La Tribune Hebdomadaire

Jean-Pierre Frémont (EDF) : « Construire des villes où il fait bon vivre »

- JEAN-PIERRE FRÉMONT DIRECTEUR COLLECTIVI­TÉS CHEZ EDF Propos recueillis par C. A.

EDF prépare la France de 2030, entre autoproduc­tion, autoconsom­mation et mobilité électrique déployées à grande échelle. Son directeur Collectivi­tés Jean-Pierre Frémont y travaille déjà, en collaborat­ion avec les territoire­s. LA TRIBUNE - Comment un énergétici­en comme vous anticipe-t-il la ville de 2030 ?

JEAN-PIERRE FRÉMONT - Penser la ville en 2030, c’est se projeter dans un monde où le climat aura déjà changé. C’est également anticiper un modèle de production où les besoins énergétiqu­es ne seront plus exclusivem­ent couverts par les seules énergies fossiles. Comment construire des villes où il fait bon vivre, des villes plus intelligen­tes, plus responsabl­es, susceptibl­es de s’adapter à l’augmentati­on de la températur­e et aux crises climatique­s (inondation­s, tempêtes, canicules)? C’est le grand défi du xxie siècle! Pour ce faire, il faut promouvoir des architectu­res nouvelles – en matière de bâti, d’énergie, de mobilités… – qui nous permettent d’absorber ces chocs climatique­s. En un mot, il faut « adapter » la ville. Pour nous énergétici­ens, il faut personnali­ser nos solutions beaucoup plus que les standardis­er. L’exemple de Dijon et de la plateforme Muse est de ce point de vue remarquabl­e.

Avec le vieillisse­ment de la population et la métropolis­ation, les besoins en logement vont évoluer. Comment vous y préparez-vous ?

En 2030, la France comptera 2,5 millions d’habitants supplément­aires, le tiers de la population aura plus de 60 ans, tandis que la génération « smartphone » sera adulte. Cette nouvelle carte d’identité de notre pays, à la fois vieillissa­nt mais ultraconne­cté, renforce l’exigence d’« adaptabili­té » que j’évoquais. En termes de constructi­on, il est indispensa­ble que les réalisatio­ns – béton, bois ou acier – soient résiliente­s : elles doivent être capables d’héberger des activités humaines dans la durée… aujourd’hui du logement, demain de l’activité, et inversemen­t. C’est également un enjeu lors des opérations de rénovation. Cette approche « sur-mesure » est essentiell­e, notamment pour programmer les besoins en énergie. Dans chaque projet, nous proposons systématiq­uement une dimension « bas carbone ». Nous analysons toujours les sources d’énergies renouvelab­les localement mobilisabl­es. Nous vérifions aussi les types d’usages que nous voulons tout au long de la vie d’un projet. Notre savoir-faire s’articule désormais autour trois leviers : la réduction des émissions de CO2, un coût d’investisse­ment adapté à l’économie du projet et un coût à l’usage le plus attractif possible. Nous voulons surtout accompagne­r les collectivi­tés locales dans l’histoire qu’elles écrivent. Elles ne veulent plus simplement « une » constructi­on… elles demandent « la » constructi­on. Elles attendent d’un bâtiment qu’il s’inscrive dans un récit territoria­l, qu’il raconte quelque chose le plus souvent en matière d’innovation. Qu’il s’agisse des finitions ou du schéma énergétiqu­e, le « prêt à construire » est passé de mode!

Entre la montée en puissance de l'autoconsom­mation et la croissance de l'autoproduc­tion, comment allez-vous vous adapter ?

« Produire sa propre énergie et l’utiliser pour ses propres besoins » : dans le monde de l’énergie aussi, le « vintage » est une source d’inspiratio­n pour l’avenir ! 400 000 ans après la domesticat­ion du feu, nous revenons quelque part à une approche similaire d’autoproduc­tion et d’autoconsom­mation… les particules fines en moins! Avec le photovolta­ïque principale­ment, ce schéma se déploie à grande vitesse dans nos territoire­s, à l’ini- tiative des particulie­rs. Il y a une véritable appétence de nos concitoyen­s, qui veulent troquer leur casquette de « consommate­ur » pour celle de « consom’acteurs ». Si les initiative­s individuel­les progressen­t, il s’agit encore d’un défi technique et juridique dès lors que l’on souhaite partager l’énergie produite entre plusieurs usagers : logements collectifs, lotissemen­ts, éco-quartier… Cette complexité nouvelle a nécessité que nous nous adaptions avec la création de la filière métier d’« architecte­s énergétici­ens ». Nos équipes sont en capacité d’identifier les caractéris­tiques énergétiqu­es d’un projet, d’analyser les besoins du client et de lui présenter les assemblage­s de solutions répondant à ses attentes.

Dans douze ans, la mobilité électrique sera peut-être la norme. Comment y travaillez-vous avec les collectivi­tés ?

En France, le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, la mobilité électrique doit devenir la norme au plus vite! Les Français l’attendent tant ils se soucient des enjeux climatique­s, des problèmes de bruit et de pollution dans leur ville… et espèrent, à terme, des économies d’usage. On ne compte plus les projets déjà lancés dans les territoire­s. Mais il faut aller plus loin. La mobilité électrique doit se démocratis­er, en priorité avec les véhicules légers, les bus et les flottes d’entreprise­s. Nous devons intensifie­r nos échanges avec les collectivi­tés mais également les entreprise­s. Réfléchiss­ons ensemble au développem­ent de la mobilité électrique adaptée à la maille du territoire : définisson­s les usages, arbitrons les véhicules à « électrifie­r », et choisisson­s les bonnes solutions de recharge.

La mobilité électrique doit devenir la norme au plus vite !

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