La foodtech pour un agroalimentaire responsable
Meal Canteen, ViaTerroirs, Tool4Food… Ces startups françaises veulent réduire le gaspillage alimentaire dans les restaurants collectifs, favoriser les circuits courts ou encore optimiser les capacités de production. Objectif : rendre la filière agroalimentaire plus responsable et collaborative.
Réduire le gaspillage alimentaire, favoriser les circuits courts, optimiser les capacités de production... Autant de défis sur lesquels planche la foodtech pour rendre l’industrie agroalimentaire plus responsable. Chaque année, 540000 tonnes de nourriture sont jetées dans la restauration collective en France, selon un rapport de juin 2016 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Cela représente environ 1 million de repas perdus sur 3 milliards distribués. C’est en partant de ce constat que l’application Meal Canteen a vu le jour il y a deux ans. Son but : permettre aux restaurants collectifs de connaître l’affluence et les plats désirés. La veille pour le lendemain, les utilisateurs de l’application choisissent l’intégralité de leur menu – entrée, plat et accompagnement, dessert. « Aujourd’hui, les restaurations collectives fonctionnent à l’intuition, explique Lorenzo Querin, responsable commercial chez Meal Canteen. Elles tablent sur un nombre aléatoire de personnes venant déjeuner, ainsi que sur leurs préférences culinaires. » Les informations comme « bio », « allergènes » ou encore l’origine du produit, sont communiquées via l’application. Chaque utilisateur peut également noter le plat pour permettre à la restauration d’améliorer une recette. Implantée à Saint-Étienne, la startup de neuf salariés est actuellement en phase de test auprès de 2 500 utilisateurs dans des lycées, collèges, restaurants administratifs et gendarmerie afin de décrocher des contrats publics. « Lorsque les activités sont imprévisibles, comme les gendarmeries ou les hôpitaux, avec du personnel pouvant être mobilisé d’une minute à l’autre, le nombre de repas servis par jour est encore plus variable et, donc, le gaspillage alimentaire plus impor- tant. Pour l’utilisateur, il y a le risque de ne plus avoir de choix s’il arrive tardivement au self », souligne Lorenzo Querin, précisant que l’application réserve les repas nominativement, peu importe l’heure d’arrivée à la cantine. Gratuit pour les utilisateurs, Meal Canteen est payante pour les prestataires cuisine. La startup prélève 0,33 centime d’euros hors taxe par clic de réservation.
UN SERVICE DE GÉOLOCALISATION
À titre de comparaison, l’Ademe estime « le coût direct moyen des pertes et gaspillage de matières premières (aliments achetés) à 0,27 euro par repas ». En incluant les coûts indirects (temps passé par les personnels de cuisine, énergie consommée pour préparer les plats, facture de déchets…), le montant grimpe à 0,68 euro par repas. La startup a lancé une campagne de crowdfunding mi-mai pour tenter de lever 800 000 euros d’ici deux mois. Meal Canteen espère ainsi développer son réseau de clients et lancer une nouvelle appli, permettant de mettre en relation les cantines et les producteurs locaux. Pour rapprocher les producteurs des professionnels de l’alimentation (restaurateurs, boulangers, épiceries, cantines...), ViaTerroirs a développé un service de géolocalisation. « Nous digitalisons les cir- cuits courts », affirme Baudouin Niogret, directeur général de ViaTerroirs. Lorsqu’un professionnel s’inscrit sur le site, il peut situer les producteurs locaux sur une carte – avec un design proche de celui de Airbnb. Il peut ensuite passer commande, payer et suivre l’évolution des marchandises directement depuis le site. « Cela permet d’optimiser le temps des producteurs, notamment pour les livraisons. Notre site permet aussi de faire rencontrer une offre et une demande, qui fonctionnent avec des plannings différents. Les restaurateurs vont plutôt passer les commandes très tard le soir, lorsque les producteurs ne sont pas forcément joignables par téléphone. Les producteurs, eux, consultent davantage les commandes le matin », détaille Baudouin Niogret. Crée à Lyon en 2015, le site est disponible depuis l’année dernière. La startup de six salariés se rémunère en prélevant une commission de 10 % sur le volume d’affaires. ViaTerroirs revendique actuellement 600 utilisateurs – producteurs et acheteurs confondus – entre la région Auvergne-Rhône-Alpes et alentours (Lyon, Beaujolais, Saint-Étienne, Isère, Drôme) et la Bretagne (Morbihan). Ce sont des endroits « où les très fortes identités créent un rapport particulier au local », souligne Baudouin Niogret.
VERS PLUS DE COLLABORATIF
« L’industrie agroalimentaire a un fort potentiel pour devenir plus collaboratif », estime Gabriel Bernier, ingénieur en agronomie et agroalimentaire au sein de Tool4Food. C’est pourquoi la startup lyonnaise, lancée en février 2017, souhaite mutualiser les outils de production à l’année afin d’optimiser les rendements. « Du fait de la saisonnalité des cultures, beaucoup d’industriels ont des capacités de productions inutilisées à l’année », avance Gabriel Bernier, en précisant qu’il y aura plus de 9 milliards d’êtres humains sur Terre d’ici 2050. La startup veut inciter les industriels à « segmenter leur savoir-faire pour créer une offre, même dans les périodes de basses saisonnalités », explique Gabriel Bernier. Prenons un exemple : une entreprise qui assemble des salades de snacking sera très occupée l’été. Le reste de l’année, elle pourrait proposer ses services – comme le nettoyage d’aliments ou le conditionnement – à d’autres entreprises. Actuellement en recherche de financement, de 100000 à 300 000 euros, Tool4Food souhaite lancer en octobre prochain une première version de sa marketplace. À l’image d’une application de rencontre, la startup a « développé de nombreux critères pour créer le bon matching ». Les industriels devront par exemple renseigner la nature des produits (ultra-frais, frais, surgelés, longue conservation...) ou encore les normes (bio, sans gluten...).
Des industriels ont des capacités de production inutilisées à l’année