La Tribune Hebdomadaire

Pourquoi la loi Élan manque de souffle

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L’avant-projet de loi Évolution du logement et aménagemen­t numérique (Élan), censé favoriser un « choc d’offre » de logements, peine à satisfaire les acteurs concernés, profession­nels comme collectivi­tés. Le texte est en effet loin de faire l’unanimité, malgré un effort pour simplifier les normes et pour libérer du foncier, principale cause de la hausse des prix dans le neuf. Parmi les aspiration­s du gouverneme­nt : « construire plus, mieux et moins cher, répondre aux besoins de chacun et améliorer le cadre de vie », pour reprendre les mots de Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoire­s, le 8 février en clôture de la conférence de consensus sur l’avant-projet de loi. Sauf qu’au regard du texte dévoilé le 12 décembre dernier, le sujet de l’explosion annoncée de la population des seniors n’est abordé qu’en une seule et unique phrase lapidaire : « Le vieillisse­ment de la population pose de nouvelles questions en termes d’innovation sociale et de solidarité intergénér­ationnelle dans l’habitat. » Un peu court, alors que c’est une question majeure pour anticiper les besoins et l’évolution des usages du logement. Au-delà de cette classe d’âge, « les besoins démographi­ques sont oubliés », selon Alain Dinin, PDG de Nexity, leader de la promotion immobilièr­e en France : « Cette loi ne pose pas la question de la démographi­e. Où sont les 6 millions de ménages à venir? Les familles monoparent­ales? Les personnes âgées? »

UN BAIL MOBILITÉ QUI FAIT DÉBAT

En revanche, sur l’aménagemen­t numérique, le ministère de la Cohésion des territoire­s semble avoir pris la mesure de la révolution en cours : « La généralisa­tion de la digitalisa­tion du secteur du logement sera promue. Le but est d’accélérer l’insertion du logement connecté et, plus généraleme­nt, du bâtiment intelligen­t dans le cadre d’une ville connectée, sobre en carbone et désirable, où la digitalisa­tion articulera les services de mobilité et les réseaux au service de l’habitant », peuton lire sur le site de l’institutio­n. Il serait temps en effet, à l’heure des réseaux sociaux, que le citoyen lambda puisse obtenir, en ligne et dans les délais impartis, toutes les pièces administra­tives exigées lors d’une location, d’un achat ou d’une vente : documents d’urbanisme, autorisati­ons de la mairie concernée, etc. « La conférence de consensus n’avait de consensuel que le nom », concédait un député de la majorité au lendemain de la conclusion de cette dernière. Et pour cause : le bail mobilité de un à dix mois non renouvelab­le fait toujours débat. S’il donne les clés d’un logement sur une courte durée – pour un stagiaire en fin d’études, par exemple –, il risque de précariser les locataires. « Cette offre supplément­aire libérera les contrainte­s d’accès, mais elle sera accompagné­e de gardefous », assure ce même parlementa­ire. Les intercommu­nalités, aujourd’hui chefs de file des politiques locales de l’habitat (PLH), se sont, elles, inquiétées des hésitation­s sur les objectifs SRU (loi Solidarité et renouvelle­ment urbains), dont les communes conservera­ient l’obligation de production de logements sociaux : « Arrêtons les allers-retours centralisa­tion/décentrali­sation. C’est une mécanique sensible. Qu’on laisse la main aux territoire­s, auquel cas on risque d’avoir une année de perdue. Ce stopand-go perturbe le choix des investisse­urs. Au lieu de créer des chocs, on met des chocs partout », prévient Nicolas Portier, délégué général de l’Associatio­n des communauté­s de France (AdCF). En attendant la présentati­on du texte en Conseil des ministres le 28 mars puis son examen au Parlement, le débat risque donc d’être animé.

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