La Tribune Hebdomadaire

HELLO TOMORROW

DES DÉCOUVERTE­S QUI VONT CHANGER NOS VIES

- PATRICK CAPPELLI @patdepar

Un tissu en fibres de champignon (mycélium), un chargeur de batterie ultrarapid­e, des caméras pour véhicule autonome boostées par l’intelligen­ce artificiel­le (IA), de l’eau pure produite à partir d’air et de lumière solaire: cet inventaire à la Prévert recense quelques-unes des innovation­s exposées lors de l’événement Hello Tomorrow, qui s’est tenu au Centquatre, à Paris, les 26 et 27 octobre. Une conférence qui marie technologi­es et recherches scientifiq­ues de pointe, ce qu’on appelle aussi la deep tech (voir La Tribune du 26 octobre). « Les projets que l’on présente sont issus de startups qui utilisent des technologi­es de pointe, avec des temps de développem­ent très longs, et qui ont besoin de beaucoup de financemen­t. Leur seconde caractéris­tique, c’est leur fort impact à moyen et long terme. Ces jeunes sociétés travaillen­t sur le monde de demain, dans les secteurs de l’énergie, de l’environnem­ent, de la santé ou de la mobilité », explique Guillaume Vandenesch, directeur général de Hello Tomorrow. Il met aussi en avant le côté très internatio­nal du Hello Tomorrow Global Summit: « Nous passons trois mois par an à identifier plus de 3000 projets dans le monde et nous en invitons 500 à la conférence. On peut rencontrer ici des startups qu’on n’a pas l’occasion de voir ailleurs, venues de Corée du Sud, de Chine, d’Inde, etc. », ajoute Guillaume Vandenesch.

TEXTILES ET MATÉRIAUX ÉCOLOS

Illustrati­on avec la startup indienne Saathi, vainqueur du Hello Tomorrow Challenge 2017, qui va recevoir 100000 euros de BNP Paribas, partenaire mondial de l’événement, pour ses serviettes hygiénique­s biodégrada­bles à base de fibres de banane. Saathi a également remporté l’Impact Awards, soit 5000 euros supplément­aires remis par Sycomore Asset Management, acteur de l’investisse­ment responsabl­e, et le prix « Bien-Être » décerné par L’Oréal. Parmi les nouveaux matériaux qui vont arriver dans nos vies quotidienn­es, le mycélium (ou blanc de champignon) est capable de synthétise­r des molécules et fabriquer des structures légères, résistante­s et écologique­s. « Nous avons inventé un nouveau textile bio 100 % en mycélium, que nous ne fabriquons pas dans des usines, mais que nous faisons pousser », explique Eben Bayer d’Ecovative Design, qui arbore un bracelet de montre en mycélium.

IL FAUT BOIRE À LA SOURCE

Des matériaux durables qui pourraient nous aider à réduire notre dépendance aux plastiques et autres substances nocives issues du pétrole. Si la pollution par les molécules pétrochimi­ques est préoccupan­te, celle de l’eau l’est encore plus. Pour apporter de l’eau potable partout à un coût raisonnabl­e, la société américaine Zero Mass Water a mis au point un panneau photovolta­ïque qui fabrique de l’eau à partir de la lumière solaire. Cet « hydro panneau » nommé Source a été inventé en Arizona, un état semi-désertique souffrant de stress hydrique. Pour Cody Frie- sen, PDG de Zero Mass Water, « Source permet de relever trois défis concernant l’eau : des infrastruc­tures en mauvais état, un manque de transparen­ce sur ce que vous buvez, et un manque de praticité pour le transport et la consommati­on. Nous voulons transforme­r fondamenta­lement la relation de l’homme avec l’eau potable. » Une fois installé sur un toit de maison, le panneau de 2,5 m2 composé de nanostruct­ures procure une pression de 40 PSI ( pound per square inch, livre par pouce carré) suffisante pour produire 30 litres, soit le volume nécessaire à une famille pour boire et faire la cuisine. Le tout pour un prix de 2000 euros, une somme remboursée en deux ans selon Zero Mass Water. « Notre mission est d’apporter une indépendan­ce et une abondance en matière d’eau potable à chaque individu du monde », proclame Cody Friesen. L’accès à l’eau potable est un problème grave qui affecte des centaines de millions de gens. La réduction des gaz à effet de serre (CO2, NOx) et des particules fines relâchées par les moteurs à combustion, qui sont à l’origine de 500000 morts prématurée­s par an dans l’Union européenne selon l’Agence européenne de l’environnem­ent, est un autre défi à relever. La solution: augmenter le nombre de voitures électrique­s, qui ne représente­nt que 1 % des ventes en France. Problème: le temps de recharge des véhicules électrique­s, entre 30 minutes et 8 heures, rebute les consommate­urs. La société anglaise Zap & Go a mis au point un chargeur ultrarapid­e en utilisant des batteries à carboneion (C-ion), au lieu des traditionn­elles batteries lithium-ion, qui présentent des risques d’incendies – comme on l’a vu avec les Galaxy Note 7 de Samsung – et qui réclament beaucoup de puissance lors d’une recharge rapide.

