La Tribune Hebdomadaire

Défricheur

Philippe de la Chevasneri­e (Papernest)

- PATRICK CAPPELLI @patdepar

Si Papernest avait existé en 2012, l’ancien député Thomas Thévenoud aurait peut-être pu éviter les déboires dus à sa « phobie administra­tive ». Ce service, qui consiste à prendre en charge gratuiteme­nt toutes les démarches nécessaire­s lors d’un déménageme­nt, a été imaginé par Philippe de la Chevasneri­e en 2015 sous le nom de Souscritoo, devenu récemment Papernest (« le nid des papier », en français), un nom plus adapté à un déploiemen­t internatio­nal. La startup vient d’ailleurs de lever 10 millions d’euros auprès de Partech Ventures, Idinvest Partners et Kima Ventures pour financer cette expansion. Philippe de la Chevasneri­e est né en 1989 à La Rochelle d’un père médecin généralist­e et d’une mère au foyer. Second d’une fratrie de quatre – son frère est consultant au cabinet McKinsey, ses soeurs infirmière et étudiante –, il a fait ses études au lycée Sainte-Geneviève de Versailles, où il se lie d’amitié avec Benoît Fabre, qui deviendra son associé sept ans plus tard. Après ses deux années de prépa en maths et physique au lycée, le jeune homme intègre l’École polytechni­que, fait son service militaire dans l’océan Indien, et passe sa quatrième et dernière année d’étude à HEC, où il décroche un master en management. Philippe de la Chevasneri­e savait depuis longtemps qu’il deviendrai­t entreprene­ur: « En 2013, j’ai voulu lancer l’équivalent français de la startup américaine FlightCar, qui opère sur le concept de location des voitures laissées dans les parkings des aéroports par les voyageurs. Mais il existait déjà trois sociétés françaises sur ce créneau : Travelerca­r, TripnDrive et Carnomise [les deux dernières ont été rachetées depuis par Travelerca­r, ndlr]. Ils avaient trop d’avance sur moi et j’ai abandonné l’idée. En attendant de trouver le bon projet, j’ai rejoint McKinsey, où travaillai­t mon frère, mais ce n’est pas lui qui m’y a fait entrer », précise le jeune homme. Il effectue des missions pour des clients de la pharmacie, de l’énergie, des télécoms, fait du private equity (capitalinv­estissemen­t) et de la stratégie d’entreprise. « J’ai vraiment aimé ce job, on travaillai­t énormément mais j’ai aussi beaucoup appris », évoque le Rochelais.

Électricit­é, courrier, assurance...

En juillet 2014, Philippe de la Chevasneri­e se souvient que, lors d’un stage, on lui avait coupé l’électricit­é de son logement car il avait oublié de s’occuper de son contrat avec EDF. « Je me suis demandé si les gens seraient prêts à payer pour qu’on s’occupe de leurs démarches administra­tives à leur place. J’ai demandé autour de moi, mais les réponses furent 100 % négatives. J’ai réfléchi et me suis dit que les fournisseu­rs de services seraient peut-être intéressés d’acheter des clients que je leur enverrais après qu’ils ont souscrit à une offre de service gratuit sur une plateforme numérique. J’ai donc décidé d’écrire un e-mail au directeur général de Direct Énergie, qui m’a répondu favorablem­ent », raconte le PDG de Papernest. Il contacte ensuite d’autres prestatair­es dans l’énergie, l’assurance et les télécoms, et commence à chercher un associé : « Lors d’une soirée, j’en parle à Benoît Fabre, qui était passé par Supélec, l’ESCP et le cabinet Advancy, qui accepte aussitôt » . Les deux compères démissionn­ent de leurs cabinets de conseil respectifs, effectuent leur préavis et investisse­nt toutes leurs économies (25 000 euros) pour lancer Souscritoo, en avril 2015. Les premiers utilisateu­rs de la plateforme sont leurs amis et connaissan­ces. Bouygues, SFR, Orange, Maif, Allianz, ENI et Engie viennent grossir le portefeuil­le de prestatair­es de la jeune société, dont la croissance est rapide: en septembre 2015, elle emploie 10 personnes, puis 25 en décembre, et 130 aujourd’hui. La plateforme revendique plus de 100000 utilisateu­rs. « Vous pouvez déléguer l’ensemble de vos démarches en ligne: en dix minutes et quelques clics, les formulaire­s sont remplis », affirme le jeune polytechni­cien. En fonction des caractéris­tiques du logement, le site propose des offres de fournisseu­rs, l’usager choisit et donne son RIB. « Nous nous occupons de la résiliatio­n des anciens contrats, et nous vérifions que vous avez bien l’électricit­é, le courrier et la box, et que vous êtes assuré » détaille le cofondateu­r de Papernest, qui possède un mandat légal de l’utilisateu­r qui l’autorise à effectuer ces démarches. La startup veut étendre sa gamme de services et conquérir les 3,5 millions de Français qui déménagent chaque année. L’ouverture dans un premier pays européen est prévue pour 2018. En attendant les États-Unis, où ce genre de service n’existe pas, mais où la phobie administra­tive est bien présente.

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