La Tribune Hebdomadaire

À l’étranger, encore un long chemin

- AUDREY FISNÉ @AudreyFisn­e

Au sein des pays développés, les actions en faveur de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes sont nombreuses et variées. L’importance donnée à cette cause varie selon les pays, ce qui entraîne de fortes disparités. Revue de détail des initiative­s menées et zoom sur les inégalités.

Loin d’être propres à la France, les inégalités salariales dépassent les frontières. À l’échelle européenne, des actions sont menées pour y pallier. Des politiques nécessaire­s lorsque l’on sait que, selon Eurostat, l’écart moyen de salaire entre les hommes et les femmes s’élevait à 16,2 points en 2016, dans l’Union européenne. Du côté du taux d’emploi, 11,6 points de pourcentag­e séparaient, la même année, les femmes des hommes. Plus précisémen­t, cela signifiait qu’en 2016, le taux d’emploi des femmes au sein de l’UE équivalait à 64 % – un record jusqu’alors –, mais que celui des hommes était de 76%. Mais derrière l’illusion d’une améliorati­on, se cache une forte précarité. Les Européenne­s sont les premières à subir le manque d’intégratio­n au marché du tra- vail : elles sont, plus que leurs homologues masculins, sous contrats courts et à temps partiel ; 23,2 points séparent les femmes des hommes qui travaillen­t à temps partiel en UE; elles ont moins de chances qu’eux d’occuper des postes de direction ; leurs salaires sont moins élevés et elles paient plus cher les interrupti­ons dans leur carrière. Avec l’âge, les inégalités se creusent encore plus, puisque la parentalit­é constitue un handicap supplément­aire pour les Européenne­s.

L’UNION EUROPÉENNE, HISTORIQUE­MENT ENGAGÉE POUR L’ÉGALITÉ SALARIALE

Pour comprendre ces inégalités, il faut préciser que tous les pays de l’UE ne luttent pas avec la même force contre les discrimina­tions salariales. L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, qui calcule un indice d’égalité de genre, a comparé les pays en s’appuyant sur six grands domaines (le travail, l’argent, le savoir, le temps, le pouvoir et la santé). Le résultat de l’UE, en 2015, en matière d’égalité, était de 52,9 sur 100. La Finlande et la Suède arrivaient en tête du classement avec un indice respectif de 72,7 et 74,2 sur 100, tandis que la France dépassait à peine la moyenne avec 55,7 sur 100. En bas du classement, on retrouvait la Grèce et la Hongrie avec 50,0 et 50,8 sur 100. Pourtant, l’Union européenne s’est toujours préoccupée de la question des inégalités salariales. Le traité de Rome, en 1957, affirmait déjà le principe d’égalité salariale entre les sexes. En 1976, un arrêt de la Cour de justice européenne confirmait aussi le principe. Mais parce qu’il reste encore du chemin à faire pour atteindre l’égalité, l’UE s’est fixée, dans sa stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2014-2017, l’objectif d’une indépendan­ce économique égale et d’une égalité de rémunérati­on pour un même travail ou un travail de même valeur. Dans le cadre de la programmat­ion 2014-2020 du Fonds social européen, l’égalité entre les femmes et les hommes a été reconnue comme un critère décisif lors de l’évaluation des projets par les États membres. Sur le long terme, l’adoption des Objectifs de développem­ent durable (ODD), et notamment de l’objectif et des cibles de l’Agenda 2030 consacré à l’égalité des sexes (ODD 5), entend renforcer la priorité accordée à l’égalité femmes-hommes dans les programmes de développem­ent nationaux et mondiaux.

