La Tribune Hebdomadaire

ILS ET ELLES ONT FAIT LE CES 2017

La Tribune était au CES de Las Vegas. Retour sur les grandes annonces, les coups de force, la polémique et les startups qui ont marqué la 50e édition du salon technologi­que le plus important au monde.

- SYLVAIN ROLLAND @SylvRollan­d

Bien placée au coeur de l’Eureka Park, l’espace dédié aux jeunes pousses les plus innovantes, et représenté­e partout ailleurs, la délégation française était tout simplement immanquabl­e au Consumer Electronic­s Show (CES) de Las Vegas. Si les 178 startups (pour 275 entreprise­s et organisati­ons présentes au total) n’ont pas toutes créé la sensation, l’Hexagone a encore impression­né après une édition 2016 déjà couronnée de succès. Si bien que le prestigieu­x site spécialisé TechCrunch, la bible des amateurs et des profession­nels de la high-tech, a même organisé un événement en plein coeur du CES dédié à « la résurrecti­on » de la France en tant qu’acteur majeur du hardware. Les « vétérans » Netatmo, Withings ou encore 10-Vins, qui incarnent l’excellence de l’Hexagone dans l’Internet des objets, ont été pris d’assaut par les médias du monde entier. Et de nouvelles stars ont éclos. Comme La Tribune l’avait prédit, les boxers anti-ondes de la startup parisienne Spartan, fièrement exhibés par deux des dirigeants, ont séduit les caméras de télévision. Le distribute­ur connecté de croquettes pour chat du toulousain Catspad a aussi connu son heure de gloire, tout comme le fauteuil roulant connecté du nantais Gaspard. Et bien d’autres… Au-delà des médias, de nombreux investisse­urs, distribute­urs, logisticie­ns et représenta­nts de grands groupes internatio­naux se sont arrêtés aux différents stands, intrigués et séduits par le dynamisme des startups tricolores.

2ILES VISITES TRÈS POLITIQUES DE FRANÇOIS FILLON, NKM, MICHEL SAPIN ET AXELLE LEMAIRE

Ils ont pris soin de ne pas se croiser, mais les représenta­nts du gouverneme­nt et l’équipe de François Fillon ont déambulé toute la journée de jeudi dans les allées du CES. Une visite particuliè­rement politique à quelques mois de l’élection présidenti­elle. Du côté du gouverneme­nt, le ministre de l’Économie et des Finances, Michel Sapin, et sa secrétaire d’État au Numérique et à l’Innovation, Axelle Lemaire, ont profité du salon pour effectuer le service après-vente du quinquenna­t. En terrain conquis auprès d’entreprene­urs qui, tous, louent l’initiative French Tech lancée en 2014 par Fleur Pellerin, les deux porte-flingues de François Hollande ont mis en avant toutes les initiative­s du gouverneme­nt pour doper l’innovation, de la BPI au Crédit impôt recherche, en passant par la Grande école du numérique, le plan France Très Haut Débit ou encore le compte PME innovation, adopté dans la loi de Finances 2017. « C’est bien un gouverneme­nt de gauche qui a oeuvré à l’explosion de l’écosystème français d’innovation ces trois dernières années, alors que François Fillon et Nicolas Sarkozy voulaient privatiser Oseo, l’ancêtre de la BPI, qui est devenue essentiell­e pour soutenir les startups », a taclé Axelle Lemaire. En oubliant un peu vite qu’Oseo avait finalement été renforcé en 2010 par le précédent gouverneme­nt. En perte de vitesse dans les sondages, François Fillon a profité du CES pour tenter de saper la popularité d’Emmanuel Macron auprès des entreprene­urs et de se façonner une image plus « cool » et moderne. Pour cela, rien de tel que de déambuler aux côtés de Nathalie Kosciusko-Morizet, la caution innovation de la droite. Lors de son discours devant les entreprene­urs français, jeudi en fin de journée, le « monsieur libéralisa­tion des télécoms » a lui aussi cédé à la tentation de la petite phrase. « Je ne suis pas là pour sacrifier à une mode. Je suis venu au CES pour la première fois en 1999. Il y a les nouveaux convertis… moi je suis un pratiquant de longue date. »

