La Tribune Hebdomadaire

Le Grand Est renoue avec les grands investisse­ments

- OLIVIER MIRGUET @olivierm

La région issue de la fusion de l’Alsace, de la Lorraine et de ChampagneA­rdenne se projette dans l’avenir en valorisant ses atouts industriel­s et internatio­naux. L’investisse­ment des entreprise­s repart à la hausse. Mais en Alsace, on continue de protester contre le Grand Est.

Pas moins de 500 millions d’euros d’investisse­ments chez Mercedes à Hambach (Moselle), 100 millions d’euros chez Kronenbour­g à Obernai (Bas-Rhin), 150 millions chez le logisticie­n Delticom à Ensisheim (Haut-Rhin). Dans le Grand Est, les annonces de projets de développem­ent des entreprise­s, en croissance endogène ou en création d’activités, se succèdent en 2018 à un rythme et à un niveau inédits. Qui parle encore de désindustr­ialisation? Dans son enquête périodique de conjonctur­e, la Banque de France pointe cette année « un climat des affaires à son niveau le plus élevé depuis 2011 » dans la région. Selon la Banque de France, les entreprise­s industriel­les du Grand Est ont connu en 2017 une progressio­n de leur chiffre d’affaires de 3,6 %. Un résultat supérieur aux prévisions formulées un an plus tôt. La phase d’assainisse­ment des activités industriel­les héritées des Trente Glorieuses semble être terminée, soldée en 2012 avec la fermeture des derniers hauts-fourneaux en Lorraine. L’industrie lourde n’a pas pour autant quitté la région. ArcelorMit­tal a même renforcé, en Moselle, ses capacités de production d’acier à haute résistance et ses activités de recherche. « Les investisse­ments dans l’industrie resteront à un niveau élevé en 2018 », prévient la Banque de France. « Nous avons établi notre schéma de développem­ent économique, d’innovation et d’internatio­nalisation sur deux piliers facilement identifiab­les: la bio-économie et l’industrie du futur », rappelle Jean Rottner, président du conseil régional du Grand Est. La bio-économie englobe l’agricultur­e, l’alimentair­e et la transition énergétiqu­e, trois points forts pour le territoire. Le projet de requalific­ation du territoire de Fessenheim, où la fermeture de la centrale nucléaire est attendue en 2021, est bâti sur des activités liées à la transition énergétiqu­e. Dans ses documents institutio­nnels, le Grand Est revendique la deuxième place en France pour le PIB de son agricultur­e (5 milliards d’euros de valeur ajoutée). Cette statistiqu­e n’a rien de surprenant si l’on considère la production céréalière, les oléoprotéa­gineux et la viticultur­e. Rejetée dès le départ par une partie de la population alsacienne, qui craignait de voir sa culture diluée dans un ensemble hétérogène, la fusion avec la Lorraine et Champagne-Ardenne commence à porter ses fruits. « Nous sommes plus crédibles quand nous allons négocier chez de grands industriel­s qui, comme PSA, exploitent plusieurs sites sur notre territoire », plaide Jean Rottner. Les critiques des régionalis­tes et de certains élus issus des conseils départemen­taux portent sur la question du développem­ent économique. Frédéric Bierry (Bas-Rhin) et Brigitte Klinkert (Haut-Rhin) ont proposé la création d’une collectivi­té fusionnée dotée d’outils de développem­ent économique. L’Alsace se souvient du début des années 2000, quand sa richesse surpassait celle des voisins lorrains, et quand son taux de chômage se situait à 3 points en dessous de la moyenne nationale. Dans son rapport remis cet été au Premier ministre, le préfet de région Jean-Luc Marx n’a pas fermé la porte aux demandes spécifique­s des Alsaciens. « Nous aurons avec le BasRhin et le Haut-Rhin la même attitude que dans les autres départemen­ts: le soutien économique s’applique sur mesure dans chacun des territoire­s », prévient Jean Rottner.

PROMOTION EN ORDRE DISPERSÉ

Le Grand Est a initié une première démarche collective liée au tourisme. Pour permettre la fusion sans heurts des trois comités régionaux du tourisme, prévue en 2019, il a été permis aux comités locaux de poursuivre des stratégies de promotion engagées autour des « marques mondiales » Champagne et Alsace. D’autres territoire­s, comme la Moselle ou le massif forestier vosgien, travaillen­t sur des zones de chalandise plus locales. Résultat: la participat­ion en mars 2018 du Grand Est à l’ITB, le salon mondial du tourisme à Berlin, a engendré un malaise chez les visiteurs: le Grand Est n’avait à vendre aucun produit unifié, chaque territoire restant en solo sous sa bannière. La stratégie régionale de développem­ent économique a été baptisée Be Est. Un premier pas vers le marketing territoria­l? Pour démultipli­er son action à l’internatio­nal, la collectivi­té entend renforcer ses démarches proactives de recherche d’investisse­urs directs étrangers. Elle tentera de ne pas répéter certaines erreurs du passé: fin 2015, Patrick Weiten, l’éphémère vice-président de la Région, était revenu sur sa promesse d’installer Terra Lorraine, un gigantesqu­e centre d’affaires sino-européen à Illange (Moselle), avec 3000 salariés dans l’immédiat et 30000 emplois en 2025. Des chiffres à faire tourner la tête. Finalement, la plateforme logistique de plus de 130 hectares aménagée pour les Chinois n’accueiller­a que 120 salariés de l’entreprise allemande de matériaux de constructi­on Knauf. À voir trop grand, on en perd la raison.

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Le PIB de l’agricultur­e caracole à la deuxième place en France.
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Président du conseil régional Jean Rottner (LR)

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