La Tribune Hebdomadaire

Alexandra François-Cuxac (FPI) : « La ville de demain se réfléchit aujourd’hui »

- ALEXANDRA FRANÇOIS-CUXAC PRÉSIDENTE DE LA FÉDÉRATION DES PROMOTEURS IMMOBILIER­S (FPI)

La présidente de la Fédération des promoteurs immobilier­s, Alexandra François-Cuxac, appelle à une réflexion collective sur les modèles de financemen­t pour le social et l’intermédia­ire, et presse le Gouverneme­nt de flécher un peu d’argent public vers les zones détendues pour renforcer leur attractivi­té. LA TRIBUNE - Comment la FPI anticipe-t-elle les besoins en logement en 2030 ?

ALEXANDRA FRANÇOIS-CUXAC - Le rôle de la Fédération des promoteurs immobilier­s (FPI) est d’accompagne­r ses adhérents dans l’anticipati­on des grandes transforma­tions de la ville, de la société ou de l’environnem­ent. Nous organisons pour nos membres des formations permettant d’appréhende­r la révolution numérique dans nos métiers et nos pratiques, d’intégrer la transition énergétiqu­e dans nos programmes, de nous adapter à l’évolution des attentes et des usages de nos clients. Nous travaillon­s aussi avec le gouverneme­nt pour éclairer ses choix et essayer de faire en sorte qu’il accompagne l’innovation, et non qu’il la freine voire la rende impossible en complexifi­ant sans cesse l’acte de bâtir. Nous sommes en effet une filière apprenante et non une filière qui subit.

Le projet de loi Élan répond-il dans ce cas à vos attentes ?

Il est nécessaire de faire évoluer le cadre juridique pour rompre avec les pesanteurs qui handicapen­t la production de logements. Le gouverneme­nt en a conscience, de même que le Parlement. L’exécutif semble conscient des lourdeurs qu’entraînent les évolutions permanente­s des normes. Quand on veut parler de la ville de demain, il faut croiser les regards des acteurs, qu’il s’agisse de la société civile et profession­nelle ou des élus. Avec la conférence de consensus sur le logement, initiée par le président du Sénat en lien avec le gouverneme­nt, des dizaines de contributi­ons ont été publiées dont celles de la FPI, qui a été invitée à prendre toute sa part dans cet exercice d’un nouveau genre. Maintenant, quel résultat va-t-il en ressortir ? C’est assez sage de la part de l’exécutif d’avoir accepté l’organisati­on de ces interactio­ns et confrontat­ions. Cela va sans doute permettre de faire bouger les lignes. Le projet de loi enrichi de certaines propositio­ns sera présenté fin mars en Conseil des ministres, puis au Parlement au printemps. Plusieurs dispositio­ns vont dans le bon sens, comme l’encadremen­t des délais de jugement des recours abusifs ou la simplifica­tion des normes, d’autres voies mériteraie­nt d’être plus accélérées, comme la simplifica­tion des dossiers de permis. Le temps économique est rapide. Il faut donc accélérer le temps administra­tif.

Précisémen­t, comment travaillez-vous à la ville de demain ?

Ce sont des sujets d’une grande complexité. Au Sénat, nous avons eu une réunion thématique sur les enjeux liés à la simplifica­tion des normes de constructi­on et d’urbanisme. Nous ne pouvons pas bâtir autant qu’il serait nécessaire tant que les carcans administra­tifs freinent les initiative­s. Tous les jours, les promoteurs que nous sommes vivent des blocages : des sursis à statuer, des suspension­s de décisions publiques, un PLU qui dure deux à trois ans… qui sont des choses complèteme­nt anachroniq­ues! La ville de demain, numérique, durable, accessible, se réfléchit aujourd’hui : économie des ressources, innovation­s au service de l’humain, densités croissante­s, telles sont nos thématique­s! Ensuite, le modèle actuel des territoire­s denses, où la constructi­on de logement social est financée indirectem­ent par celle du logement privé, ne fonctionne plus. La manière dont nous produisons du logement libre est un modèle à bout de souffle, parce qu’il devient trop cher. Nous devons engager une réflexion sur un modèle économique et financier permettant de produire les logements dont nos concitoyen­s ont besoin sans recourir systématiq­uement aux aides ou aux subvention­s. Enfin, il faut s’interroger sur le logement intermédia­ire, qu’il s’agisse de logement locatif ou d’accession à prix maîtrisé. Il nous faut réfléchir aux moyens d’encourager cette alternativ­e, qui s’adresse aux classes moyennes, fonctionna­ires, employés du secteur privé, notamment aux locataires du parc social, qui pourraient ainsi évoluer dans leur parcours résidentie­l. Dans ce cadre, la possibilit­é d’intégrer le logement locatif intermédia­ire – dans des conditions à définir – dans les objectifs de la loi SRU pourrait être étudiée à condition que, à l’instar des acteurs institutio­nnels (tels que CDC Habitat ou Action Logement), les promoteurs disposent des mêmes facultés (TVA à 10 %) pour réaliser ces logements intermédia­ires.

Comment répondez-vous à la demande en zones détendues ?

À la FPI, nous nous posons souvent ces deux questions : quel parcours résidentie­l pour les classes moyennes et quel développem­ent pour nos territoire­s détendus ? Accordons un regard spécifique à ces centres-bourgs ou villes moyennes qui connaissen­t de vrais freins par leur isolement ou leur faible développem­ent économique. Ne calquons pas un modèle métropolit­ain, mais réfléchiss­ons à une croissance plus verte et plus responsabl­e fondée sur le bien-être des habitants et des salariés avec des logements moins chers, des mobilités renforcées et une meilleure qualité de vie. Il faudra bien des relais de croissance dans nos territoire­s : croisons les regards et faisons-y venir l’emploi ! Développon­s, avec l’ensemble des forces vives, des villes éco-intelligen­tes! Maintenant que les métropoles sont arrivées à un certain degré de maturité, il pourrait être fléché un peu plus d’argent public vers ces zones détendues. Je propose ainsi une péréquatio­n de la fiscalité permettant un renforceme­nt de ces territoire­s. En effet, la constructi­on de logements crée des recettes fiscales qui pourraient être redistribu­ées, au profit des maires bâtisseurs d’un côté, et des zones détendues de l’autre. Fléchons l’argent public là où sont les vrais besoins.

Le temps économique est rapide. Il faut donc accélerer le temps administra­tif

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France