selon Davos
Les enjeux et les risques de 2017
Dans quelques jours va s’ouvrir le forum économique mondial à Davos, où chaque année depuis la fin du système de Bretton Woods, en 1971, son fondateur, Klaus Schwab, invite les leaders économiques et politiques du monde pour débattre de l’avenir de l’économie et du capitalisme. Pour cette 47e édition, annoncée comme la plus importante de son histoire, les « happy few » qui vont faire la longue migration pour s’enfermer une semaine dans la petite station des Grisons suisse, seront serrés comme des sardines : plus de 3 000 participants sont attendus, originaires de 100 pays, dont 1200 dirigeants du business, 50 chefs d’État ou de gouvernement – avec en point d’orgue la venue, pour la première fois, du président chinois Xi Jinping, ce qui en soi est un événement de portée mondiale. Même si on la conteste en la caricaturant comme l’expression la plus aboutie du cynisme capitaliste, la façon dont Davos voit le monde est un baromètre utile pour décrypter les tendances de l’année à venir. Le Forum économique mondial publie ainsi cette semaine son traditionnel rapport annuel sur les risques globaux du monde (*), issu d’une enquête réalisée auprès de 750 experts mondiaux de toutes origines, géographique et professionnelle. Ce n’est pas un exercice de prévisions, mais plutôt d’anticipation sur les menaces et les opportunités qui marqueront la décennie à venir. La première tendance qui ressort à la lecture du rapport Global Risks 2017 est l’inquiétude provoquée par les tensions politiques, qui se sont traduites en 2016 par les chocs électoraux du Brexit, puis par la victoire de Donald Trump. Pour les experts interrogés, les inégalités de revenus et la « polarisation croissante » des sociétés apparaissent ainsi au premier et troisième rang parmi les tendances qui détermineront les évolutions mondiales dans les dix ans à venir. En clair, le politique et le social seront au premier plan à Davos cette année, alors que ces tensions vont continuer de peser, notamment en Europe, avec les élections en France et en Allemagne et peut-être aussi en Italie. Et personne ne sait dire ce que va faire Donald Trump, qui prend ses fonctions le 20 janvier, ni ce que deviendra le Royaume-Uni après la sortie de l’Union européenne. Sans surprise, le deuxième risque majeur perçu est le réchauffement climatique. L’ensemble des risques environnementaux sont classés dans l’étude comme « très élevés » et « très probables » avec au premier rang celui des « événements climatiques extrêmes ». Cette préoccupation n’est pas nouvelle, le monde du business s’étant largement converti à la nécessité de la transition énergétique. Et c’est un signal fort adressé par le monde des affaires, alors que Donald Trump a contesté au cours de sa campagne la réalité du changement climatique, qu’il résume à un complot de la Chine pour détruire l’industrie américaine. Malgré les avancées de la COP21, le rapport estime que les changements politiques actuels mettent en péril l’élan donné par l’accord de Paris. Et de fait, on sent bien que si le monde de l’entreprise évolue, plutôt vite, dans ce domaine, et si les opinions publiques sont mobilisées, cela devient bien sûr plus difficile dès que l’on passe à l’étape politique et de l’action pour changer les modes de production et de consommation. Enfin, le troisième enjeu majeur mis en avant par le rapport est le constat que « la société n’évolue pas au même rythme que les évolutions technologiques ». Parmi les douze technologies émergentes, les experts interrogés considèrent que l’intelligence artificielle et la robotique risquent d’avoir des consé- quences économiques potentiellement négatives, sur l’emploi d’abord, et sur la stabilité de nos sociétés. Ces menaces l’emportent pour l’heure sur l’opportunité de développement attendu de ces progrès, parce que les dirigeants politiques tardent à agir pour mettre en place des régulations pour superviser ces technologies. En 2016, Davos avait mis en scène la Quatrième révolution industrielle. Celle-ci devenant réalité, dans les usines et dans tous les secteurs, la question bascule des machines vers l’humain, qu’il s’agit de préparer à cette nouvelle ère. Formation, protection de la vie privée, revalorisation des métiers et des compétences : pour affronter l’âge des machines, c’est l’homme surtout qu’il va falloir « augmenter ». Face à ces nouveaux enjeux, l’accent sera mis à Davos sur l’urgence de mener des politiques réactives et responsables ( « responsive and responsible » ), faute de quoi la fracture de nos sociétés va s’aggraver. Au risque de faire tomber la démocratie. Dans un monde complexe qui va de plus en plus vite, note le fondateur de Davos dans la tribune exclusive que nous publions (page 24), « les dirigeants doivent faire preuve de réactivité face aux demandes des citoyens qui leur ont accordé leur confiance, et avoir une perspective qui permette à ces derniers d’envisager un avenir meilleur » . Plus que jamais, à l’heure où ils travaillent sur la feuille de route d’une année 2017 imprévisible, ils doivent « prêter attention aux signaux changeants en provenance d’un monde en mutation permanente » , et « faire les ajustements nécessaires sans jamais dévier de leur voie : une vision forte fondée sur des valeurs authentiques ». Dans cet espoir, La Tribune, qui entre en 2017 avec de nombreux projets pour s’adapter à un univers des médias en mutation, souhaite à tous ses lecteurs, et particulièrement à ses abonnés fidèles, une très bonne année pleine de bonnes nouvelles.