La Tribune Hebdomadaire

Chine : longue marche vers la stabilité

La croissance chinoise va-t-elle se stabiliser comme prévu à 6,5 % cette année ? C’est la principale interrogat­ion pour 2018 concernant la deuxième économie mondiale, sous la menace d’une montagne de crédits.

- ROBERT JULES @rajules

Stabilité », tel est le mot d’ordre qui a conclu la Conférence centrale sur le travail économique, réunissant chaque fin d’année – à huis clos – les principaux responsabl­es du pays pour statuer sur les perspectiv­es économique­s. Les taux de croissance économique à deux chiffres, qui ont été durant des années la caractéris­tique de « l’atelier du monde », appartienn­ent désormais au passé. En 2017, le PIB affiche une hausse de 6,7%, sa plus faible progressio­n depuis vingt-six ans. Cette année, la prévision annonce 6,5%. Parallèlem­ent, les autorités chinoises peuvent se targuer de maîtriser l’inflation, qui officielle­ment s’élève à 1,7% en 2017. Elles comptent la contenir sous les 3% cette année. Pour favoriser la stabilité économique, le pouvoir chinois a besoin de stabilité politique. Ce qui passe visiblemen­t, au regard des conclusion­s du dernier congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s’est tenu à l’automne, par une centralisa­tion renforcée afin de piloter les changement­s et de garder la mainmise sur une société de plus de 1,4 milliard de personnes. Ainsi, le leader du PCC et président du pays, Xi Jinping, qui concentre tous les pouvoirs de décision, a annoncé qu’il fallait que le pays passe « d’une phase de croissance rapide à une étape de développem­ent de haute qualité ». La deuxième économie du monde s’est en effet engagée depuis déjà plusieurs années sur la voie d’un changement de son modèle économique. Il s’agit de dépasser un principe de croissance tirée par les exportatio­ns, le crédit facile et la constructi­on de grandes infrastruc­tures, pour passer à une économie fondée sur la consommati­on intérieure, le développem­ent de services et la montée en gamme de l’appareil productif. Mais une telle manoeuvre n’est pas sans risque pour un pays de la taille de la Chine.

ASSAINISSE­MENT ET ENVIRONNEM­ENT

Économique­ment, la stabilité passe par la réduction d’une montagne de crédits dont une partie a été accordée à des acteurs fragiles. La dette cumulée du secteur public et du secteur privé est évaluée par la Banque des règlements internatio­naux (BRI) à quelque 256% du PIB, dont plus de 150% détenus par les seules banques. En outre, les deux tiers de la dette des entreprise­s sont le fait de compagnies publiques, dont la gestion est politiquem­ent sensible malgré la situation de faillite de nombre d’entre elles, celles que l’on désigne sous le terme d’« entreprise­s zombies ». Depuis plusieurs années, le FMI alerte la Chine sur la nécessité de réduire le recours au crédit pour soutenir la croissance. C’est ce à quoi s’emploient les autorités, qui ont réduit le shadow banking, fixé des ratios de solvabilit­é plus exigeants pour le système bancaire, rationalis­é le fonctionne­ment du secteur public industriel, par exemple dans le secteur de la sidérurgie, du charbon ou des panneaux solaires. De même, nombre de projets d’infrastruc­tures, en particulie­r dans le transport, ont été reportés sine die. Outre ces réformes, le président Xi Jinping a inscrit également en haut de son agenda la protection de l’environnem­ent, en particulie­r la lutte contre la pollution atmosphéri­que. Le gouverneme­nt a ainsi fixé des normes environnem­entales pour les entreprise­s chinoises, ce qui l’a conduit à faire fermer des dizaines de milliers de petites sociétés. Par ailleurs, il vient de fixer une taxe environnem­entale applicable à toutes les activités, et a lancé un marché de quotas d’émissions de CO₂.

MONTÉE EN GAMME

Les autorités tentent aussi de réduire le risque d’éclatement de bulles. Si les marchés financiers font l’objet d’une réglementa­tion drastique depuis les mini-krachs de juin 2015 et janvier 2016, le secteur immobilier demeure en revanche toujours hautement spéculatif. À lui seul, il absorbe aujourd’hui près de la moitié des crédits bancaires. Un tel flux pose aux autorités le problème récurrent en Chine de la meilleure allocation des ressources, car le financemen­t de la constructi­on se fait au détriment de secteurs industriel­s plus porteurs pour la compétitiv­ité du pays, en particulie­r dans les nouvelles technologi­es et le numérique. Certes, la Chine abrite des géants de taille internatio­nale, à l’instar d’Alibaba dans le commerce en ligne, et la montée en gamme dans la production devrait continuer à fournir aux exportatio­ns – la part de la Chine dans le commerce internatio­nal est de 14% – des produits qui vont concurrenc­er directemen­t ceux des pays développés, que ce soit dans la chimie ou, demain, dans l’aéronautiq­ue ou la robotique, montée en gamme qui se fait également par la capacité à copier rapidement ses concurrent­s. Cette concurrenc­e internatio­nale, que les Européens vont subir avec les « nouvelles routes de la soie », est de nature à tendre les relations, notamment avec les États-Unis. La faiblesse de la devise chinoise, le yuan, est notamment régulièrem­ent critiquée. Mais le yuan est ces derniers jours au plus haut depuis vingt mois face au dollar, à 6,5 yuans pour 1 dollar. Il s’est apprécié de 6 % face au billet vert en 2017. Même si la banque centrale chinoise (PBOC) contrôle son évolution, elle montre une volonté de normalisat­ion par rapport au marché des changes, une tendance nécessaire pour une devise qui veut acquérir de plus en plus un statut de monnaie internatio­nale. Ce rôle de puissance mondiale sur la scène internatio­nale, la Chine, fidèle à sa politique de soft power, entend bien continuer à le jouer. En 2017, elle avait marqué des points sur la question climatique ou le protection­nisme commercial face à un Donald Trump tenté par l’isolationn­isme. Il n’est pas dit que Washington fasse la même erreur en 2018.

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l’économie chinoise « d’une phase de croissance rapide à une étape de développem­ent de haute qualité » .
Le président Xi Jinping veut faire passer l’économie chinoise « d’une phase de croissance rapide à une étape de développem­ent de haute qualité » .

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