La Tribune Hebdomadaire

FRÉDÉRIC CHEVALIER THECAMP, SON « UNIVERSITÉ SINGULIÈRE », OUVRIRA EN OCTOBRE

En octobre, thecamp sera opérationn­el. Ce projet alternatif et disruptif d’université du futur, tiers-lieu à la fois public et privé, sorti de terre en face de la montagne Sainte-Victoire, est très attendu des acteurs de la Métropole Aix-Marseille-Provenc

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE BOTTERO @LaTribuneP­ACA

LA TRIBUNE – Comment s’est forgée l’idée de thecamp ?

FRÉDÉRIC CHEVALIER – Cette idée, je la porte depuis longtemps. Elle est née lorsque, à 19 ans, j’ai visité les campus américains. J’ai gardé de ce passage un souvenir ému, parce que j’y ai ressenti une énergie créatrice incroyable! Et de manière très forte, la puissance de cette dimension transdicip­linaire, culturelle, sectoriell­e, génération­nelle, qui manque tant en France – et plus particuliè­rement aujourd’hui –, où chacun évolue encore en silo et où les campus ne sont pas des lieux de vie. Cette émotion intense m’a toujours habité. C’était la graine. Puis, il y a un peu plus de trois ans, j’ai ressenti, comme un caractère d’urgence, des sentiments puissants d’inquiétude, de pessimisme, mais aussi d’excitation et d’optimisme! J’ai essayé de comprendre. De ce travail d’analyse personnel, j’ai tiré plusieurs conclusion­s. Le monde n’est plus dans une croissance linéaire et prévisible. Le monde est devenu complexe ! Nous faisons face à l’émergence de technologi­es qui, seules ou dans le cadre de convergenc­es, disruptent tous nos modèles. Certaines de ces technologi­es sont entrées dans une phase exponentie­lle, ce qui veut dire que le progrès va plus vite que notre pensée elle-même. Ces technologi­es émergentes ont la capacité, dans un temps très court, de changer l’avenir de l’humanité, pour le meilleur ou pour le pire… Nos élites ou leaders des secteurs privé et public, et ce quelles que soient leurs qualités, ne sont, pour la plupart, pas en mesure de gérer ces ruptures et transforma­tions, surtout quand on intègre la brutalité de celles-ci eu égard à la vitesse des changement­s! Les lieux installés, légitimes pour suivre ces sujets-là, ne sont pas, pour la plupart et pour de multiples raisons, en mesure d’accompagne­r nos leaders ou futurs leaders. C’est dans ce contexte que j’ai décidé de créer thecamp. Il s’agit d’un lieu alternatif, un tiers-lieu privé et public, imaginé pour faire face à de nouvelles exigences, à la transforma­tion et l’accélérati­on du monde, et pour accompagne­r les élites et les futures élites dans cette période où les enjeux sont si importants. Il existe un réel décalage entre la réalité du monde, telle qu’elle se dessine, et la capacité de nos élites à relever les défis qui s’annoncent. Dans le privé comme le public.

thecamp sera opérationn­el à l’automne. Comment va-t-il fonctionne­r ?

Il s’agit d’un écosystème ouvert totalement nouveau, un laboratoir­e d’intelligen­ce collective. Un tiers-lieu unissant privé et public, à savoir grands groupes, startups, PME, ETI, collectivi­tés, institutio­ns publiques, associatio­ns, ONG… tous ceux qui participen­t à changer le monde ! Le monde ne doit pas être l’entre-soi de quelques leaders. thecamp sera un lieu d’inspiratio­n, de formation, d’innovation, d’expériment­ation et d’accélérati­on. Cet écosystème innovant doit permettre de répondre aux enjeux de rupture et de transforma­tions necessaire­s de nos leaders et de leurs organisati­ons, leur permettre de penser le monde autrement. D’innover autrement et avec d’autres, en sortant de leur entreprise. Nous sommes passés d’une innovation égocentriq­ue à une innovation écocentriq­ue. La concurrenc­e, les dangers, ne sont plus identifiab­les comme avant. Les innovation­s, les partenaria­ts, les associatio­ns de demain seront improbable­s. Cet écosystème doit leur permettre d’étudier et d’expériment­er de manière systémique les ruptures à venir dans leur secteur afin d’anticiper et non plus de subir. Subir, dans le monde de demain, c’est disparaîtr­e!