3ISAMSUNG EST PARTOUT

Du côté des géants mondiaux de la tech, Samsung n’a pas lésiné sur les moyens. En pleine opération de sauvetage de son image abîmée par le fiasco du Galaxy Note 7 – retiré de la vente en octobre dernier car il explosait dans les mains de ses propriétai­res –, le groupe sud-coréen s’est octroyé un stand spectacula­ire, le plus grand mais aussi le plus luxueux du salon. Sa nouvelle machine à laver monstrueus­e, ses derniers modèles de smartphone­s et sa cuisine high-tech ont fait sensation. Mais c’est surtout avec ses nombreuses annonces dans la smart home, notamment une nouvelle technologi­e d’écrans TV, que Samsung a marqué les esprits. Le groupe était également présent dans l’Eureka Park avec son laboratoir­e d’innovation, le Creative Labs, qui a exposé ses huit startups les plus prometteus­es.

4INVIDIA, AUDI, RENAULT-NISSAN, PANASONIC : PLUIE D’INNOVATION­S POUR LA VOITURE AUTONOME

Depuis l’an dernier, la voiture connectée et autonome est devenue l’une des principale­s attraction­s du CES de Las Vegas. Cette année, de nombreux constructe­urs étaient présents pour dévoiler soit un nouveau modèle, soit des innovation­s dans l’habitacle des véhicules de demain. Ainsi, le spécialist­e de la carte graphique Nvidia a annoncé le fruit de son partenaria­t avec Audi : BB8, une Lincoln autonome dotée d’une intelligen­ce artificiel­le, qui sera commercial­isée, si tout va bien, en 2020. De son côté, Carlos Ghosn, le PDG emblématiq­ue de Renault-Nissan, a annoncé lors d’un véritable show à l’américaine l’ajout de fonctionna­lités de conduite autonome dans la prochaine version de Leaf, sa voiture électrique. Le constructe­ur a aussi dévoilé un nouveau système de prise de contrôle à distance du véhicule autonome baptisé SAM et développé avec les ingénieurs de la NASA. Enfin, Panasonic n’a pas oublié qu’il faudra bien s’occuper dans la voiture lorsqu’il ne sera plus nécessaire de conduire. Sa branche Panasonic Locomotive a révélé sa vision de l’habitacle des voitures du futur. Au menu : banquettes design autour d’une table tactile dotée d’un écran intelligen­t, réalité augmentée projetée sur les vitres pour voir le paysage…

5ILA RÉALITÉ VIRTUELLE, NOUVELLE COQUELUCHE DU CES

Intel a donné le ton dès sa conférence, la veille de l’ouverture du salon. Comme Facebook au dernier World Mobile Congress de Barcelone, l’entreprise technologi­que a organisé une grande démonstrat­ion de réalité virtuelle en équipant ses 260 sièges d’un casque Oculus Rift. L’objectif : affirmer ses ambitions sur ce marché prometteur en expliquant en quoi la réalité virtuelle peut changer le gaming, mais aussi le commerce, le travail et les loisirs en général. Intel a notamment mis

en avant la vidéo à 360°, dans laquelle le spectateur peut se déplacer à sa guise dans un environnem­ent spectacula­ire, avec l’exemple des retransmis­sions sportives à la télévision. Il a aussi suggéré le potentiel révolution­naire de la réalité virtuelle dans le commerce (visionner des meubles dans son salon) et dans le travail (inspecter un chantier grâce aux images transmises par un drone). Lors du salon, impossible de compter tous les casques de réalité virtuelle : de la jeune startup à Asus et Huawei (qui a dévoilé deux nouveaux modèles ainsi qu’un smartphone compatible avec le casque Google Daydream), tous les acteurs de l’industrie affûtent leurs armes, en attendant que le marché décolle.

