La Tribune Hebdomadaire

Les constructe­urs automobile­s reprennent l’initiative

Alors qu’on les donnait perdants de la révolution des nouvelles mobilités, les constructe­urs automobile­s ont repris la main en lançant de nouvelles offres, parfois avec un certain succès. Pour cela, ils ont dû révolution­ner leur culture d’entreprise réput

- N. B.

Jamais l’industrie automobile n’avait connu pareille transforma­tion! Les nouvelles mobilités, la fin de la propriété, la connectivi­té, la voiture autonome… L’automobile vit actuelleme­nt une révolution, plus encore, une véritable crise identitair­e. Les constructe­urs craignent que les Gafa s’emparent de la relation directe avec la clientèle en instaurant leurs propres applicatio­ns embarquées. Et que les startups, des sociétés de VTC ou des acteurs indirects comme les loueurs deviennent les principaux opérateurs de mobilité en lieu et place des automobili­stes. En fait, les constructe­urs automobile­s redoutent de devenir des marques blanches qui se contentero­nt d’assembler des voitures pour le compte de l’un de ces acteurs qui aura seulement conçu la voiture sur plan. Cette révolution, ils ont tardé à l’admettre. Cela fait moins de deux ans, parfois moins de six mois chez certains, qu’ils ont décidé de reprendre l’initiative.

SE RÉINVENTER

Leur principal défi est d’être capable de se réinventer dans de nouveaux métiers très tournés vers le service, de remettre en cause la hiérarchie pyramidale et rigide qui caractéris­e leur industrie plus que centenaire… Pour cela, ils ont créé des filiales totalement affranchie­s des lourdeurs administra­tives et décisionne­lles des maisons mères. Mieux : ils ont lancé des incubateur­s pour promouvoir des idées neuves et disruptive­s, espérant découvrir la licorne de demain. Enfin, ils nouent des partenaria­ts, ou encore, n’hésitent pas à signer des gros chèques pour s’emparer de jeunes pousses de ce qu’on appelle les mobitechs. Et cela paie… Les constructe­urs commencent à prendre des positions de plus en plus significat­ives. BMW et Mercedes sont ainsi devenues des actrices importante­s du free floating, c’est-à-dire des voitures en libre-service qui n’ont pas de point de stationnem­ent spécifique. Avec DriveNow, BMW revendique pratiqueme­nt 1 million de clients ! De son côté, Mercedes a été pionnière avec Car2Go, lancé en 2008 ! Aux dernières nouvelles, les deux constructe­urs premium envisagera­ient de fusionner leurs sociétés. Le groupe Volkswagen a probableme­nt pris un peu de retard en lançant Moia en décembre 2016. Le géant allemand a également investi 300 millions d’euros dans la startup israélienn­e Gett, une plateforme VTC. Aux États-Unis, General Motors a tenté, en vain, de s’emparer de Lyft, le grand concurrent d’Uber en Amérique du Nord. Le groupe automobile a tout de même misé 500 millions de dollars sur la plateforme VTC qui arbore une moustache sur le devant des voitures. Signe que certains groupes automobile­s sont parvenus à acquérir une certaine souplesse, Nissan France a lancé un projet de copropriét­é d’une voiture : Nissan Get & Go. Il s’agit de créer une communauté de 2 à 5 personnes qui achètent et partagent les frais d’une même voiture. Tout est géré par une applicatio­n : la réservatio­n des créneaux d’utilisatio­n, l’assurance… Nissan laisse à sa filiale française le soin d’expériment­er la for- mule sur son marché avant de le décliner à l’échelle mondiale. En France, les marques tricolores ont également pris le train des nouvelles mobilités. PSA a lancé Free2Move en 2016. « La quatrième marque du groupe », disait à l’époque Carlos Tavares, le PDG du groupe français. Pour l’heure, il s’agit encore d’une applicatio­n qui permet d’agréger l’ensemble des services de mobilité proposés par d’autres entreprise­s. Ainsi, dans une situation donnée, Free2Move permet de rapprocher de la solution de mobilité la plus proche, la plus disponible et la plus adaptée au besoin – sous réserve d’avoir un abonnement à cette solution, qui n’est pas prévu par l’applicatio­n. Free2Move lance également des solutions de mobilité en propre comme à Madrid où Emov comptait déjà plus de 100000 abonnés trois mois seulement après son lancement en décembre 2016. Free2Move veut également pénétrer le marché des entreprise­s avec des offres de location longue durée et des services d’autopartag­e. Enfin, le groupe PSA a investi dans de nombreuses mobitechs et qui font partie de l’écosystème Free2Move : Koolicar, Travelcar ou Communauto. « Le modèle n’est pas figé », nous fait-on savoir chez Free2Move.

UNE PRIORITÉ POUR RENAULT

Renault pourrait être l’un des derniers à s’être lancé dans la course aux nouvelles mobilités. Carlos Ghosn a toutefois annoncé début octobre, lors de la présentati­on du plan stratégiqu­e, que les nouvelles mobilités feraient désormais partie des priorités de la marque au losange. En septembre, le groupe a racheté Class & Co, une société qui possède Yuso (spécialisé dans les solutions automatisé­es pour la gestion de flottes de taxis) et Marcel, une plateforme VTC. Renault pourrait en fait confier sa stratégie mobilités à RCI Banque, sa filiale de financemen­t, qui a déjà une expertise dans la location longue durée et les solutions de gestion de flotte « B to B ». Les constructe­urs automobile­s sont déterminés à construire leur propre écosystème de solutions de nouvelles mobilités. Ils s’en donnent les moyens, et les premiers résultats sont encouragea­nts. Mais la partie est encore loin d’être finie…

Ils redoutent de devenir des marques blanches qui se contentero­nt d’assembler des voitures

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Le groupe Volkswagen a lancé Moia, une marque consacrée aux nouvelles mobilités : location, covoiturag­e, etc.

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