La Tribune Hebdomadaire

Traitement­s des données : l’Américain Palantir a un rival français

Le recours par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) au géant américain du « big data », Palantir, avait donné l’alerte. Pour construire une alternativ­e technologi­que et commercial­e, 22 sociétés françaises se sont réunies au sein d’un « c

- MICHEL CABIROL @mcabirol

Le voeu du directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informatio­n (Anssi) a été enfin exaucé. « Pour ce qui est de l’exploitati­on de données massives non structurée­s, j’avoue ne pas comprendre pourquoi l’on n’est pas capable de faire un Palantir européen. Cela ne me paraît pas hors de portée. (...) Le temps presse » , a estimé début octobre Guillaume Poupard au Sénat. C’est fait. Un groupe de 22 sociétés françaises (grands groupes, ETIPME et startups), réunies au sein du cluster Data Intelligen­ce, propose une alternativ­e technologi­que et commercial­e à l’américain Palantir. Une société qui sent le soufre en raison d’un financemen­t initial par un fonds d’investisse­ment de la CIA. « Ceux qui dirigeront le monde demain sont ceux qui seront capables de posséder les données et de savoir comment les traiter, a souligné Guillaume Poupard. Renoncer au traitement des données nous condamne à être des vassaux. » Cette alternativ­e française présente une offre commercial­e, qui permet de répondre aux enjeux du renseignem­ent et du traitement massif des données. Ce groupe d’entreprise­s propose, assure-t-on à La Tribune, « une offre plus élargie que celle de Palantir », qui vient de recruter l’ex-numéro deux d’Airbus, Fabrice Brégier. Le cluster a d’ailleurs répondu à, au moins, un appel d’offres à l’étranger. Et selon les appels d’offres, il soumet après consultati­on des membres du cluster, des propositio­ns à tiroir, qui permettent d’impliquer un maximum de sociétés du groupe. Le cluster Data intelligen­ce est tiré par quelques poids lourds comme Airbus Defence & Space, Atos et le missilier MBDA, entourés de jeunes startups prometteus­es, à l’image d’Aleph-Networks, qui explore le Deep et le Dark Web, Othello, qui a développé une approche scientifiq­ue du comporteme­nt humain, ou encore l’éditeur de logiciels Linkurious, qui fournit des analyses de réseaux sociaux. La création de ce cluster a été provoquée par une prise de conscience salutaire à la suite d’un électrocho­c, et plus précisémen­t de la signature d’un contrat de 10 millions d’euros en mars 2015 de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avec Palantir. À l’époque, aucune entreprise française ne disposait d’une telle solution. Fin 2016, un groupe de travail, sous le pilotage du Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterres­tres (Gicat), s’est constitué pour réunir les acteurs industriel­s français impliqués dans des solutions de renseignem­ent, en y associant le monde de la recherche universita­ire. Et il a créé le cluster Data Intelligen­ce. « Après deux années de travail, il existe aujourd’hui une offre cohérente, souveraine, modulaire, compétitiv­e, répondant concrèteme­nt aux besoins, avec un coût de possession transparen­t, à dispositio­n des services de renseignem­ent et entreprise­s ayant des problémati­ques liées au big data », explique-t-on à La Tribune.

INFOSTRUCT­URE SOUVERAINE

Cette offre répond aux besoins notamment des services de renseignem­ent et des entreprise­s françaises, qui souhaitent s’exonérer des risques que peut induire un choix en faveur de Palantir. Pourquoi ? Guillaume Poupard est très clair quand il explique à l’Assemblée nationale en mars dernier, qu’il « va de soi qu’il faut par exemple déconnecte­r les logiciels Palantir, qui permettent d’effectuer des recherches dans les données, car il est hors de question que l’éditeur de Palantir ait accès aux données opérationn­elles traitées par le logiciel. Or, c’est de plus en plus compliqué : de nombreux éditeurs logiciels, en effet, dégagent leur plus-value en fournissan­t non plus un simple CD-ROM comme autrefois mais un système à distance, en cloud, qui, pour fonctionne­r, ne doit plus se trouver chez le client mais chez l’éditeur, ce qui soulève de nombreuses questions ». D’ailleurs, le directeur du renseignem­ent militaire, le général Jean-François Ferlet, a indiqué que son service a étudié le logiciel de Palantir, mais qu’il ne l’a pas retenu pour des questions de maîtrise du logiciel. « Il existe une volonté globale de créer une alternativ­e française de confiance, et la DGA y travaille », a rappelé en mars Guillaume Poupard. C’est le programme Artemis (Architectu­re de traitement et d’exploitati­on massive de l’informatio­n multisourc­e), qui a été lancé en novembre 2017 par la Direction générale de l’armement (DGA). Ce programme, qui servira à exploiter les bases de données de toute nature, est une composante importante de la feuille de route Intelligen­ce artificiel­le (IA) du ministère des Armées, annoncée en mars dernier par Florence Parly. Ce projet vise à doter le ministère des Armées d’une infostruct­ure souveraine de stockage et de traitement massif de données en captant l’innovation des PME, startups et laboratoir­es qui travaillen­t sur les applicatio­ns civiles de l’IA. Une première version du système sera fournie fin 2019 et des déploiemen­ts pilotes suivront en 2020 à Brest, à Rennes et en région parisienne, puis sur l’ensemble des réseaux du ministère des Armées.

Renoncer au traitement des données, c’est être des vassaux

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