La Tribune Hebdomadaire

FRÉDÉRIC LEMOINE :

« WENDEL PREND LE TEMPS DE LA CRÉATION DE VALEUR »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MABILLE ET DELPHINE CUNY @phmabille @DelphineCu­ny

LA TRIBUNE – Votre mandat a été renouvelé pour quatre ans. Qu’est-ce qui a changé chez Wendel depuis votre arrivée, en 2009 ?

FRÉDÉRIC LEMOINE – Wendel se porte beaucoup mieux et c’est le fruit du travail d’une équipe de grande qualité! À l’époque, la société subissait la crise financière. Le cours de Wendel était tombé de 140 euros à 15 euros en un an et demi, et plus aucune banque ne prêtait. Nous étions beaucoup trop endettés. Ce chapitre de l’histoire de Wendel est clos. Aujourd’hui, l’action Wendel cote entre 110 euros et 120 euros, et notre actif net réévalué par action se situe à un niveau sans précédent, à 162 euros. En huit ans, Wendel est aussi devenue beaucoup plus internatio­nale. Nous avons repoussé nos frontières en investissa­nt directemen­t en Afrique, notamment avec IHS, dans les tours télécoms, mais aussi en Amérique du Nord où nous avons créé le leader de la sécurité, avec Allied Universal. Nous sommes aussi très présents en Europe avec Constantia Flexibles et Stahl. La part de la France représente 12 % de notre valeur. Il ne s’agit pas de la part des sociétés françaises de notre portefeuil­le, mais du poids de l’activité en France de toutes nos sociétés. Nos deux plus importante­s participat­ions, Bureau Veritas et Saint-Gobain, ont leur siège à Paris mais sont des multinatio­nales, exerçant leur activité partout dans le monde.

Votre participat­ion dans Bureau Veritas est un peu hors norme, par la durée de détention et son poids dans votre portefeuil­le. Avez-vous vocation à en sortir un jour ?

C’est vrai que nous gardons en moyenne nos participat­ions treize ans, et nous sommes chez Bureau Veritas depuis vingtdeux ans. Nous n’envisageon­s pas de sortir de Bureau Veritas, c’est notre pilier central et mondial, notre navire amiral. Nos actionnair­es, dont la famille Wendel, sont très attachés à cette entreprise, qui est multi-activités et diversifié­e, et qui depuis près de deux cents ans épouse les nouvelles tendances de l’économie. Bureau Veritas est aussi pour nous une porte d’entrée dans certains pays. C’est ainsi un précieux vecteur de compréhens­ion de l’Afrique, et nous n’y aurions sans doute pas investi directemen­t sans Bureau Veritas. Sur le plan financier, il est important pour Wendel de contrôler une grande entreprise cotée, qui génère un flux de dividendes significat­ifs. Nous avons vendu 10% de Bureau Veritas en 2015, ce qui a élargi le flottant. Et nous avons racheté des titres à l’automne 2016, pour 47 millions d’euros, alors que le titre était descendu à un cours anormaleme­nt bas, selon nous. Nous détenons aujourd’hui 41,2 % du capital de Bureau Veritas.

Qu’en est-il de Saint-Gobain ?

Notre participat­ion dans Saint-Gobain ne joue pas le même rôle. Elle est aujourd’hui plus petite, nous détenons 6,5% du capital, nous en avons eu un peu plus de 20%, et elle vaut 1,6 milliard d’euros. Dans cinq ans, il est probable que nous ne serons plus dans Saint-Gobain, même si nous avons une grande confiance dans le potentiel de la société. Notre stratégie est clairement d’investir davantage dans le non coté.

Ce sera la fermeture d’une parenthèse qui avait mal commencé ?

L’entrée de Wendel au capital de SaintGobai­n n’avait pas été concertée. L’histoire est connue, cette opération ne ressemblai­t pas à Wendel. À mon arrivée, nous avons mis en place un accord de gouvernanc­e courant jusqu’en 2021, et nos relations sont excellente­s depuis lors. Nous sommes en plein soutien de la stratégie de SaintGobai­n, et nous nous réjouisson­s du rebond du marché de la constructi­on aux États-Unis et en Europe, dont SaintGobai­n profite. Le marché sous-évalue l’activité hors constructi­on de SaintGobai­n, le verre pour l’automobile dont l’utilisatio­n par les constructe­urs est croissante. Saint-Gobain a aussi un côté 3M avec ses matériaux de haute performanc­e qui génèrent près de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Saint-Gobain a beaucoup de potentiel.

L’Afrique, c’est votre pari de long terme ? Nous y avons investi plus d’1 milliard d’euros. Nous sommes présents au travers de Bureau Veritas, mais surtout de l’opérateur nigérian de tours télécoms IHS, qui représente un investisse­ment de 826 millions de dollars, présent dans cinq pays. Il y a aussi l’assureur marocain Saham, actif dans 16 pays, numéro un de l’assurance en

Afrique. En Afrique du Sud, nous sommes dans Tsebo, leader panafricai­n des services de restaurati­on et de facility management. Enfin, nous sommes présents avec CFAO dans le secteur de la distributi­on, avec SGI Africa, qui a pour objectif d’ouvrir une vingtaine de centres commerciau­x en Afrique de l’Ouest. L’Afrique représente d’ores et déjà 14 % de notre valeur et les perspectiv­es sont très dynamiques. Notre approche est de privilégie­r le coinvestis­sement, dans des affaires panafricai­nes et pour des montants supérieurs à 100 millions de dollars. Nous y avons construit une solide réputation d’investisse­ur, c’est ce qui a conduit le Forum écono-

mique mondial à me proposer de coprésider leur sommet, à Durban en mai prochain.

Cette internatio­nalisation de Wendel est votre fierté. Regrettez-vous quelques échecs ?

Quand on a beaucoup de contrainte­s, trop de dettes, comme c’était le cas de Wendel à une époque, on peut rater des occasions et il y en avait de bonnes en 2010 ou en 2011. Aujourd’hui, nous regardons environ 1000 opportunit­és par an, moi-même je dois me pencher sur 10 % des dossiers reçus. Mais il ne faut pas se disperser et il est important de se concentrer sur ce que l’on sait faire et sur les entreprise­s où on peut être utile. Je pense que nous n’avons pas encore assez investi dans la santé. Nous avons regardé de nombreux dossiers, des laboratoir­es d’analyse en Europe, des patches transdermi­ques, des hôpitaux en Allemagne, et même une université de médecine privée américaine, sur l’île de Grenade. Nous allons continuer.

La chimie-pharmacie est l’un de vos secteurs privilégié­s ?

Il est vrai que nous avons accompagné longtemps bioMérieux et Stallergèn­es, deux très belles success stories. Dans la chimie, nous avons Stahl, qui est une magnifique réussite. Il y a deux ans, Stahl a fusionné avec succès avec l’activité de Clariant dans les produits pour le cuir et les revêtement­s souples. Nous avons investi 171 millions d’euros et nous avons déjà reçu le double en dividendes et accru

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