Bruno Cavalier : « Le “come-back” économique de l’Europe a eu lieu »
Selon l'économiste Bruno Cavalier, la France bénéficie de la conjoncture la plus favorable depuis dix ans. Si l’amélioration date d’avant l’élection d'Emmanuel Macron, elle est encouragée par son action mais aussi par celle de la Banque centrale européenn
LA TRIBUNE - La France a renoué avec la croissance économique, qui devrait rester soutenue en 2018. Y a-t-il un effet Macron ? BRUNO CAVALIER - Il y a surtout un contexte macroéconomique global porteur, favorisé par la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et par l’évolution des marchés financiers. Cela fait dix ans que la France n’avait pas bénéficié de conditions économiques aussi favorables. L’amélioration a vraiment débuté à l’été 2016, après une décennie pour le moins difficile : crise financière mondiale en 2008, récession en 2009, reprise avortée en 2011, puis de 2012 à 2016, croissance morose. L’amélioration ne date pas de l’élection d’Emmanuel Macron, mais il est certain qu’en levant un certain nombre d’incertitudes politiques, sa victoire a consolidé l’embellie. Dans les premiers mois de 2017, les investisseurs étaient focalisés sur le risque lié aux candidatures de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, l’une et l’autre ayant des programmes peu inspirants, c’est le moins qu’on puisse dire, et potentiellement déstabilisateurs. Même si on ne peut porter au crédit d’Emmanuel Macron cette embellie, que pensez-vous de son programme de réformes ? Même s’il a la chance d’avoir le vent conjoncturel dans le dos, il faut mettre à son crédit deux choses. La première est qu’il a suivi, dans ses grandes lignes, sa plateforme de candidat; il y a là une cohérence qui avait manqué à son prédécesseur. La seconde est qu’il a démarré son action réformatrice sans retard, dès l’été 2017. Notamment la réforme du marché du travail, bouclée en septembre ? Oui, la réforme du Code du travail a été menée en un temps record. Elle doit beaucoup au travail préparatoire à ce qui aurait pu être une loi Macron 2, préparée à la fin de 2015 quand le futur président n’était encore que ministre de l’Économie. En un mot, c’est une sorte de loi El Khomri réussie, évitant de se mettre à dos les syndicats et l’opinion publique. Sur le fond, cela s’inscrit dans une démarche visant à améliorer l’efficacité de l’économie française, sur la base des innombrables rapports (FMI, OCDE, Commission européenne, Commission Attali) pointant les insuffi- sances de la France, en particulier dans le fonctionnement du marché du travail. L’objectif, c’est d’améliorer l’offre, non de soutenir la demande. Cette réforme répond-elle à ce problème ? Oui en partie, puisqu’elle met en avant deux idées. L’une consiste à décentraliser le plus possible les négociations sur les conditions de travail, afin que l’entreprise puisse adapter au mieux son activité à la conjoncture. La deuxième est de clarifier et faciliter les conditions de licenciement pour assouplir les conditions de sortie, et, par ricochet, les conditions d’entrée sur le marché du travail. Les expériences étrangères, notamment dans le pays du nord de l’Europe, montrent que la fluidité du marché du travail est associée à des niveaux de chômage plus bas. Et sur le deuxième bloc, la fiscalité ? Là, l’ambition est à mon sens plus limitée, en raison de la contrainte budgétaire. La réduction des dépenses publiques ne semble pas être la priorité d’Emmanuel Macron. Or, rapportées à notre PIB, ces dépenses sont en France bien supérieures à la moyenne de nos voisins et en particulier de l’Allemagne. De ce fait, nous supportons le taux de pression fiscale le plus élevé parmi les pays de l’OCDE, en particulier sur les revenus du capital et sur les entreprises, ce qui pèse sur la compétitivité de l’économie française. Conséquence, la réforme fiscale passe par un transfert : augmentation de la CSG et réduction des cotisations sociales, qui génère des perdants et des gagnants. Mais Emmanuel Macron avait annoncé qu’il entendait favoriser ceux qui prennent des risques contre les rentiers! Si la France bénéficie d’un contexte économique général, quels sont les éléments qui ont contribué à l’amélioration de l’économie mondiale ? Après tant d’années d’ajustement, les freins se desserrent peu en peu, par exemple en ce qui concerne les conditions de crédit. Merci la BCE! Le risque de déflation globale s’atténue. Merci la Chine! Les États-Unis vont beaucoup mieux. Merci Trump! En fait, c’est la première fois en dix ans que presque tous les pays au monde sont en croissance. Selon le FMI, seuls cinq pays sur 193 seront en récession. Tous nos voisins vont mieux. La politique monétaire suivie par la Banque centrale européenne (BCE) a-t-elle favorisé cette reprise ? Assurément. Mario Draghi a sauvé l’euro en 2012 et, depuis lors, la BCE a continûment assoupli les conditions de financement en Europe. Cela va continuer en 2018 avec le maintien d’une politique de taux bas. Par ailleurs, la reprise du crédit se combine désormais avec la reprise de l’emploi, et les deux phénomènes se renforcent. Cela crée une dynamique plus vertueuse : rassurées sur leur liquidité, les banques sont davantage incitées à prêter aux entreprises et aux ménages, ce qui facilite le fonctionnement de l’activité et de l’investissement, avec des effets positifs pour l’emploi. La difficulté après une crise, c’est de remettre en route le crédit et l’emploi. Une fois que c’est reparti, la machine fonctionne toute seule, du moins tant qu’elle ne bute pas sur des surcapacités de production. Ce n’est évidemment pas le cas de l’Europe, où l’on est encore loin du plein-emploi! La remontée de l’euro ne constitue-t-elle pas une menace pour la croissance de la zone ? La hausse de l’euro a été indolore en 2017, car elle a été plus que compensée par la forte amélioration de la demande intérieure et par un effet-volume dû au redressement du commerce mondial. En zone euro, la contribution du commerce extérieur à la croissance économique, qui était légèrement négative en 2015 et 2016, a été légèrement positive en 2017. La reprise européenne ne dépend que très marginalement des exportations et de l’euro. Beaucoup d’observateurs ont été surpris par la vigueur de cette reprise européenne. Oui, je crois que cela tient à une erreur d’analyse sur le contenu de la reprise. Beaucoup d’observateurs ont pu croire que la reprise, qui a commencé à se dessiner en 2015, ne dépendait que de chocs ponctuels et transitoires, comme la baisse de l’euro, celle des taux d’intérêt et celle des prix du pétrole. Ces chocs ont contribué à « amor-