La Tribune Hebdomadaire

Lucie Basch (Too Good To Go)

Avec la startup Too Good To Go, Lucie Basch a créé une plateforme numérique qui permet à tous de lutter contre le gaspillage alimentair­e. En révolution­nant nos habitudes et nos modèles de consommati­on, elle fait de nous des héros du quotidien.

- VALÉRIE ABRIAL @Vabrial

Àtout juste 26 ans, cette ingénieure centralien­ne donne l’impression d’avoir eu plusieurs carrières en une. La résultante d’un enthousias­me et de conviction­s qui font la force des personnali­tés atypiques, mais aussi la joie et le besoin d’accomplir des actions qui participen­t à redonner du sens à tout ce qui en a perdu. C’est bien simple : le jour où Lucie Basch, alors en poste dans l’industrie agroalimen­taire, comprend que son job est à l’origine d’un gaspillage alimentair­e phénoménal, elle décide de démissionn­er. « En fait, plus je participai­s à réduire les coûts de production, plus il y avait du gaspillage. Cette situation est vite devenue intolérabl­e pour moi. J’avais l’impression d’être dans le passé alors que nous sommes en train de vivre une nouvelle révolution, celle du digital qui nous permet à tous d’être interconne­ctés, en temps réel, partout dans le monde. Qui nous permet d’interagir ensemble, d’être acteurs du changement. Voilà toute la beauté du digital : le pouvoir à l’horizontal dans lequel chacun peut agir à son échelle. » Il n’en fallait pas plus pour que Lucie Basch reprenne les rênes de sa vie et qu’elle cherche coûte que coûte à trouver des solutions au gaspillage alimentair­e. Car les chiffres sont éloquents : 10 millions de tonnes de nourriture sont jetées chaque année en France, soit 150 kg par personne. Dans le monde, un tiers des aliments sont gaspillés alors qu’un milliard d’individus souffrent de la faim et de malnutriti­on (source : Ademe). Un constat qui frôle l’absurdité. Voire l’aberration ; comme ce jour où Lucie aperçoit sa boulangère jeter ses invendus du jour. Elle lui propose aussitôt de les récupérer, mais la commerçant­e assez désarmée lui avoue que la loi ne l’autorise pas à donner sans cadre et qu’il est difficile pour les associatio­ns de se déplacer quand les quantités ne sont pas d’envergure plus industriel­les. En bref, le système n’est pas assez élaboré pour que les petits commer- çants puissent proposer leurs invendus dans un cadre qui les autorise à le faire. Qu’à cela ne tienne! Lucie lui achète à bas prix ses invendus et se retrouve avec bien plus qu’initialeme­nt négocié, car à partir du moment où il y a acte d’achat, la responsabi­lité de la boulangère n’était plus mise en cause.

SAUVER DES REPAS GRÂCE AU COLLECTIF

« C’est de cette expérience que m’est venue l’idée de Too Good To Go ! se souvient Lucie. J’avais trouvé la solution ! J’allais créer une applicatio­n qui allait mettre en lien les commerçant­s et les consommate­urs pour que ces derniers puissent acheter leurs invendus à prix réduits ». Le site et l’applicatio­n sont lancés en juin 2016. Lucie, bâton de pèlerin en main, sillonne Lille et Paris ( « parce que c’était important de montrer dès le début notre souhait d’agir sur tout le ter- ritoire » ) pour convaincre les commerçant­s de rejoindre l’écosystème. Aidés par des bénévoles étudiants et des citoyens engagés, elle fait du porte-à-porte et découvre avec étonnement que beaucoup attendaien­t LA solution qui leur permettrai­t de donner une seconde vie à leurs produits. « En fait, la plupart des commerçant­s aujourd’hui ont cette conscience antigaspi. Nous, on leur propose une solution facile et clé en main. Sans le digital, nous n’aurions pas pu le mettre en place. » Et le système est on ne peut plus simple ! Une fois connecté à Too Good To Go, le consommate­ur peut acheter un panier surprise au commerçant de son choix ; il vient ensuite le récupérer à une heure de collecte validée au moment de la commande. Sur un panier de 4 euros (qui en vaut au départ entre 12 à 15 euros), 1 euro est reversé à Too Good To Go et 3 euros au commerçant. « C’était fondamenta­l pour nous de créer une entreprise sociale et solidaire dont le modèle soit pérenne. Aujourd’hui, nous comptons en France 3 500 commerçant­s, 1,5 million d’utilisateu­rs et nous avons sauvé un million de repas. » Présent au Danemark, en Norvège, en Angleterre, en Suisse et en Allemagne, Too Good To Go a sauvé plus de 4 millions de repas dans le monde et entend bien poursuivre la croisade « qui sauve le monde du gâchis tout en permettant au plus grand nombre de se nourrir » . Experte anti-gaspi, Lucie Basch vient de rejoindre le tout nouveau comité d’orientatio­n alimentair­e du groupe Carrefour qui oeuvre pour une transition alimentair­e pour tous. À ses côtés, le secrétaire général du groupe, Laurent Vallée, mais également Emmanuel Faber, PDG de Danone, François Mandin, pionnier de l’agricultur­e de conservati­on des sols, ou encore la cancérolog­ue Caroline Robert. Ou comment le collectif interdisci­plinaire participe aux changement­s de modèles.

Avec 1,5 million d’utilisateu­rs, nous avons sauvé un million de repas

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