l'aérodynami­que

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