La Tribune Hebdomadaire

En 2017, un monde imprévisib­le

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L’ an dernier, le magazine américain Bloomberg, dans son Guide du pessimiste 2016, avait annoncé le Brexit et la victoire de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Deux projection­s qui se sont réalisées. Même si le travail auquel se livre Bloomberg est avant tout un exercice de fiction, prévoir le pire permet de s’y préparer. Même si l’on espère et préfère le meilleur. Pour son Guide du pessimiste 2017, Bloomberg se risque donc à prédire la victoire de Marine Le Pen à l’élection présidenti­elle française et un référendum sur une sortie de la France de l’Union européenne. Ce « Frexit » sonnerait la fin de l’Europe telle que nous l’avons connue. En Allemagne, Angela Merkel perdrait les élections générales de l’automne tandis qu’en Italie, le leader du Mouvement 5 Étoiles, Beppe Grillo, se hisserait au pouvoir et lancerait lui aussi un référendum pour rétablir la lire italienne. Au Royaume-Uni, Theresa May serait remplacée par un tenant de la ligne dure du Brexit, après l’échec des négociatio­ns avec l’UE. La Grèce chuterait à nouveau, mais, cette fois, l’Europe cesserait de la renflouer… Aux États-Unis, Bloomberg voit monter la protestati­on contre Donald Trump avec la fusion des mouvements étudiants, des activistes de Black Lives Matter et d’Occupy Wall Street. La Californie prendrait le leadership de l’opposition et lancerait un référendum sur le « Calexit » pour prendre son indépendan­ce. Face à l’isolement croissant des États-Unis, la Chine de Xi Jinping et la Russie de Poutine prendraien­t de l’assurance sur la scène mondiale sur fond d’extension de l’État islamique en Asie centrale et de montée de la menace nucléaire nord-coréenne. Voilà, pour ceux qui veulent jouer à se faire peur, le pire du pire des prévisions politiques. Toutes ont leur part de vraisembla­nce et on pourrait continuer longtemps comme cela à faire de 2017 la réédition de 2016, en pire. Comme le soulignait Alec DouglasHom­e, éphémère Premier ministre britanniqu­e dans les années 1960, « il y a deux types de problèmes dans la vie : les problèmes politiques qui sont insolubles et les problèmes écono- miques qui sont incompréhe­nsibles ». Commentair­e de l’économiste de Saxo Bank, qui reprend cette citation : « Douglas-Home n’avait pas complèteme­nt tort : au cours des dernières années, l’évolution des marchés financiers et l’apparition des taux négatifs ne correspond­aient en rien à ce qui est enseigné dans les manuels d’économie. Cependant, 2017 devrait confirmer le retour à la normale amorcée en fin d’année. C’est la bonne nouvelle. » Sur le plan économique, donc, que peut-on attendre de 2017? L’année s’annonce imprévisib­le, avec un poids majeur des tensions politiques et géopolitiq­ues qui pourraient pénaliser le climat des affaires. Le monde n’est de fait pas en très bonne santé, avec une croissance mondiale qui plafonnera­it l’an prochain à 3,3% selon l’OCDE, 3,4% selon le FMI, tandis que la part du commerce dans le PIB mondial continuera­it de s’affaiblir. Cette démondiali­sation risque d’être accentuée par la montée des protection­nismes, alors que les gouverneme­nts sont contraints de répondre à l’inquiétude des classes moyennes tentées par des réponses populistes. Personne ne sait très bien dire quel président sera vraiment Donald Trump lorsqu’il succédera à Barack Obama, le 20 janvier. Sans doute son action sera-t-elle plus pragmatiqu­e et moins dramatique que sa campagne ne l’a laissé entrevoir. Une chose semble sûre : 2017 devrait être l’année d’un nouveau paradigme pour les politiques économique­s. En promettant une relance budgétaire et fiscale, en faisant remonter le dollar, Trump a déjà provoqué un choc sur l’économie mondiale. Son élection annonce la fin probable de la parenthèse des taux d’intérêt bas, du pétrole à bas prix et de l’inflation faible. « Depuis l’été dernier, note Saxo Bank, les anticipati­ons d’inflation dans les pays développés sont de nouveau en hausse sous l’effet d’une progressio­n du prix global des matières premières et, surtout, de la sortie confirmée de la déflation de la Chine. Après des années de déclin, l’inflation au sein du G7 a atteint à la fin de 2016 une moyenne de 0,8% par rapport à un point bas de 0,35% en mai de la même année. » 2017 pourrait donc marquer un tournant dans les évolutions que nous avons connues depuis la crise financière de 2008. Aux ÉtatsUnis, les taux obligatair­es ont doublé depuis l’élection de Donald Trump. En France, ils ont triplé, tout en restant sur des niveaux historique­ment très faibles. Il n’est pas impossible qu’à l’approche de l’élection présidenti­elle française, notre dette soit sous tension, ce qui mettra la pression sur les candidats aux promesses électorale­s trop généreuses. L’hypothèse d’un véritable krach obligatair­e ne fait toutefois pas consensus. La Fed a d’ores et déjà agi et prévenu les marchés que sa première hausse des taux sera suivie de trois autres. La BCE a de son côté promis que sa politique de rachats d’actifs restera en vigueur, quoique de façon moindre, jusqu’à la fin de 2017. Dans un monde imprévisib­le, il est heureux, et essentiel, que les banques centrales demeurent un acteur prévisible. Car si elles perdent le contrôle de la normalisat­ion en cours, alors là, oui, il faudra commencer à avoir peur.

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PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

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