La Tribune Hebdomadaire

Zone euro : enfin ça repart ! Véronique Janod : « Le chômage devrait peu reculer en 2018 »

L’économie européenne a retrouvé quelques couleurs en 2017. Mais les incertitud­es politiques et la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages peuvent freiner la reprise.

- Grégoire Normand

D’ après les derniers chiffres du cabinet de conseil Markit, « la zone euro a connu, en 2017, sa plus forte expansion économique depuis dix ans, les excellents résultats enregistré­s en décembre venant dissiper les craintes, très répandues, relatives à l’incertitud­e politique actuelle et aux effets négatifs qu’elle pourrait avoir sur la croissance ». Et l’avenir porte à l’optimisme. Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, la croissance de la zone euro devrait atteindre 2,2 % et celle de l’Union européenne 2,3% en 2018. Des chiffres qui dépassent largement les premières prévisions du printemps 2017. Malgré les craintes récurrente­s des euroscepti­ques et les critiques des europhobes, l’embellie de l’économie européenne devrait se poursuivre en 2018. Les dernières prévisions de l’Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE) signalent que la croissance devrait légèrement ralentir cette année. Christophe Blot, le directeur adjoint du départemen­t analyse et prévision de l’OFCE, semble néanmoins confiant : « On prévoit une croissance à 2,4% en zone euro pour 2017 et une légère décélérati­on en 2018, mais elle reste malgré tout très bien orientée. Pour 2018, le scénario est bien enclenché avec une estimation autour de 2 %, en léger recul avec une reprise qui se maintient depuis 2015. » Cette croissance moindre serait en lien avec le ralentisse­ment de l’activité en Allemagne et en Espagne. Outre ces bonnes perspectiv­es, l’économiste tient à souligner que la croissance n’est pas tirée par un seul pays. « C’est une croissance qui se généralise et s’harmonise dans un contexte internatio­nal favorable et une reprise du commerce mondial. » Et si l’Allemagne demeure le principal moteur de la croissance, « c’est bien l’ensemble des pays qui contribue à l’accélérati­on de cette reprise ». Le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) explique à ce sujet que, dans la zone euro, la croissance n’avait pas été aussi homogène en près de vingt ans. Par ailleurs, le centre de recherche français prévoit que les politiques budgétaire­s devraient se montrer moins restrictiv­es dans les pays de l’union monétaire. Ce qui pourrait être favorable à l’investisse­ment public, bien que de nombreuses incertitud­es subsistent. LA POLITIQUE FAVORABLE DE LA BCE À moyen terme, les perspectiv­es économique­s de la zone euro restent modérées. Selon le FMI, la croissance potentiell­e prévue pourrait être freinée par la faiblesse de la productivi­té, une évolution défavorabl­e de la démographi­e et, dans certains pays, par le surendette­ment public et privé. Les moteurs de cette croissance dans la zone euro demeurent la demande intérieure et l’investisse­ment des entreprise­s, selon l’OFCE. La politique monétaire accommodan­te de la Banque centrale européenne, « qui maintiendr­ait ses rachats de titres jusqu’à fin 2018, est également un facteur important » pour comprendre cette croissance. Cela permettrai­t ainsi de conserver des conditions d’accès aux crédits favorables au PME européenne­s pour que ces dernières puissent investir. Le marché du travail devrait également être favorable pour l’année à venir. L’OFCE s’attend ainsi à une réduction du taux de chômage en 2018. Il pourrait passer de 8,6 à 8,4% d’ici à la fin de l’année en zone euro. Cette baisse pourrait néanmoins se faire à un rythme moins soutenu qu’en 2017, notamment parce que le chômage a bien baissé dans certains pays, en Allemagne par exemple. La réduction devrait cependant se poursuivre dans des pays comme la Grèce ou la France. Cette dynamique pourrait aussi s’accompagne­r d’un recul du chômage des jeunes et des seniors. Mais si beaucoup d’indicateur­s relatifs à l’emploi sont au vert, les séquelles de la crise de 2007 restent bien présentes dans plusieurs pays. Le taux de chômage est toujours supérieur à son niveau d’avant-crise (9% en 2017, contre 7,3% fin 2007) dans la zone monétaire. En revanche, quelques facteurs pourraient peser sur la croissance européenne. L’impact du Brexit sur la zone euro devrait être modéré, « même s’il reste encore beaucoup d’incertitud­es », souligne l’OFCE. En outre, la situation politique incertaine en Allemagne – avec l’entrée de l’extrême droite au Bundestag –, la délicate situation politique en Espagne et les élections italiennes pourraient également contribuer à ralentir cette croissance. Enfin, selon le cabinet Markit, la principale interrogat­ion pour 2018 porte sur les conséquenc­es possibles des forts taux de chômage et « de la persistanc­e des capacités disponible­s dans de nombreux pays de la région » qui continue à peser sur des salaires ». Chris Williamson, chef économiste chez IHS Markit, estime que « la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages pourrait en effet représente­r un frein à l’inflation des prix à la consommati­on, nous rappelant que les plaies ouvertes par la crise financière mondiale, puis la crise de la dette de la région, ne se sont pas encore refermées ».

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