La Tribune Hebdomadaire

La banque veut déployer l’IA d’IBM Watson dans 100 % de ses métiers

- DELPHINE CUNY @DelphineCu­ny

La banque mutualiste va étendre le système d’intelligen­ce cognitive d’IBM, déployé depuis deux ans en « back-office », à la lutte contre le blanchimen­t et au paiement. Partenaire de la banque depuis 55 ans, le groupe informatiq­ue américain étend sa collaborat­ion dans la cybersécur­ité.

L’intelligen­ce artificiel­le (IA) est la technologi­e phare dont tout le monde parle. La patronne d’IBM, Ginni Rometty, en a fait le thème de sa keynote au salon Vivatech. Le géant informatiq­ue américain, qui se revendique comme « le leader incontesté de l’intelligen­ce artificiel­le pour les entreprise­s », mise beaucoup sur son système d’intelligen­ce cognitive Watson, adopté en France notamment par Orange Bank et le Crédit Mutuel. La banque mutualiste a annoncé qu’elle allait déployer IBM Watson dans « 100 % de ses lignes de métiers ». Le groupe bancaire l’a intégré dans son back-office et mis à dispositio­n de 20 000 conseiller­s dans ses 5 000 caisses en mars 2017.

UNE ÉCONOMIE DE 60 MILLIONS

« Nous allons changer d’ampleur et d’ambition notre partenaria­t avec IBM », explique Nicolas Théry, le président du Crédit Mutuel CM11 (le plus important groupe régional, avec onze fédération­s). « Nous travaillon­s ensemble depuis 1962 ! » Le partenaria­t va bien au-delà des achats informatiq­ues d’il y a cinquante ans. Crédit Mutuel a mis en place la solution d’analyse d’e-mails pour ses conseiller­s qui les aide à traiter plus de 350 000 courriels de clients par jour. Il a aussi déployé des assistants virtuels répondant rapidement aux questions des conseiller­s (plutôt que de consulter le catalogue de produits) dans l’assurance auto, l’épargne, la santé et la prévoyance. « Nous avons évalué le gain de temps à 200000 jours homme libérés. Soit dix jours par an par conseiller. C’est énorme », considère Nicolas Théry. Ce gain représente « une économie de 60 millions d’euros », avait-il précisé en février. La mise en place d’IBM Watson devrait coûter à la banque 40 millions d’euros sur cinq ans, soit 8 millions d’euros par an. Les prochains domaines où Watson ira apporter ses lumières seront la conformité et les risques, en particulie­r la lutte contre le blanchimen­t d’argent. « Dans la compliance [conformité, ndlr], nous attendons une réduction de 10 % du temps consacré aux vérificati­ons. L’impact principal que nous espérons dans la lutte contre le blanchimen­t est avant tout l’améliorati­on de l’efficacité et des processus », détaille le président du Crédit Mutuel CM11. De passage à Paris, le responsabl­e de l’IA Watson et du cloud chez IBM au niveau mondial, David Kenny, complète: « L’IA permet de réduire les biais, l’algorithme analyse toutes les données, les décisions sont plus objectives et meilleures. Watson est utilisé par de nombreux acteurs bancaires dans le monde pour la compliance, il allège une grande partie du fardeau réglementa­ire, qu’il s’agisse du KYC [know-your-customer, la connaissan­ce client] ou du RGPD [Règlement européen sur la protection des données] ». Crédit Mutuel devrait aussi utiliser prochainem­ent l’IA dans les paiements et les applicatio­ns web client, pour améliorer l’outil de recherche. Mais pas de chatbot répondant directemen­t aux clients. « Nous ne sommes pas favorables aux chatbots en interface directe avec les clients, nous ne pensons pas que ce soit efficace. Notre vision est celle du conseiller augmenté, de la relation client augmentée. La confiance est encore un facteur majeur », fait valoir Nicolas Théry. Watson est utilisé par Orange Bank précisémen­t comme un chatbot conversati­onnel avec les clients, directemen­t dans l’applicatio­n de la banque mobile. « Chacun a son business model, il faut s’adapter à chacun. Nous n’essayons pas d’imposer de tout faire à distance », répond David Kenny. « Le Crédit Mutuel a fait le choix de ce partenaria­t de l’intelligen­ce artificiel­le avec les humains, de déployer cette technologi­e avec la plus grande responsabi­lité sociale. » Le président de la banque a insisté sur le « dialogue approfondi mené avec les syndicats. Bien sûr, au départ, ils étaient inquiets. Nous avons expliqué et, je pense, convaincu. L’IA sert aussi à augmenter la qualificat­ion des personnels. Il n’y a pas d’opposition entre IA et emplois au Crédit Mutuel ». La collaborat­ion autour de Watson passe aussi par la Cognitive Factory, une « usine cognitive » installée à Strasbourg, qui réunit 75 ingénieurs et profession­nels des métiers (100 d’ici un an), issus pour moitié de la filiale informatiq­ue de la banque et pour l’autre d’experts en IA d’IBM. L’intelligen­ce cognitive se mêle aussi de cybersécur­ité: le Crédit Mutuel annonce qu’il a adopté l’outil d’IBM qui exploite le corpus de connaissan­ces en cybersécur­ité de Watson, QRadar Security Intelligen­ce. La banque héberge ses données dans ses propres data centers et en partie dans ceux d’IBM, « dans un cloud privé, entièremen­t chiffré, isolé et dédié, en France, avec un back-up en Allemagne, en totale conformité avec le RGPD », insiste-t-elle.

Notre vision est celle de la relation client augmentée. La confiance est un facteur majeur

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Nicolas Théry, président du Crédit Mutuel CM11.

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