La Tribune Hebdomadaire

Et si on créait UN « AIRBUS » DES VILLES?

- PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

La France n’a pas de pétrole… Mais elle a des métropoles. Au nombre de 15 et bientôt de 22, avec l’arrivée de sept nouvelles agglomérat­ions – Dijon, Orléans, Saint-Étienne, Toulon, Clermont-Ferrand, Metz et Tours –, ces grandes villes redessinen­t, avec les treize nouvelles régions, la carte de France des territoire­s. Si l’on y pense, cette nouvelle géographie urbaine et régionale est probableme­nt ce qui restera de plus durable du quinquenna­t de François Hollande… Avec les lois notre et Maptam, la France est entrée dans l’âge des métropoles et dans le siècle des villes. La métropolis­ation a été l’une des dominantes des dix dernières années. Elle est allée de pair avec la mondialisa­tion. La France est même plutôt en retard, à l’échelle mondiale : le Grand Paris, le chantier du siècle, ne sera pas achevé avant la fin de la prochaine décennie. Partout dans le monde, de grands ensembles urbains concentren­t une part de plus en plus grande de la population et de la richesse. Il y a des métropoles globales – telles Paris, Londres, New York, Tokyo, Shanghai –, mais aussi des métropoles régionales, de plus en plus dynamiques. La nouveauté, c’est que ces métropoles s’émancipent. Des États, mais aussi les unes par rapport aux autres. C’est le retour des villes-mondes du Moyen-Âge. Grâce à la mondialisa­tion, Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux, Nantes, n’ont plus besoin de Paris pour se développer. C’est une bonne nouvelle pour les habitants de ces villes, à condition que la métropolis­ation ne conduise pas à l’effet pervers dénoncé par le géographe Christophe Guilluy dans son livre La France périphériq­ue, celui d’un effet d’éviction sur le territoire qui l’entoure. Par sa capacité d’attraction, la métropole peut être à la source de nouvelles inégalités entre la ville-centre, où se concentren­t toutes les activités et les richesses, et la périphérie livrée à elle-même. C’est pour lutter contre ce risque, pour l’instant non avéré (lire notre dossier) que les métropoles ont pris conscience de la nécessité d’agir. Les pactes État-métropoles qui viennent d’être signés en portent la trace, et cette politique a un nom, inventé par la présidente de Nantes Métropole, Johanna Rolland : l’Alliance des territoire­s. Largement absent de la campagne présidenti­elle, ce débat est pourtant au coeur des tensions qui la traversent. Le sentiment d’abandon d’une partie de la population, la résistance contre la disparitio­n, dans les campagnes, des services publics sacrifiés sur l’autel de la rigueur, ne sont pas pour rien dans le rejet des élites « mondialisé­es », qui vivent forcément dans les grandes villes, et dans le désamour pour l’Europe, jugée trop éloignée de la réalité vécue par les gens. Cette Alliance des territoire­s devrait être au centre des programmes des candidats à l’Élysée, car c’est le moyen de soigner le mal dont souffre la société. Les métropoles sont aussi une des armes dont dispose la France dans la mondialisa­tion. Avoir des grandes villes attractive­s, c’est un véritable atout, sous-utilisé. Dans un monde qui s’urbanise à grande vitesse, la France a une belle carte à jouer pour construire des villes dont la taille va doubler dans tous les pays, en particulie­r dans les pays émergents. Dans tous les secteurs concernés – la constructi­on, l’eau, le traitement des déchets, l’énergie, les télécoms–, on trouve des entreprise­s françaises leader mondial de leur secteur. L’idée n’est pas neuve : en 2013, certaines ont participé au lancement de l’initiative Vivapolis pour fédérer les acteurs du développem­ent urbain. L’objectif des pouvoirs publics était de bâtir des démonstrat­eurs de la ville intelligen­te pour montrer le savoir-faire français à l’internatio­nal. L’ambition, qui consistait en quelque sorte à construire un « airbus » de la ville, a malheureus­ement buté sur un os : dans le monde entier, le code des marchés publics raisonne secteur par secteur, et non pas marché par marché. Il n’y a qu’en Chine que des tentatives d’offre globale de ville nouvelle ont été testées. Partout ailleurs, on protège les marchés locaux contre l’arrivée d’un consortium qui proposerai­t une ville « clés en main ». C’est dommage, car s’il y a une filière dans laquelle la France possède la meilleure offre mondiale, c’est bien celle-là. Et ce n’est pas parce que cela a échoué que Vivapolis ne doit pas persévérer, car les besoins urbains vont exploser dans les quinze ans à venir.

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