Mike Poon : « L’aéroport de Toulouse est un investissement de long terme »
De retour dans la Ville rose lundi 4 décembre, Mike Poon, président de Casil Europe – principal actionnaire de l'aéroport –, a accordé une interview exclusive à La Tribune. L'homme d'affaires revient sur les bouleversements rencontrés à Toulouse-Blagnac,
Il avait disparu des écrans radar en 2015, quelques mois après que sa société, Casil Europe, a pris 49,99 % des parts de l’aéroport de Toulouse. Mike Poon s’explique.
LA TRIBUNE - Quelles sont les raisons de votre passage à Toulouse ?
MIKE POON - Je ne suis pas venu à Toulouse que pour l’aéroport, mais aussi pour célébrer la livraison du 100e Airbus de ma société de location et le premier A320neo [Mike Poon dirige aussi l’entreprise chinoise Calc, qui acquiert des avions et les met en location auprès de compagnies aériennes partout dans le monde, ndlr]. Calc est le plus gros loueur d’avions en Chine avec 147 appareils commandés auprès d’Airbus, soit 20 à 30% des avions vendus en Chine par l’avionneur, et 50 avions commandés auprès de Boeing. Mais ce n’est pas assez. Calc doit avoir 40 à 50 nouvelles livraisons par an selon notre business plan donc nous devons continuer de commander au moins 40 avions par an. Le marché de la location est en pleine croissance. 45% des avions partent en location auprès des compagnies aériennes. Le plus gros marché est en Chine, puisque le nombre de passagers y explose.
C’est la première fois que vous médiatisez un déplacement à l’aéroport de Toulouse depuis votre « disparition » en juin 2015… Pendant des mois, personne n’a eu de vos nouvelles, vous avez démissionné de votre société de location Calc citée dans une affaire de corruption en Chine, ainsi que du conseil de surveillance de l’aéroport. Vous comprenez que cela ait pu créer la panique ?
Je comprends cette panique, mais à ce momentlà, il y avait en Chine une enquête sur l’ensemble du secteur de l’aviation. J’étais interrogé dans certaines enquêtes en tant qu’acteur important du secteur. Pour m’assurer que l’aéroport et mes autres investissements ne soient pas affectés, j’ai décidé de démissionner le temps de l’enquête. J’ai aussi pris le temps de voir ma famille parce qu’en tant qu’homme d’affaires je n’avais pas eu de vacances pendant des années. Cela a pris plusieurs mois pour clore toutes ces enquêtes, mais la bonne nouvelle, c’est que tout était en conformité.
L’autre polémique concerne le versement aux actionnaires en juin dernier de 7,85 millions d’euros de dividendes, dont 1,5 million issu des réserves financières de l’aéroport. Pourquoi puiser dans ces réserves ?
Pour votre information, la moyenne des dividendes versée aux actionnaires sur l’ensemble des infrastructures françaises correspond à un rendement entre 4 et 5%. À l’aéroport de Toulouse, pour Casil Europe, ce versement représente moins de 1% de rendement. Il existe toujours une énorme différence par rapport à ce qui serait un retour sur investissement équilibré. Mais nous sommes très patients sur ce point. Nous comprenons que cela ait créé de l’incompréhension. Mais pour être honnête, pour chaque investissement, nous attendons un rendement normal. Le contrat de régulation économique prévoyait un investissement de 63,9 millions d’euros. Nous avons déjà engagé plus de 89,5 millions d’euros d’investissement [avec les travaux d’extension de l’aéroport] et, en plus, nous avons engagé 32,3 millions d’euros dans d’autres projets, dont la construction de NH Hotel et d’un atelier de peinture pour Airbus. Nous avons déjà investi dans des projets locaux, c’est la raison pour laquelle il y a eu des versements de dividendes au cours des deux dernières années. Mais je pense que notre communication doit être améliorée pour éviter tout malentendu.
Les élus locaux auraient souhaité que vous participiez au financement de grands projets locaux comme la troisième ligne de métro de Toulouse ou le parc des expositions. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Pourquoi ?
