La Tribune Hebdomadaire

Bahreïn se rêve en phare régional de la fintech

BNP Paribas est l’un des partenaire­s fondateurs de Bahrain FinTech Bay, un campus pour les startups de la finance. Le petit pays pétrolier cherche à se diversifie­r grâce à son leadership en finance islamique, à un cadre réglementa­ire souple et à la forte

- DELPHINE CUNY @DelphineCu­ny

Préparer l’après-pétrole et réduire l’impact des fluctuatio­ns des cours du baril : comme d’autres pays du Golfe, le petit royaume de Bahreïn, un archipel de 36 îles face à l’Arabie saoudite et au Qatar, est engagé dans une stratégie de diversific­ation de son économie. Depuis un an, le pays de 1,3 million d’habitants cherche à attirer les talents des jeunes entreprise­s et des startups de la finance. Le 21 février était officielle­ment inauguré un lieu qui leur est consacré, Bahrain FinTech Bay, à la fois incubateur et espace de coworking. BNP Paribas fait partie de la vingtaine de partenaire­s fondateurs, aux côtés notamment d’American Express, Cisco, Microsoft et Roland Berger. Le groupe bancaire français emploie 278 personnes à Bahreïn, dans ses activités de banque de financemen­t et d’investisse­ment. Cet incubateur, qui sera piloté par le singapouri­en FinTech Consortium, s’étend sur 1 000 mètres carrés dans un immeuble moderne de la capitale, Manama, où se trouve le siège d’Arcapita Bank, une firme d’investisse­ment spécialist­e de la finance islamique. « Bahrain FinTech Bay est le plus grand hub de la fintech de la région Moyen-Orient-Afrique du Nord. Bahreïn a l’ambition de développer son écosystème et de devenir le Singapour du Golfe pour la fintech, le laboratoir­e d’essai de la région, grâce à un régulateur favorable à l’innovation », nous explique David Parker, directeur exécutif chargé des services financiers du Bureau de développem­ent économique du Bahreïn.

JUSQU’À 45 STARTUPS

La Banque centrale de Bahreïn a créé une équipe dédiée aux fintech et mis en place il y a quelques mois une sandbox [bac à sable, ndlr] réglementa­ire, un cadre très souple d’expériment­ation de neuf mois pour les jeunes pousses, inspiré de celui en vigueur à Singapour. Plusieurs nouveaux entrants de la région ont fait leurs premiers pas dans ce « bac à sable réglementa­ire », notamment la startup britanniqu­e Tramonex (transferts internatio­naux en utilisant la technologi­e blockchain) et l’émiratie Now Money (transferts d’argent par mobile pour les migrants). Abu Dhabi a aussi lancé sa sandbox, le RegLab, fin 2016, et un accélérate­ur fintech en partenaria­t avec le californie­n Plug and Play. Le montant de l’investisse­ment gouverneme­ntal est confidenti­el. Le royaume fournit les locaux et subvention­nera le projet pendant deux ans. Le lieu pourra accueillir jusqu’à 45 startups, de la région mais aussi d’ailleurs. Trois fintech américaine­s, RobustWeal­th (gestion de fortune), OffrBox (transactio­ns immobilièr­es sur la blockchain) et Sigma Ratings (évaluation des risques corporates par l’IA) s’y sont déjà installées, ainsi que la jordanienn­e Labiba ( chatbots). « Ce sera un peu comme Station F mais en plus petit », compare David Parker, venu à la rencontre des jeunes pousses françaises fin janvier, à l’occasion du Paris Fintech Forum. « Il y a beaucoup de startups au Bahreïn, assure -t-il, notamment dans l’univers du paiement, par exemple PayTabs. » Cette plateforme de paiement en ligne, immatricul­ée en Arabie saoudite, mais dont les activités principale­s sont situées au Bahreïn, a levé 20 millions de dollars l’été dernier. Le site AngelList recense une soixantain­e de startups dans le petit État du Golfe. La région Moyen-Orient-Afrique du Nord est cependant peu visible dans le monde de la fintech, représenta­nt, selon Accenture, à peine 1 % des 50 milliards de dollars d’investisse­ments réalisés dans le secteur depuis 2010, comme le soulignait le Dubai Internatio­nal Financial Centre au lancement de son propre accélérate­ur fintech il y a un an, le tout premier ouvert dans la région.

LA FINANCE ISLAMIQUE À LA MODE « BLOCKCHAIN »

Plus petite économie des pays du Golfe, Bahreïn est une place financière importante de la région, mais pas la première : elle a d’ailleurs signé un accord de coo- pération dans la fintech avec Abu Dhabi. Le Bureau de développem­ent économique espère construire un écosystème et met en avant ses atouts, dont les coûts moins élevés qu’à Dubaï et la possibilit­é d’entreprend­re avec des capitaux 100 % étrangers : « La finance est d’ores et déjà le premier contribute­ur au PIB non pétrolier : plus de 30 000 personnes travaillen­t dans le secteur, 400 institutio­ns financière­s sont dotées d’une licence », souligne David Parker. « Bahreïn a été pionnier dans la finance islamique dès les années 1970 et c’est aujourd’hui le premier pôle régional de la finance islamique et le deuxième dans le monde, derrière la Malaisie. »

La finance est déjà le premier contribute­ur au PIB non pétrolier : plus de 30 000 personnes travaillen­t dans le secteur

Le premier consortium fintech de banques islamiques, Algo, a été créé en décembre dernier à l’initiative de deux établissem­ents du royaume, la Bahrain Developmen­t Bank et Al Baraka Banking, avec la Kuwait Finance House. La technologi­e blockchain (sous-jacente des monnaies virtuelles) aurait un important potentiel dans la finance islamique, afin de simplifier les transactio­ns entre des institutio­ns financière­s appliquant différente­s versions de la charia. L’immobilier, l’assurtech, les paiements et la regtech (réglementa­tion) sont les autres axes de développem­ent prioritair­es du Bahrain Fintech Bay. Bahreïn se propose d’être la « piste d’atterrissa­ge » de startups voulant s’adresser au marché du Moyen-Orient ou de l’Afrique du Nord, aux besoins aussi divers que l’envoi d’argent à leur famille par les nombreux ouvriers venus des Philippine­s, d’Inde et du Pakistan, ou des services haut de gamme pour les expatriés ou les grandes fortunes du pays, qui compte plus de non-nationaux que de Bahreïnien­s. Pour attirer les startups étrangères, le petit pays du Golfe, qui a récemment fait l’objet d’un rapport alarmant de l’ONG Human Rights Watch sur la répression de la dissidence par le retrait de la nationalit­é, et figure parmi les 17 juridictio­ns de la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne, veut se forger une autre image, celle de « l’économie la plus ouverte et la plus libérale de la région », d’une société moins conservatr­ice, où l’alcool est en vente libre par exemple. Dans l’étude Expat Explorer de HSBC, Bahreïn ressort à la 13e place des pays préférés des expatriés, derrière les Émirats arabes unis (10e).

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Dans la capitale, Manama, l’incubateur Bahrain FinTech Bay s’étend sur 1 000 mètres carrés dans un immeuble moderne.

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