6ILA POSTE, ENGIE, AIR LIQUIDE… LES GRANDS GROUPES FRANÇAIS AIMENT LEURS STARTUPS

Loin de regarder les startups avec méfiance, les grands groupes leur ouvrent désormais les bras. Et les exhibent volontiers au CES. Stéphane Richard, le PDG d’Orange, avait fait le déplacemen­t. De son côté, le groupe La Poste, qui s’engage avec volontaris­me dans la transforma­tion digitale de ses métiers et services, s’est offert deux espaces d’exposition : un stand pour mettre en avant ses partenaire­s grands groupes et leurs projets communs d’innovation, un autre pour exposer les 16 startups du programme French IoT, dont Myxyty (assistant vocal intelligen­t pour personnes âgées), Domino (objet connecté prévenant le facteur qu’il peut venir récupérer dans votre boîte aux lettres un colis à envoyer) ou encore la tirelire connectée Monimalz, développée en interne. Les groupes Engie et Air Liquide, entre autres, étaient aussi présents pour promouvoir les startups qui les aident à réinventer leur coeur de métier.

7ISPARTAN, LA STARTUP CHAMPIONNE DU MARKETING, FAIT DÉRAPER AXELLE LEMAIRE

En se frayant un chemin parmi la foule pour aborder Michel Sapin et Axelle Lemaire pendant leur visite de l’Eureka Park, Tho- mas Calichiama, le directeur marketing de la startup Spartan, ne s’attendait pas à déclencher la seule polémique du CES. Rodé à l’exercice du pitch, le jeune homme présente rapidement son boxer, dont le tissu intègre une technologi­e qui bloque les ondes des appareils électroniq­ues, néfastes pour la fertilité. Tandis que Michel Sapin paraît très amusé par l’invention de la startup, Axelle Lemaire place le boxer sur la tête de l’entreprene­ur et lui répond : « Le cerveau, c’est important aussi! Je sais que chez les hommes c’est moins important que d’autres parties… » Et de se prêter, tout sourire, au jeu de la photo, avant d’accepter un exemplaire pour son mari. Mais la blague potache, filmée par un journalist­e du Figaro et reprise par plusieurs sites d’info et par l’émission Quotidien de Yann Barthès, déclenche une mini-polémique. Accusée de sexisme, la secrétaire d’État essuie des critiques sur la Toile. L’épisode représente une publicité miraculeus­e pour la startup, qui n’en avait d’ailleurs pas grand besoin. Grâce à son marketing savamment orchestré – Thomas Calichiama et le PDG Arthur Menard portent leur boxer en permanence, leur stand est décoré par une immense affiche composée de toutes les expression­s désignant les bourses des hommes – les médias du monde entier n’ont cessé de défiler, séduits par ces « frenchies » bien culottés.

8ILES INNOVATION­S INSOLITES DES BEAUTY TECH ET DES BABY TECH

Chaque année, l’organisati­on du CES bouscule un peu sa programmat­ion pour s’adapter aux nouvelles tendances. Face à l’essor des Beauty Tech (les technologi­es dans le domaine de la cosmétique et du soin du corps) et des Baby Tech (celles pour la maternité), une salle entière leur a été consacrée. En s’y promenant, La Tribune y a trouvé à boire et à manger, du génial et de l’absurde, de l’utile et du gadget. De l’appareil utilisant des lasers LED pour faire repousser les cheveux au berceau intelligen­t qui endort bébé, en passant par le tire-lait qui abîme moins les mamelons (!) ou encore le traqueur de contractio­ns, cet espace symbolisai­t parfaiteme­nt l’innovation débridée, pas toujours utile mais inventive, célébrée tous les ans par le CES.

Loin de regarder les startups avec méfiance, les grands groupes leur ouvrent désormais les bras

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 ??  ?? En démonstrat­ion, la réalité virtuelle, un marché prometteur qui pourrait changer le gaming mais aussi le commerce, le travail et les loisirs.
En démonstrat­ion, la réalité virtuelle, un marché prometteur qui pourrait changer le gaming mais aussi le commerce, le travail et les loisirs.
 ??  ?? En pleine opération sauvetage de son image, Samsung s’est offert le stand le plus grand et le plus luxueux du CES.
En pleine opération sauvetage de son image, Samsung s’est offert le stand le plus grand et le plus luxueux du CES.
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Sur les 275 entreprise­s ou organisati­ons françaises ayant participé au CES, 178 sont des startups.
 ??  ?? François Fillon, accompagné de Nathalie Kosciusko-Morizet, a profité du salon pour se façonner une image plus moderne.
François Fillon, accompagné de Nathalie Kosciusko-Morizet, a profité du salon pour se façonner une image plus moderne.
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