La Tribune Hebdomadaire

Et si les Français imposaient

UN MATCH MACRON-JUPPÉ ?

- PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

C’est devenu le lot commun de toutes les campagnes électorale­s que de promettre beaucoup et au final, de peu délivrer. « Tout changer », le nom du forum organisé par La Tribune avec son partenaire lyonnais Acteurs de l’économie, le 9 novembre prochain au Cnam à Paris, vise à dépasser cette impasse et à offrir un espace de réflexion à un débat public pour l’heure peu enthousias­mant. Les quatorze intellectu­els qui s’expriment dans les pages qui suivent apporteron­t aux électeurs quelques visions du long terme, dont nous manquons cruellemen­t. Tout changer, cela commence par se changer soi-même, et surtout par s’abstraire de ces slogans creux et de ces programmes copiés-collés qui tirent vers le bas nos campagnes électorale­s. En 1981, lorsque sont nés les premiers enfants de la fameuse génération Y, François Mitterrand promettait de « Changer la vie », avant de se réincarner en 1988 en « Génération Mitterrand » avec « La France unie ». À droite, en 1995, le Jacques Chirac de la « fracture sociale » scandait « La France pour tous », un choix repris en 2016 par Nicolas Sarkozy avec « Tout (tous?) pour la France ». Ce rapprochem­ent n’est pas dû au hasard : en difficulté, le président des Républicai­ns cherche dans le père du RPR une filiation que l’on ne retrouve pourtant pas vraiment, ni dans son programme ni dans son positionne­ment politique. En 1995, Lionel Jospin se voulait « Le président du vrai changement » puis en 2002, après cinq ans à Matignon, promettait de « Présider autrement une France plus juste ». Ségolène Royal, que l’on envisage aujourd’hui d’appeler en recours pour 2017 ( « Viendrait-on la chercher si c’était gagnable » a-t-elle ironisé) avait trouvé il y a dix ans une formule inédite : « La France présidente »… Mais le pays n’était visiblemen­t pas mûr pour élire une femme à sa tête. C’est donc avec son « Ensemble, tout devient possible », que Nicolas Sarkozy l’a battue avant que la pire crise financière depuis 1929 ne rende son programme impossible. En 2012, virage à droite toute, c’est avec « la France forte » que le président sortant se fait évincer par « Le changement, c’est maintenant » de François Hollande. Le changement, oui mais lequel? Avec seulement 4% de satisfaits dans la dernière enquête du Cevipof, François Hollande est tombé si bas que s’il continue, il va finir par trouver du pétrole, pour paraphrase­r le « mot » d’André Santini à propos d’Édith Cresson. Pour 2017, le favori des sondages, donné largement gagnant tant à la primaire de la droite qu’au second tour face à Marine Le Pen, avoue qu’il aurait bien aimé reprendre le thème de « la force tranquille » qui avait porté chance à François Mitterrand. Cette « tranquilli­té », Alain Juppé la met au service d’un programme de réformes pourtant assez ambitieux, clairement à droite, ce qui ne semble pas indisposer une partie des électeurs de François Hollande prêts à voter pour lui. Le slogan d’Alain Juppé, ce sont aussi deux initiales, les siennes, « AJ », comme « agit ». Bénéficier d’un nom qui sonne comme un programme, Alain Juppé n’en a pas le monopole. C’est aussi le cas d’Emmanuel Macron avec En Marche, qui lui aussi résonne comme un mouvement, une action, comme pour en finir avec des décennies d’immobilité. La mobilité, c’est sans doute le plus petit dénominate­ur commun de cette campagne prési- dentielle. Emmanuel Macron veut une France plus mobile pour ceux qui, comme lui, sont exclus ou rejetés par le « système », dans son cas le système politique. Alain Juppé veut une France « apaisée », qui tende vers « l’objectif » d’une « identité heureuse », ce qui ne l’empêche pas de penser que la France est prête à accepter de profondes réformes. Et si le duel secrètemen­t espéré par les Français était un match Juppé contre Macron ou Valls, incarnatio­n du passage de relais entre l’ancienne et la nouvelle génération? Entre la figure rassurante d’un septuagéna­ire à la stature d’homme d’État et celle plus dynamique, « entreprene­uriale », de jeunes quadras représenta­nt la « gauche moderne ». Un sondage Elabe pour L’Express publié cette semaine laisse entendre qu’un tel match est l’espoir silencieux d’une majorité de Français. Emmanuel Macron ferait ainsi un meilleur président que François Hollande, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon. Mais deux obstacles de taille se dressent encore sur la route de l’ancien ministre de l’économie : Manuel Valls ou Alain Juppé sont encore devant lui sur le critère de la « présidenti­alité ». Pour Emmanuel Macron, les six prochains mois risquent bien de ressembler à une « longue marche » dont l’issue demeure encore très incertaine.

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