LA TECHNOLOGIE, NOUVEAU FILON DES SÉRIES TV
Comme le cinéma et la littérature, les séries télévisées, qui connaissent un nouvel âge d’or depuis le début des années 2000, sont le reflet de leur époque. Elles témoignent des évolutions culturelles, sociétales, économiques mais aussi technologiques, soit en tendant un miroir à leur public ( Les Soprano, incarnation de l’Amérique désenchantée du tournant du siècle), soit en anticipant le monde à venir. Reflet du mouvement féministe de la fin des années 1990, Sex and the City a contribué à libérer la parole des femmes sur leur sexualité et leurs ambitions professionnelles, tout comme 24 heures chrono a fait bouger les lignes en mettant en scène le premier président noir de l’histoire des États-Unis, ce qui était encore impensable en 2001. Logiquement, les évolutions scientifiques et techniques, porteuses d’une potentielle mutation de l’espèce humaine, font les beaux jours de la fiction depuis La Quatrième Dimension (1957-1964), qui fut la première série télévisée à aborder de front la question de l’impact de la technologie sur l’Homme. Si ce thème a toujours inspiré ( Le Prisonnier, Battlestar Galactica, Person of Interest…), il prend une vigueur particulière ces dernières années. Car désormais, les frontières entre la sciencefiction et la réalité se brouillent à mesure que les robots, la réalité augmentée et virtuelle, l’intelligence artificielle et les interactions homme/machine entrent dans notre quotidien, ou sont amenés à le faire dans un futur très proche. Pour les scénaristes, la tentation est donc grande d’aborder les évolutions technologiques par le prisme des fantasmes et des peurs qu’elles inspirent. Une manière de réfléchir et d’interpeller : jusqu’où ces innovations sont-elles synonymes de progrès? La technologie peut-elle nous aliéner plutôt que nous libérer? Que se passerait-il si nous perdions la maîtrise de nos créations artificielles ? Les écrans nous déshumanisent-ils? Autant de questions philosophiques, éthiques et morales abordées avec une certaine radicalité dans la brillante série britannique Black Mirror. En sept épisodes, diffusés entre 2011 et 2013 sur la chaîne Channel 4, cette série anxiogène a bluffé les critiques et le public, si bien que Netflix lui a offert une troisième saison, dont la première partie (six épisodes) a débarqué vendredi 21 octobre sur sa plateforme. À chaque épisode, la série tend le miroir déformant et glaçant d’un futur pas si lointain, où le « progrès » se transforme en cauchemar. Par exemple, une jeune veuve se retrouve incapable de faire son deuil car elle peut interagir avec une intelligence artificielle qui a emmagasiné toutes les données disséminées par son défunt conjoint sur Internet, jusqu’à sa voix (saison 2, épisode 1). Un homme rongé par la jalousie plonge son couple dans l’abîme en cherchant sans cesse les comportements suspects de sa femme dans ses archives vidéo, obtenues grâce à une puce implantée derrière l’oreille qui enregistre chaque moment de la vie (saison 1, épisode 3). Dans une interview au site de Télérama, Charlie Brooker, le créateur et scénariste principal, s’explique : « Chaque épisode part d’une histoire très concrète, réaliste, autour d’une technologie qui, si elle n’existe pas déjà, pourrait bientôt apparaître. Le coeur du récit n’est pas le progrès scientifique lui-même, mais un dilemme auquel nos personnages doivent faire face, et qui va être accentué par la technologie. Je veux que vous sortiez des épisodes de Black Mirror en tremblant. » Un autre thème fascine depuis longtemps les auteurs de fiction : la robotique et l’intelligence artificielle. Et si l’Homme était dépassé par ses créations ? Et si, à force d’apprendre en permanence, les robots dotés d’intelligence artificielle pouvaient aussi apprendre à ressentir? Peut-on aimer une créature artificielle et quels sont ses droits? Déjà largement abordée au cinéma