Le malaise de Facebook Vers une législation européenne ?
2017 a été l’année des records pour Facebook : meilleure fréquentation, meilleur chiffre d’affaires trimestriel de son histoire. Mais l’image du réseau social est affectée par le phénomène des fausses nouvelles. Et il n’est pas près d’en être débarrassé.
L’année 2017 aura été celle où Facebook a franchi la barre des 2 milliards d’utilisateurs. Mais le réseau social a surtout été marqué par le fléau des fake news, ces fausses informations largement répandues depuis l’élection présidentielle américaine. Au coeur du débat, le statut même de Facebook est remis en cause : simple réseau social ou éditeur ? « Facebook est un nouveau genre de plateforme. Ce n’est pas une entreprise technologique traditionnelle. Ce n’est pas un média traditionnel », affirmait Mark Zuckerberg, son PDG et fondateur, un mois après la victoire de Donald Trump. « On a construit une technologie et on se sent responsable de la façon dont elle est utilisée. » Bien que le géant américain ait multiplié depuis les initiatives pour lutter contre les fake news, ces dernières devraient être le sujet de l’année 2018 pour Facebook. En effet, la plupart des outils proposés misent sur la sensibilisation des utilisateurs et ne devraient porter leurs fruits qu’à long terme. Il faut dire que la gestion des fake news s’apparente à un exercice d’équilibriste : supprimer trop de publications pourrait être perçu comme une restriction de la liberté d’expression… Mais miser sur l’autorégulation fait prendre le risque de paraître laxiste.
UN OUTIL DE « FACT CHECKING »
Si bien que le principal intéressé a reconnu en avril dernier son incapacité à gérer ce phénomène tout seul. « Nous pensons que la culture de l’information est une préoccupation mondiale. Il est important pour les gens d’être capables d’identifier des contenus trompeurs », déclarait au Daily Mail Campbell Brown, la responsable de la section médias de Facebook. « Ce n’est pas un problème que nous pouvons résoudre seuls. » Pour se faire épauler, le réseau social a lancé au cours de l’année écoulée plusieurs collaborations avec des médias dans le cadre du Facebook Journalism Project. Ainsi, après l’avoir testé aux États-Unis, le réseau social a développé en février dernier un outil de fact checking [vérification des faits, ndlr] avec huit médias français – lors du lancement –, dont Le Monde, France Télévisions ou encore l’AFP. Si un utilisateur signale une information erronée et confirmée comme telle par deux médias partenaires après vérifications, la publication affichera alors un pictogramme mentionnant que l’information est fausse, dans l’optique de réduire sa circulation sur la plateforme. En décembre dernier pourtant, le réseau social a jugé lui-même l’outil peu dissua- sif. Il a donc procédé à son retrait au profit d’un encart de sensibilisation. « La recherche académique sur la correction de la désinformation a montré que mettre une image forte, comme un drapeau rouge, à côté d’un article peut en fait ancrer des croyances – l’effet inverse de ce que nous voulions », se justifie Facebook dans une note de blog. L’entreprise de Mark Zuckerberg a aussi participé en avril à la création d’un fonds de 14 millions de dollars aux États-Unis, baptisé « News Integrity Initiative ». Piloté par l’école new-yorkaise de journalisme The Cuny, le projet rassemble une vingtaine d’entreprises, d’universités et d’organisations à but non lucratif, comme le moteur de recherche Mozilla ou encore l’Unesco. Mais là aussi, Facebook avance à l’aveugle. Le programme, très flou, devrait servir à la « recherche appliquée » et à « des projets ». Pour afficher ses ambitions, Facebook a profité de la publication en novembre de ses résultats trimestriels pour se dire « très sérieux [quant aux mesures à prendre] pour empêcher les usages abusifs de nos plateformes », a déclaré Mark Zuckerberg. Alors que le réseau social a affiché un chiffre d’affaires record pour le troisième trimestre, dépassant pour la première fois la barre des 10 milliards de dollars, le fondateur anticipait une baisse de rentabilité pour 2018. « J’ai demandé à nos équipes d’investir tellement dans la sécurité, en plus de tous nos autres investissements, que cela va affecter de façon importante notre rentabilité à venir », poursuivait Mark Zuckerberg. En effet, les dépenses au troisième trimestre ont fortement augmenté, à 5,2 milliards (+34 %). Cela s’explique notamment par un nombre record d’embauches, avec 2500 nouvelles recrues. Et cette tendance devrait se poursuivre en 2018. Cette année sera « importante en termes d’investissements », a renchéri le directeur financier du groupe, Dave Wehner, qui prévoit une hausse des dépenses située entre 45 et 60 % par rapport à 2017.
On a construit une technologie, on se sent responsable de la façon dont elle est utilisée