DEMAIN QUELLE AMÉRIQUE ?
Clinton / Trump
Aux États-Unis, la campagne électorale pour l’élection présidentielle qui se déroulera le 8 novembre bat son plein. À coups de déclarations chocs, voire d’insultes, Hillary Clinton, la candidate démocrate et Donald Trump, le représentant des républicains, s’affrontent âprement. En France, ces joutes passionnent peu. Les esprits sont plutôt occupés par les débats qui animent la primaire de droite mais aussi celle de gauche dont on ne connaît toujours pas avec précision l’identité des participants. Pourtant, les Français auraient tout intérêt à s’intéresser davantage à ce qui se passe outre-Atlantique. En effet, une victoire de Donald Trump aurait des conséquences négatives assez importantes sur les économies européennes. La France ne serait pas épargnée, loin de là, selon une enquête réalisée par la Coface. Sur la base d’un modèle de mesure du risque politique dans les émergents, établi après les événements du « printemps arabe », l’assureur-crédit a créé un indicateur du risque politique européen qui qualifie l’impact d’une montée du risque politique sur la croissance, l’investissement des entreprises ou la confiance des ménages. Il est bâti avec des critères d’ordre économique – croissance, chômage, inégalités de revenu, solde budgétaire primaire structurel –, et politiques et sociaux : euroscepticisme, sentiment antiimmigration, morcellement des scènes politiques et corruption. Les résultats de l’enquête de la Coface sont clairs. « Dans le cas où l’élection présidentielle américaine déboucherait sur la victoire de Donald Trump, le choc économique pour l’Union européenne pourrait paradoxalement être plus important que pour les ÉtatsUnis. De fait, l’Europe perdrait environ 2 points de croissance un an après, quand les États-Unis y perdraient 1,5 point. Cette onde de choc confirmerait le rôle systémique de l’économie nord-américaine. L’impact sur la France est estimé à 1,5 point de PIB. À titre de comparaison, le Brexit pourrait retirer 0,7 point de PIB à la croissance un an après son entrée en vigueur, prévue en 2019 », explique Julien Marcilly, économiste chez Coface. « Paradoxalement, ce ne serait pas la première fois que l’Europe souffre davantage que les États-Unis d’un choc qui s’est produit outre-Atlantique. En 2009, le PIB américain a reculé de 2,8 %, quand l’activité économique dans les pays de l’Union européenne chutait de 4,5 %. Pourtant, la crise des subprimes est née aux États-Unis, pas sur le Vieux continent », rappelle-t-il.
LE PROTECTIONNISME DE RETOUR
Concrètement, comment se transmettrait ce risque politique devenu menace aux économies européennes ? Par la montée du protectionnisme. Alors que les négociations sur le Traité transatlantique de libreéchange (TTIP) patinent, cette montée du protectionnisme toucherait davantage les pays de l’Union européenne que les ÉtatsUnis, les exportations européennes représentant 25,3% du PIB de l’UE des vingt-huit en 2015, quand les exportations américaines atteignaient 15,6 % du PIB de l’Oncle Sam. Donald Trump ne s’en cache pas. S’il accède à la Maison-Blanche, il entend bien relever les mesures tarifaires et non tarifaires pour protéger l’économie américaine. « La Chine et le Mexique doivent arrêter de voler nos entreprises et nos emplois », avait-il notamment déclaré dès les premières minutes du premier débat présidentiel qui l’opposait à Hillary Clinton. Il propose notamment de réviser, voire de supprimer les accords de libre-échange existants, et notamment le North American Free Trade Agreement (Nafta) signé avec le Mexique – et le Canada – en 1994. Il veut également imposer des taxes douanières de 45 % aux produits chinois et de 35 % aux mexicains. Selon l’Institut Peterson, ces mesures protectionnistes pourraient certes protéger quelques secteurs comme la sidérurgie, le charbon, mais elles provoqueraient surtout un désastre économique se traduisant par la suppression de 4,8 millions d’emplois et plongeraient le pays dans la récession. « Sa politique serait terriblement destructrice », assure le président de l’Ins- titut, Adam Posen, qui, dans le cas où ces mesures entreraient en vigueur, s’attend à ce que les pays concernés se mettent à leur tour à limiter leurs importations de produits américains. « Ce sont les champions américains qui en paieraient les conséquences », avance Adam Posen. On peut en effet se demander comment Apple, Motorola ou Google pourront toujours produire des téléphones sans leurs soustraitants chinois. Et à quels prix? Dans le secteur aéronautique, Boeing peut-il se passer des commandes des compagnies aériennes chinoises? Selon l’Institut Peterson, le secteur aéronautique perdrait 180000 emplois si les mesures promises par Donald Trump devaient se concrétiser.
HILLARY CLINTON, CHANTRE DU LIBÉRALISME ?
Faut-il espérer une victoire d’Hillary Clinton face à Donald Trump? C’est apparemment dans l’intérêt des Européens. Toutefois, il faut garder à l’esprit que la candidate démocrate n’avance pas des arguments de campagne diamétralement opposés à ceux tenus par Donald Trump. Après avoir fortement soutenu l’accord de partenariat transpacifique qui entrera en vigueur, le présentant comme un « modèle absolu », Hillary Clinton n’est plus bien sûre de son fait. Est-ce pour séduire les électeurs de Bernie Sanders, l’un de ses rivaux à l’investiture démocrate qui s’était prononcé contre ce partenariat ? Pendant cette première campagne électorale, qu’elle a gagnée, Hillary Clinton a déclaré qu’elle « stopperait tout accord qui tue des emplois et comprime les salaires ». Toujours est-il qu’Hillary Clinton n’est plus aussi libérale qu’avant. « Nous avons besoin d’accords de libre-échange qui soient justes », a-t-elle martelé en réponse aux déclarations de Donald Trump lors du premier débat présidentiel.
L’indicateur de la Coface montre que l’Europe perdrait environ 2 points de croissance un an après l’investiture de Donald Trump