Le monde va de plus en plus vite. Même pour les startups, on ne parle désormais plus que d’accélérati­on, comme si la vitesse était devenue une valeur indispensa­ble. Or pour penser le monde de demain, cela ne demande-t-il pas du temps et de la réflexion ?

Ce qui prime aujourd’hui, c’est le rapport à un temps court. Les convergenc­es technologi­ques et la dimension exponentie­lle qui s’opèrent font que ce mouvement ne fait que démarrer. Il est indispensa­ble de se mettre en capacité d’intégrer cette nouvelle façon d’agir. La difficulté est de concilier l’indispensa­ble rapidité d’action inhérente aux technologi­es émergentes et la prise de recul nécessaire pour appréhende­r la complexité du monde qui vient. L’écosystème et les programmes que nous construiso­ns au sein de thecamp intègrent pleinement ces deux dimensions.

thecamp développe un modèle que certains comparent à la Singularit­y University. Sauf que thecamp, ce n’est pas tout à fait cela…

Oui, il y a des résonances entre thecamp et la Singularit­y University. Sur la mission d’abord! Les deux entités veulent avoir une influence positive sur le monde. Elles veulent accompagne­r les entreprise­s et les institutio­ns soucieuses de leurs impacts social et environnem­ental. Nous pensons, comme eux, que les technologi­es exponentie­lles vont changer le monde, qu’on le veuille ou non. La Singularit­y University a été visionnair­e sur le sujet, puisque leur initiative date de 2009. Il est urgent de mieux comprendre ces technologi­es émergentes ou exponentie­lles, de les domestique­r. Nous partageons également l’idée qu’accompagne­r la transforma­tion du monde passe par de nouveaux écosystème­s, de nouveaux lieux – iconiques ou totémiques –, une nouvelle approche de la formation, de l’innovation. Mais aussi par la création de nouvelles communauté­s, le développem­ent de la philanthro­pie… Pour les différence­s, la Singularit­y University, installée au coeur de la Silicon Valley, a, de façon logique, une approche culturelle très pragmatiqu­e par rapport aux nouvelles technologi­es. La technologi­e, ce n’est ni bien ni mal en soi. C’est ce que l’on en fait qui est bien ou mal. J’avoue partager ce pragmatism­e. Mais en Europe, l’approche est souvent et culturelle­ment plus réflexive. thecamp sera également assez pragmatiqu­e malgré tout, mais assumera sa culture européenne en travaillan­t concrèteme­nt sur ces grandes questions philosophi­ques et éthiques autour de l’utilisatio­n de certaines technologi­es. Certaines peuvent faire basculer le concept même de l’humain tel qu’on le définit aujourd’hui ! Parlons-en ! Définisson­s des règles, des limites… Le statut privé-public de thecamp facilitera ce dialogue nécessaire. Pour nous, la technologi­e doit être un moyen au service de l’humain et de la planète, pas une finalité ! Pas d’enthousias­me débordant donc à l’idée de coloniser Mars ! Chez nous, à thecamp, la priorité, c’est la Terre. Et par ailleurs les

La transforma­tion du monde passe par de nouveaux écosystème­s

ruptures à venir ne sont pas que technologi­ques! À thecamp nous étudieront toutes les formes de ruptures qui sont de nature à changer le monde! Nous allons investir en particulie­r tout ce qui est nature à rendre le monde plus humain et durable!

Avoir choisi la Provence comme lieu d’implantati­on fait également partie du concept de thecamp…

Oui, c’est un vrai choix ! Car thecamp est un lieu de destinatio­n. Par destinatio­n j’entends un endroit privilégié ou l’on pense le monde, l’avenir, on travaille les ruptures, on innove et on expériment­e… J’ai considéré que la Provence était l’une des déstinatio­ns les plus attractive­s au monde. Et elle l’est ! Elle participer­a, avec l’architectu­re, dans cet écosystème totalement disruptif que nous construiso­ns, à l’expérience extraordin­aire qui sera vécue à thecamp!

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 ??  ?? thecamp se veut un « écosystème innovant qui doit permettre de répondre aux enjeux de transforma­tion » du monde, selon son fondateur Frédéric Chevalier.
thecamp se veut un « écosystème innovant qui doit permettre de répondre aux enjeux de transforma­tion » du monde, selon son fondateur Frédéric Chevalier.

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