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La demande de logements à prix abordables est immense en Île-de-France. Mais, au-delà des nouvelles lignes de métro, on ne sait pas encore quel sera le vrai visage du Grand Paris.
Pour beaucoup, le Grand Paris, c’est avant tout une histoire de transports en commun : un nouveau métro (le Grand Paris Express), qui s’étendra sur 200 kilomètres, et 68 nouvelles gares, principalement situées en petite couronne francilienne, et dont les alentours seront aménagés. Si le prolongement de la ligne 14 du métro au nord de Paris sera opérationnel au début de 2020, les premières nouvelles lignes du Grand Paris Express devraient voir le jour en 2022. Le Grand Paris a donc son squelette. Reste à découvrir son visage. Quels nouveaux quartiers vont émerger ? De ce point de vue, des incertitudes demeurent. Certes, pour accompagner la création du nouveau métro, des contrats de développement territorial (CDT) ont été signés entre les collectivités territoriales et l’État. Ces outils de programmation permettent de décliner au niveau local les objectifs du Grand Paris, notamment de construction de logements autour des futures gares. Mais avec ces seuls contrats CDT, « on n’atteint pas 70 000 logements construits », c’est-à-dire l’objectif annuel de construction de logements fixé dans la loi du Grand Paris (2 010), regrette le député PS de Seine-Saint-Denis, Daniel Goldberg. Certes structurants, les CDT ne représenteront donc qu’une petite part du futur Grand Paris. Le pouvoir est en fait laissé aux élus locaux de décider de l’avenir de leur territoire.
UN MILLION DE MAL-LOGÉS
Reste à espérer qu’ils soient cohérents dans leurs choix, notamment en matière de construction de logements. Car il y a urgence : près d’un million de personnes sont mal logées en Île-de-France, et les prix sont trop élevés par rapport aux revenus des ménages. Le développement d’une offre substantielle à prix abordable est donc indispensable. Malheureusement, les maires sont souvent pris d’un « malthusianisme foncier », c’està-dire qu’ils préfèrent ne pas construire dans leur commune, de peur de déplaire à leurs administrés et de se faire sanctionner aux élections suivantes. D’autant plus que construire des logements induit nécessairement de nouveaux investissements en équipements (écoles, espaces de loisirs, bibliothèques, etc.) pour les nouveaux arrivants. Des dépenses malvenues en cette période où la situation budgétaire des collectivités locales est déjà tendue. À l’inverse, les maires ont plus intérêt à attirer les entreprises qui paient des taxes. Or, le but premier du Grand Paris étant de renforcer l’attractivité économique de la région, de nombreux maires pourraient être tentés de donner la priorité à l’implantation d’entreprises sur leur territoire, au détriment du logement. On parle d’ailleurs déjà du « doublement de la surface des bureaux en Île-de-France », note l’urbaniste François Leclercq, membre de l’Atelier international du Grand Paris. D’après lui, les seuls CDT prévoient la construction de près de 11 millions de m² de bureaux dans la région. Un chiffre à mettre en perspective avec un parc tertiaire francilien actuel de plus de 50 millions de m², dont 3,5 millions sont vacants. Bref, « les prévisions actuelles sont un peu trop ciblées sur l’activité économique », estime François Leclercq. Prévoir beaucoup de bureaux est, du reste, un pari osé car rien ne dit que l’activité se redressera de manière spectaculaire dans les prochaines années.
DES CONSTRUCTIONS RÉVERSIBLES ?