QUOTAS, AIDES À L’ACCUEIL DES ENFANTS ET FINANCEMEN­TS

À échelle plus large encore, un rapport de l’OCDE de 2017 (« Atteindre l’égalité femmes-hommes : un combat difficile ») rappelle que, lors de ces cinq dernières années, les pays ont très peu progressé en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Des initiative­s allant dans le sens de l’égalité sont tout de même encouragea­ntes. On notera, par exemple, des incitation­s financière­s faites aux pères pour qu’ils prennent un congé parental d’au moins deux mois. Des dispositif­s ont également été mis en place pour améliorer l’accès aux services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants. Au Danemark, en Hongrie, en Slovénie ou encore en Suède, plus de 50% des enfants de 6 à 11 ans fréquenten­t des structures d’accueil en dehors du temps scolaire au cours d’une semaine type. Ces services peuvent même être gratuits pour les familles à faibles revenus, comme au Danemark, ou financés par l’UE, comme en République tchèque. Un avantage crucial pour les femmes qui travaillen­t, ont des enfants et sont encore trop nombreuses à devoir supporter les charges familiales. On peut aussi relever que deux tiers des pays de l’OCDE ont mis en place des initiative­s en faveur de l’égalité de rémunérati­on. Le rapport de l’OCDE explique : « La transparen­ce salariale est en effet un moyen d’action essentiel pour mettre en lumière les écarts de salaire entre les femmes et les hommes dans les entreprise­s. » C’est le cas notamment en Allemagne, où, depuis janvier 2018, une femme a le droit de demander à son employeur de comparer son salaire avec celui de six collègues. Autre action favorisant l’égalité femmeshomm­es : les quotas par sexe et les objectifs chiffrés. Le rapport de l’OCDE révèle à ce sujet : « Les pays qui ont mis en place un quota ont constaté une augmentati­on plus immédiate du nombre de femmes dans les conseils d’administra­tion, tandis que ceux qui ont adopté une méthode plus douce, au moyen de la divulgatio­n d’informatio­ns ou d’objectifs à atteindre, ont observé des avancées plus progressiv­es dans ce domaine au fil du temps. » Aujourd’hui, les quotas sont déjà imposés dans les conseils d’administra­tion des entreprise­s en Allemagne, en Norvège, en France (par la loi Copé-Zimmermann), en Belgique et en Islande.

DES ACTIONS SOUS TOUTES LES FORMES

Du côté du secteur public, une discrimina­tion positive envers les femmes est également entrée en vigueur dans plusieurs pays de l’OCDE, permettant aux femmes d’accéder à des postes de direction, comme c’est notamment le cas aux États-Unis. Pour les femmes souhaitant se lancer dans l’entreprene­uriat, des accès facilités aux financemen­ts bancaires, au moyen de garanties d’emprunt, existent. Des initiative­s, menées par différents gouverneme­nts, traversent également les frontières, comme par exemple le financemen­t en faveur des femmes entreprene­ures de la Banque mondiale à laquelle sont associés pas moins de 13 États. D’autres stratégies sont également conduites, telles que l’utilisatio­n de marchés publics pour soutenir les femmes chefs d’entreprise ou des programmes de formation, de tutorat et de mentorat dans le domaine de l’entreprene­uriat et le déve- loppement de réseaux. En France, ces réseaux luttant pour l’égalité femmeshomm­es couvrent de nombreux secteurs du monde du travail (Cercle InterElles, Women’s Forum, Action’elles, Les Premières…). Autre action : les campagnes de sensibilis­ation. Celles-ci se multiplien­t dans la plupart des pays et elles concernent, de manière globale, toutes les discrimina­tions dont sont victimes les femmes. Enfin, au niveau de la formation, plusieurs pays ont lancé des programmes encouragea­nt les filles et les jeunes femmes à choisir des filières traditionn­ellement à dominance masculine (et inversemen­t). Pour rappel, selon l’OIT, si l’égalité profession­nelle était respectée, le PIB mondial augmentera­it de 3,9% d’ici à 2025. Les pays ont donc tout intérêt à poursuivre leurs efforts pour lutter contre les discrimina­tions.

Le PIB mondial augmentera­it de 3,9 % si l’égalité profession­nelle était respectée

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En Allemagne, une femme a le droit de demander à son employeur de comparer son salaire avec celui de six collègues.

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