Je suis très intéressé par tous ces projets. Je continue à demander à mon équipe dirigeante au sein de Casil Europe d’examiner ces projets. Concernant le métro, nous attendons les projections financières, qui sont importantes pour avoir de la visibilité.
Au printemps prochain, l’État décidera s’il vend ses 10,01 % de parts de l’aéroport. Si Casil Europe les remporte, vous deviendriez majoritaire. Comment appréhendez-vous cette échéance ?
L’aéroport de Toulouse est déjà en train de se transformer avec succès d’une infrastructure publique à un aéroport privatisé. Les résultats sont là. La prochaine étape est d’augmenter le nombre de passagers et de proposer une meilleure qualité de service. Nous avons respecté tous nos engagements, mis à part les vols directs vers la Chine.
Casil Europe aurait essayé de vendre ses parts à Vinci. Est-ce vrai ?
La vérité est que, pour Casil Europe, l’aéroport de Toulouse est un investissement de long terme. Nous n’essayons pas de vendre nos parts de capital. Tout ceci relève de rumeurs que nous ne voulons pas commenter.
Quel bilan faites-vous de ces trois ans depuis votre arrivée dans le capital de l’aéroport ?
En tant qu’actionnaire, nous sommes satisfaits de la qualité de service offerte aux passagers de l’aéroport. C’est pour nous la priorité absolue, la seconde étant le retour sur investissement. Sur ces deux volets, nous pensons que l’aéroport a accompli ce que nous attendions en tant qu’actionnaire. Nous sommes heureux de cet investissement et nous souhaitons à l’avenir apporter davantage de valeur ajoutée à cet investissement.
Jean-Michel Vernhes, président du directoire de l’aéroport, quittera son poste au printemps, tout comme Anne-Marie Idrac, la présidente du conseil de surveillance. Selon vous, quelles sont les qualités requises pour les remplacer ?
J’ai de très bonnes relations avec Jean-Michel Vernhes et c’est quelqu’un que je respecte. Je le remercierai toujours pour la manière dont il a mené la transition durant la privatisation. Comme vous le savez, l’aéroport est déjà entré dans une nouvelle ère avec la mise en place de nouveaux développements en son sein, et nous sommes à la recherche d’un nouveau président pour continuer ce développement et travailler sur d’autres axes de croissance. L’aéroport est une entreprise internationale, nous recherchons donc un bon professionnel et ensuite, parmi les critères requis, cette personne devra comprendre et parler parfaitement le français. Nous sommes confiants sur le fait que nous trouverons les bons candidats pour ce poste.
L’un des objectifs de votre entrée au capital était de créer des vols directs entre Toulouse et la Chine. À quel horizon est-ce envisageable ?
Aujourd’hui, tous les droits de trafic entre la France et la Chine sont exploités. Nous ne pouvons rien garantir, car il est nécessaire d’avoir des droits de trafic supplémentaires pour y parvenir, c’est aux gouvernements de la France et de la Chine de discuter. Il y a actuellement cinq compagnies aériennes intéressées par des nouvelles lignes vers la France, dont au moins une qui vise Toulouse comme destination.
Quel type de villes chinoises ciblez-vous ? L’aéroport expliquait début 2017 cibler plutôt « des villes secondaires de 20 à 30 millions d’habitants comme Shenzhen ou Chengdu plutôt que les grandes mégalopoles comme Pékin ou Shanghai »…
Nous ne voulons pas donner de détails à ce stade sur les villes que nous ciblons. Mais toujours est-il que le trafic aérien en Chine explose aussi bien dans les mégalopoles que dans les villes secondaires, donc beaucoup de villes seraient intéressantes pour ces liaisons vers Toulouse. Avant la privatisation, très peu de gens en Chine, connaissaient Toulouse. Avec notre investissement, je peux vous assurer que toutes les compagnies aériennes ont ce nom en tête.
Nous n’essayons pas de vendre nos parts. Ceci relève de rumeurs