Les Rencontres capitales
La mémoire au service… ou au secours des mutations
La mémoire au service... ou au secours des mutations
Sciences – progrès – société: c’est au dialogue entre ces trois composantes, piliers du vivreensemble, ou plus exactement de l’imagine rensemble et du bâtir-ensemble, que se consacrent Les Rencontres capitales, dont la 5e édition (7 et 8 avril) a pour théâtre l’Académie des sciences et pour scènes notamment la coupole de l’Institut de France. Un dialogue qui, cette année, met en lumière l’articulation, cruciale, de la mémoire et des mutations. Cruciale, car appréhender de manière holistique le mouvement des mutations et chaque mutation qui le compose convoque une mémoire communément jugée indispensable, en réalité durement et même dangereusement malmenée. D’aucuns n’aspirent-ils pas à la confiner, voire la congédier, afin de « libérer » la création technologique, l’innovation scientifique, le progrès matériel – et leurs débouchés marchands – de toute entrave éthique? Car, oui, la mémoire est discernement et émotion, elle est lien et continuum, elle est rempart et humanité. Elle est donc éthique. Et à l’heure où la vitesse, phénoménale et même exponentielle, des découvertes techniques questionne la réalité et la vocation du progrès – idéalement « majusculisé » par le philosophe des sciences Étienne Klein –, met en doute la capacité de l’Homme individuellement et de la communauté des hommes de le « maîtriser », place l’intelligence humaine et l’intelligence technologique sinon dans un duel tout au moins dans une relation voire un rapport de force inédits, convoque une somme infinie d’interrogations et donc l’avenir même de la civilisation, défricher l’ensemble des mutations inhérentes aux dites découvertes exige, plus que jamais, de les lire dans le prisme de la mémoire. Les mutations sont parfois ruptures, or aucune rupture n’est constatée donc comprise donc circonscrite au moment où elle intervient ; sans recours à la mémoire, comment alors espérer la « gérer » ? Et cette mémoire, peut-elle résister au flot désordonné même anarchique d’informations, de communication, de flux, d’écrans et de sollicitations, à la dictature de l’immédiateté et de la cupidité, à un déferlement tous azimuts qui tour à tour l’inondent, l’intoxiquent et même la dévorent ? Oui, les mutations défient la mémoire, or sans mémoire toute mutation s’expose et expose aux abîmes les plus vertigineux.
QUEL MONDE VEUT-ON ?
La mémoire alliée du progrès, la mémoire complice des « bons » arbitrages, la mémoire garde-fou, la mémoire pour désaliéner, la mémoire pour éclairer les plus « folles » avancées – et colorer l’adjectif d’attributs vertueux –: en définitive, innerver le sens du progrès du sens de la mémoire, et pour cela nourrir le débat, ensemble des débats intérieurs auxquels chacun des 5 000 spectateurs attendus accepte de se soumettre, voilà l’objectif de ce week-end de rencontres orchestrées dans un lieu affranchi d’intérêts particuliers et sanctuaire d’innombrables découvreurs. Éducation, travail, santé, culture, patrimoine, climat, démographie, économie, entreprises, guerres, intelligence artificielle, mais aussi amour, croyances, fragilité, créativité… la variété des 15 thèmes traités par les 80 prestigieux intervenants peut sembler, au premier abord, hétérogène, voire décousue. En réalité, l’ensemble des plateaux forme une cohérence à même d’interpeller les spectateurs dans leur intimité, s e l on l e urs différentes contributions – de femme et d’homme, de citoyen, de parent, de consommateur, d’acteur économique (patron, entrepreneur, salarié) – à la « construction » de la société. Quel monde veut-on? Quels engagements, c’est-à-dire quelle foi, quelle mobilisation mais aussi quels sacrifices, est-on déterminé à lui conférer ? De quelle humanité collective rêve-t-on, et pour cela quelle humanité intérieure est-on prêt à modeler ou à faire grandir? Ces 7 et 8 avril, de précieuses expertises et convictions, de lumineux « témoignages de vie » devraient fournir quelques réponses pour les « candidats au progrès ». Avant-goût dès maintenant, révélé par dix d’entre eux.
Quelle mobilisation ? Mais aussi quels sacrifices ?