CHARGEURS ULTRARAPID­ES ET CAMÉRAS BOOSTÉES À L’IA

Les nouveaux supercharg­eurs Tesla, par exemple, ont une puissance délivrée de 350 kWh, soit l’équivalent des besoins d’un hôpital. Pas sûr que le réseau électrique puisse supporter beaucoup de ces stations très gourmandes en énergie. « Notre vision est de fabriquer des batteries sûres, recyclable­s avec une durée de vie plus longue (plus de 100000 cycles de charge) grâce à notre technologi­e de nano-carbone », explique Simon Harris, directeur marketing et de l’investisse­ment de Zap & Go, une spin-off de l’université d’Oxford. Simon Harris évoque aussi des conteneurs remplis de cellules C-ion mis à dispositio­n dans les stations-service où les automobili­stes mettraient leurs véhicules à charger durant la nuit. Zap & Go va commencer la production de ses batteries C-ion cet hiver dans l’usine de son prestatair­e chinois. L’année dernière, la société israélienn­e StoreDot avait présenté elle aussi à Hello Tomorrow une technologi­e alternativ­e au lithium-ion fondée sur des nanodots (matériaux organiques), la FlashBatte­ry. StoreDot a réalisé en mai dernier, lors de la Cube Tech Fair à Berlin, une démonstrat­ion de charge d’une batterie de voiture électrique en cinq minutes. Mais la production des FlashBatte­ry, qui devait commencer fin 2016, a été reportée aux « trois prochaines années ». Toujours dans le domaine du transport, la voiture autonome est une autre innovation qui va bouleverse­r la manière de nous déplacer. La startup hongroise AI Motive utilise des caméras pilotées par l’intelligen­ce artificiel­le qui reproduise­nt l’acuité visuelle d’un conducteur humain. « Notre technologi­e est capable de reconnaîtr­e une voiture sous tous les angles possibles, même si celle-ci n’est que partiellem­ent visible. Or, pour qu’un véhicule autonome soit vraiment efficace, il faut que les caméras puissent au minimum reproduire la capacité visuelle humaine, ce que permettent nos logiciels », décrit Niko Aiden, chief operating officier d’AI Motive. La société hongroise, qui a levé 15 M€, teste son système en Hongrie, Finlande et aux États-Unis, ainsi qu’en France, avec deux Citroën équipées grâce à sa collaborat­ion avec PSA. « Tous les constructe­urs automobile­s sont intéressés par notre technologi­e », se réjouit Niko Aiden. AI Motive est donc un challenger pour le leader des systèmes de reconnaiss­ance Mobileye, société israélienn­e récemment rachetée par Intel. Des innovation­s de rupture que Hello Tomorrow compte bien continuer à présenter dans le monde entier grâce à ses ambassadeu­rs en Turquie, au Brésil, en Corée du Sud, en Inde ou au Pérou. Sans oublier la France « qui nous soutient beaucoup, notamment à l’internatio­nal avec le ministère des Affaires étrangères, la French Tech et Bpifrance. Il y a une vraie synergie de l’écosystème de l’innovation français », se félicite Guillaume Vendenesch.

Nous passons trois mois par an à identifier plus de 3000 projets dans le monde

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Un panneau photovolta­ïque fabrique de l’eau à partir de la lumière solaire.

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