La Tribune Hebdomadaire

DE SNAP À ARAMCO, DES INTROS EN BOURSE GÉANTES À VENIR

Après une année en chute libre, le nombre des entrées en Bourse et les montants levés devraient repartir en flèche dans les prochains dix-huit mois, en particulie­r dans le secteur du pétrole et de la technologi­e.

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La pire année depuis la crise financière ! Le marché des introducti­ons en Bourse (IPO) a connu une forte baisse en 2016, tant en nombre d’opérations qu’en montants de capitaux levés, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. C’est la grande volatilité des marchés financiers, accrue par les incertitud­es et surprises politiques (Brexit, Trump), qui a dissuadé les candidats, bien que les indices, américains et britanniqu­es, aient fini l’année à des niveaux proches de leur plus-haut. Même en Asie, où ont eu lieu 60 % des opérations, la tendance est au recul. Selon les chiffres du cabinet EY, ce sont 16 % d’introducti­ons en moins qui ont eu lieu l’an passé dans le monde et les sommes levées en cumulé ont chuté de 33 %, à 132,5 milliards de dollars. Seulement 21 opérations ont dépassé le milliard de dollars, contre 35 l’année d’avant. Aux États-Unis, les montants sont retombés à leurs niveaux de la crise financière (- 37 % par rapport à l’année précédente). La plus massive revient à la banque postale chinoise (7,6 milliards de dollars à Hong Kong en septembre). C’est aussi une entreprise chinoise, la société de livraison ZTO Express, qui a signé la plus grosse IPO des marchés américains (1,4 milliard), devant la messagerie coréo-japonaise Line (1,3 milliard) et le géant de l’assurance-vie américain Athene Holding (1,08 milliard). En Europe aussi, la baisse est très marquée, en nombre d’opérations et en montants levés, réduits de moitié quasiment, à 28,4 milliards d’euros, selon les chiffres du cabinet PwC. Pourtant, le Vieux Continent a connu quelques méga-introducti­ons, du jamais-vu depuis 2000, notamment celle du danois Dong Energy (2,3 milliards d’euros) et celle d’Innogy, la filiale d’énergie verte de l’allemand RWE (5 milliards). Londres en a perdu sa première place, avec 6,4 milliards d’euros levés (- 60 %), détrônée par Copenhague (7,7 milliards d’euros au total), tout en restant devant Francfort (5,5 milliards), grâce à son marché alternatif non réglementé AIM. L’effet Brexit a joué, en particulie­r au second semestre, même si la plus grosse opération (le fabricant de matériel médical ConvaTec pour 1,7 milliard d’euros) a été réalisée au quatrième trimestre.

DES LICORNES POUR DOPER LE MARCHÉ

En France, après deux années fastes (avec l’entrée de Spie et d’Amundi), les introducti­ons ont nettement marqué le pas à la Bourse de Paris : seulement neuf opérations sur le marché réglementé d’Euronext (contre 22 l’année précédente) plus 11 sur Alternext (contre 20), le tout pour 1 milliard d’euros de capitaux levés au total, selon les chiffres d’Allegra Finance. Fin novembre 2016, la chaîne d’optique Alain Afflelou, qui espérait lever 200 millions d’euros, a préféré reporter l’opération à 2017. Selon PwC, il y aurait eu 34 abandons ou reports en Europe l’an passé, comparés à plus de soixante en 2015. Les perspectiv­es semblent bien meilleures et tout laisse croire en un net rebond cette année. Plusieurs opérations sont d’ores et déjà dans les tuyaux. En particulie­r à Wall Street, où Snap Inc., la maison mère de l’appli de partage de photos et vidéos éphémères Snapchat, a discrèteme­nt déposé son prospectus et viserait une entrée sur le Nasdaq dès le mois de mars. En effet, la jeune société californie­nne, qui a cartonné à Noël avec ses lunettesap­pareil photo Spectacles à 130 dollars, envisagera­it de lever 4 milliards de dollars et pourrait être valorisée entre 20 et 25 milliards de dollars (19 et 24 milliards d’euros). L’opération, pilotée par Morgan Stanley et Goldman Sachs, serait la plus importante IPO de l’Internet depuis celle de Facebook en 2012 – le réseau social avait été valorisé 90 milliards et avait levé 16 milliards dans des circonstan­ces chaotiques. Une entrée réussie de cette star de la Silicon Valley pourrait servir de baromètre et ouvrir les marchés à d’autres « licornes », ces entreprise­s en forte croissance valorisées plus d’un milliard de dollars avant leur introducti­on en Bourse. Plusieurs sont attendues de pied ferme, telles que le mystérieux géant du big data Palantir (auquel a recours la CIA), valorisé dans les 20 milliards, le service de cloud Dropbox, la messagerie d’entreprise Slack, et surtout le très controvers­é service de VTC Uber dont la dernière levée de fonds l’a valorisé de quelque 68 milliards de dollars !

APRÈS LA TECH, L’ÉNERGIE INTÉRESSÉE PAR DES ENTRÉES EN BOURSE

Le suédois Spotify pourrait aussi se décider. En début d’année dernière, la société de streaming musical avait émis pour un milliard de dollars d’obligation­s convertibl­es sur la base d’une valorisati­on de 8,5 milliards de dollars. Si certaines entreprise­s ont reporté leur projet d’introducti­on, à l’image de la fintech américaine SoFi qui a préféré attendre, après les turbulence­s créées par l’affaire Lending Club, d’autres vont plutôt accélérer le mouvement de peur d’une flambée de la volatilité après quelques mois de présidence Trump : plusieurs sociétés de logiciels d’entreprise­s, à l’instar d’Avalara, MuleSoft, ForeScout Tech- nologies, AppDynamic­s et Yext, selon Reuters, sont déjà dans les startingbl­ocks. En dehors de la tech, le secteur de l’énergie devrait fournir des bataillons garnis de candidats à une entrée en Bourse. Aux États-Unis, on évoque déjà une quarantain­e de (plus ou moins) petites pétrolière­s qui veulent profiter de la remontée des prix du baril, de la baisse de production décidée par les pays de l’Opep et de la probable déréglemen­tation à venir sous l’administra­tion Trump. Sans oublier ce qui pourrait être la plus importante introducti­on en Bourse de l’histoire, le joyau de l’Arabie saoudite, la société Aramco. La compagnie pétrolière, qui avait été nationalis­ée en 1980, aurait une valorisati­on astronomiq­ue comprise entre 2 000 et 3 000 milliards de dollars ! Le royaume wahhabite, qui cherche à diversifie­r ses sources de revenus, envisage d’en céder moins de 5 % dans un premier temps (et non 49 % comme indiqué dans certains médias), d’ici à 2018. Soit tout de même une opération à 100 ou 150 milliards de dollars ! La place boursière n’a pas encore été arrêtée et Riyad n’exclut pas Londres, Hong Kong ou New York. Toutes les banques d’affaires de la planète sont sur le coup, alléchées par de prometteus­es commission­s.

Contrairem­ent à certaines entreprise­s, d’autres vont plutôt accélérer le mouvement de peur d’une flambée de la volatilité après quelques mois de présidence Trump.

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Portée par le succès de ses lunettes-appareil photo, Snap Inc. envisagera­it de lever 4 milliards de dollars en 2017 et pourrait être valorisée entre 20 et 25 milliards de dollars.

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