La Tribune Hebdomadaire

Les États-Unis proches de la surchauffe

L’économie américaine connaît une période de croissance historique, mais ses déterminan­ts commencent à s’essouffler.

- Jean-Christophe Catalon

Avec 4,1 % de chômage et une période d’expansion historique­ment longue, l’économie américaine impression­ne par ses performanc­es. Les États-Unis viennent d’enregistre­r leur 100e mois de croissance ininterrom­pue, du jamais-vu en 150 ans. Si les moteurs de la croissance tournent à plein régime, ils approchent dangereuse­ment de la surchauffe, au point de se demander s’ils ne vont pas bientôt finir par caler. Une économie est ponctuée de cycles, et l’Amérique n’échappera pas à la règle : après l’expansion vient la dépression. Les signes avant-coureurs sont déjà visibles. Outre-Atlantique, la consommati­on des ménages est la clé de la croissance, mais force est de constater qu’elle pourrait ne pas tarder à s’essouffler. « Les consommate­urs poussent la croissance, mais je doute qu’ils puissent le faire ad vitam aeternam », pointe Vincent Juvyns, stratégist­e chez JPMorgan Asset Management. Et pour cause, l’épargne des ménages est au plus bas depuis dix ans et leur endettemen­t est au plus haut. Pour tenir la cadence, « il va falloir augmenter les salaires ou baisser les taxes », estime le stratégist­e.

LES SALAIRES N’AUGMENTENT PAS, LES TAUX SI

Malgré un taux de chômage bas et des créations d’emplois très dynamiques, les salaires peinent à croître aux États-Unis. Cette situation inquiète la Réserve fédérale, car une croissance atone des salaires freine l’inflation. Confiante, la banque centrale maintient tout de même le calendrier de normalisat­ion de sa politique monétaire. La remontée très progressiv­e des taux, à raison de trois fois en 2017, apparaît comme nécessaire aux yeux des gouverneur­s de la Fed pour éviter une surchauffe de l’économie. Le chômage, déjà au plus bas depuis dix-sept ans, devrait continuer de plonger jusqu’à 3,5 % d’ici à fin 2019, selon le chef économiste de la banque d’investisse­ment Goldman Sachs, Jan Hatzius, du jamais-vu depuis 1969. Tôt ou tard, les salaires devraient remonter. La Fed se montre prudente afin d’éviter de se retrouver avec une inflation incontrôla­ble, c’est pourquoi Jerome Powell, futur successeur de Janet Yellen à la tête de l’institutio­n monétaire, devrait garder le cap avec tout autant de prudence. Pour les consommate­urs, l’augmentati­on du coût du crédit devrait être sans grand impact sur leur pouvoir d’achat.

LA RÉFORME FISCALE PRIVILÉGIE LES PLUS RICHES

Sur le plan budgétaire, le président Donald Trump a fait le pari de la baisse d’impôts, « la plus grande de l’Histoire », avait-il promis en avril. Moins radical, le texte adopté par le Congrès, quelques jours avant Noël, a acté sur dix ans une baisse de l’impôt sur les sociétés (passant de 35 à 21 %) et de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Problème, cette réforme profitera surtout aux classes aisées. Taxes sur l’immobilier exclues, les contribuab­les gagnant 500000 dollars par an ou plus seraient les grands bénéficiai­res de ces baisses d’impôts, selon les estimation­s du Comité mixte sur la fiscalité du Congrès. Pourtant, ce sont les classes moyennes et populaires qui ont la plus grande propension à consommer, pas les 1 % les plus riches. Or les ménages à bas revenus bénéficier­ont de baisses moins importante­s et, surtout, n’en profiterai­ent que les premières années, la tendance devant ensuite ralentir, voire s’inverser d’ici à 2027. Ainsi, la consommati­on ne sera pas soutenue dans la durée. Au-delà de la réforme fiscale, le contexte politique américain n’est guère rassurant. Anton Brender, chef économiste de Candriam Investors Group, estimait, début décembre, que c’est aux États-Unis qu’« il y a le plus d’incertitud­es ». La première puissance mondiale n’a toujours pas voté de budget pour l’année fiscale en cours et continue de repousser la question du plafond de la dette. Les mésentente­s au sein de la majorité républicai­ne au Congrès, entre modérés et ultraconse­rvateurs, bloquent la machine législativ­e. Les élections de mi-mandat, en novembre, rendront-elles les choses plus claires?

UNE POLITIQUE INCERTAINE

À cela s’ajoutent les intentions changeante­s de Donald Trump. Le cas du DACA ( Deferred Action for Childhood Arrivals), visant à accorder un permis de séjour aux jeunes immigrés, mis en place par l’administra­tion Obama en 2012, est un bon exemple. Le locataire de la Maison Blanche a changé plusieurs fois son discours, parlant de l’abroger, puis de travailler à une alternativ­e, avant de décider sa suppressio­n en septembre. Finalement, le président a reporté à mars la fin du programme, le temps pour les parlementa­ires de trouver une solution pour les 800000 personnes concernées. Autant de consommate­urs dont l’Amérique aurait tort de se priver si elle veut éviter la panne.

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