D’autant qu’en réalité, les espaces de bureaux sont souvent très concentrés sur certains territoires. Autrement dit, si chaque maire souhaite attirer des entreprises, « il y aura des perdants et des gagnants », note Jean-Claude Driant, professeur à l’École d’urbanisme de Paris. Autre problème, « l’addition des programmes locaux d’urbanisme autour des stations de métro n’est pas la bonne méthode », estime l’ingénieur Pierre Veltz, ancien PDG de Paris Saclay. Pour lui, « le Grand Paris manque encore de planification. » Heurement, les plans d’urbanisme seront à l’avenir réalisés à l’échelle des intercommunalités pour plus de cohérence. Reste à savoir si les élus joueront le jeu. Une autre solution serait de construire des immeubles qui, s’ils ne trouvaient pas preneur sous la forme de bureaux, pourraient facilement se transformer en logement. Anticipant le risque d’obsolescence rapide, beaucoup de promoteurs prévoient déjà, dans leurs constructions, ce principe de réversibilité qui pourrait permettre d’éviter de gros couacs. Mais le sujet de la planification du Grand Paris ne concerne pas que les seules constructions de quartiers. L’emploi, notamment, doit aussi être un sujet de préoccupation sur le long terme. Or, s’il semble que, dans un premier temps, le secteur du bâtiment se taillera la part du lion, difficile, au-delà, de prévoir quels seront les emplois créés. Certes, la métropole s’articulera autour de pôles d’excellence (culture, développement durable, aéronautique, événementiel, recherche, innovation, finance, santé) aux quatre coins de l’agglomération. Et la conception du nouveau métro devrait concerner, durant la phase de construction, 15 000 emplois par an, dont les deux tiers pour le secteur du bâtiment et des travaux publics. Mais pour le reste, « il n’y a pas de réflexion à l’échelle de la métropole sur les types d’emplois qui peuvent se développer », regrette Pierre Veltz. Selon lui, il faudrait d’ores et déjà anticiper les tendances lourdes, notamment les conséquences de l’informatisation et de la robotisation de l’économie. Ces évolutions auront de forts impacts sur l’emploi salarié francilien, relevant à 85% du secteur tertiaire. Les classes moyennes et modestes risquent d’être les plus affectées. En effet l’informatique et la robotique s’attaquent en priorité aux secteurs des services, très pourvoyeurs d’emplois pour les classes moyennes, et n’embaucheront de manière pérenne quasiment plus de main-d’oeuvre peu qualifiée. Les emplois moyennement qualifiés seront donc très violemment percutés par la précarisation. Mais en parallèle, il va tout de même émerger « une forte de demande d’emplois très qualifiés », prédit Pierre Veltz *. « Il n’y a aucune raison que l’économie francilienne échappe à cette tendance. Au contraire ce phénomène est même plus accentué dans les tissus métropolitains », s’inquiète-t-il. D’où la nécessité d’accroître le niveau de formation et de qualification des ménages, sinon les entreprises ne trouveront pas suffisamment de personnes à haut niveau de qualification.
DES POPULATIONS OUBLIÉES ?
Le projet du Grand Paris porte aussi, outre la question de l’emploi, l’idée de résorber les déséquilibres territoriaux. Comme le dit la loi, « le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d’intérêt national qui [...] vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au bénéfice de l’ensemble du territoire national ». Pourtant, certains territoires franciliens n’ont pas été intégrés dans la planification initiale. Et pour ces espaces délaissés, les répercussions risquent d’être très négatives. Les nouvelles lignes de transports en commun excluent en effet une grande part de la grande couronne (le Val-d’Oise, le sud de la Seineet-Marne, l’ouest des Yvelines et le sud de l’Essonne). « Pour notre département, il n’aura absolument aucun impact positif », peste par exemple Francis Delattre, sénateur LR du Val-d’Oise. Il ajoute que le Grand Paris est « un très beau projet pour 7 millions d’habitants d’Îlede-France, mais il est déplorable pour les autres [5 millions, ndlr] ». Sans nouvelle ligne de transports – hors bus – et avec une population croissante, le quotidien des habitants de la grande couronne pourrait empirer. Mais des changements sont encore possibles pour mieux prévoir, planifier et programmer le Grand Paris d’ici à la mise en oeuvre opérationnelle du réseau de transports en commun. Et si de nombreuses interrogations subsistent, tout le monde s’accorde toutefois sur un point, comme le remarque Pierre Veltz : « Une métropole dynamique, c’est toujours mieux qu’une métropole en stagnation. »
Il n’y a pas de réflexion sur les types d’emplois qui peuvent se développer
* Son dernier ouvrage sur le sujet : La société hyperindustrielle, Le Seuil, 128 pages, 11,80 €.