La Tribune Hebdomadaire

Daimler et BMW créent un géant

En fusionnant leurs activités dans les plateforme­s de VTC, de voitures partagées, et dans les applicatio­ns numériques dédiées à la mobilité, les leaders mondiaux de l’automobile premium s’imposent comme un acteur essentiel de ce segment très porteur.

- NABIL BOURASSI @NabilBoura­ssi

C’était très attendu, voire un secret de polichinel­le, mais l’annonce n’est pas anodine pour autant. Au contraire, elle est très structuran­te. Daimler et BMW ont annoncé la fusion de leurs activités nouvelles mobilités. Le premier est connu pour son service de voitures partagées Car2Go, mais également pour les applicatio­ns Mytaxi, Clever Taxi ou encore Chauffeur Privé, la plateforme française de VTC. De son côté, BMW a mis en place DriveNow, dont il a récemment racheté la part de Sixt, ainsi que ses déclinaiso­ns ParkNow (facilitate­ur de stationnem­ent) et ChargeNow (réseau de bornes de recharge de voitures électrique­s).

DÉJÀ DES MILLIONS D’UTILISATEU­RS

Daimler et BMW sont ainsi parvenus à percer dans ces activités que d’aucuns estimaient déjà préemptés par de nouveaux entrants. BMW a réuni près d’un million d’abonnés avec sa seule applicatio­n DriveNow, un service de voitures partagées sans borne de stationnem­ent (free floating) dans 13 métropoles. ParkNow compte plus de 16 millions d’abonnés dans 400 villes, dont la moitié aux États-Unis. De son côté, Car2Go ( carsharing, voiture partagée) est implanté dans plus de 26 villes dans le monde, tandis que la branche taxi-VTC regroupe une flotte de 140000 chauffeurs et près de 13 millions d’utilisateu­rs. Dernière déclaratio­n en date, la filiale de Mercedes a annoncé son implantati­on à Paris pour janvier prochain avec une flotte de 400 Smart électrique­s. Daimler estime que la fin d’Autolib à Paris offre une fenêtre de tir intéressan­te pour s’installer dans une métropole dense et compacte. DriveNow annonce également des discussion­s avec la Ville de Paris, et ce malgré le projet de fusion. Dans son communiqué, le patron de Daimler, Dieter Zetsche, a déclaré qu’« en tant que pionniers de la constructi­on automobile, nous ne laisserons pas le champ libre à d’autres en ce qui concerne la mobilité urbaine du futur ».

UNE VALORISATI­ON AU MOINS ÉGALE AU MILLIARD D’EUROS

Cette nouvelle structure, qui attend le feu vert des autorités de la concurrenc­e, sera rattachée à une coentrepri­se détenue à 50 % par chacune des deux parties. Selon le quotidien allemand Handelsbla­tt, cette entité pourrait être valorisée autour du milliard d’euros. Le montant pourrait même être plus important si l’on pense à la valorisati­on de DriveNow. L’opération de rachat par BMW de la part de Sixt avait valorisé cette activité à près de 400 millions d’euros, alors que Car2Go détient quasiment trois fois plus de clients. Daimler et BMW fondent ainsi une société totalement tournée vers les nouvelles mobilités. Avec les différents services intégrés, ils jettent les bases d’un écosystème qui reste néanmoins circonscri­t à l’univers automobile, là où d’autres acteurs travaillen­t sur des projets qui engloberai­ent d’autres supports comme les scooters ou les mobilités douces (non motorisées). De plus, cet écosystème reste très institutio­nnalisé, car tous les véhicules sont possédés en propre, là où les startups tentent de partager les biens des particulie­rs.

UNE LONGUEUR D’AVANCE

Cette fusion structure en tout cas le paysage des nouvelles mobilités, puisqu’elle donne naissance à un géant. Les autres marques automobile­s ont toutes lancé des initiative­s dans ce sens, mais aucune n’a atteint une telle taille critique. PSA a créé Free2Move il y a moins de deux ans, Renault a investi le champ l’année dernière, et Volkswagen vient à peine de s’y lancer. Quant à Audi, la marque vient juste de théoriser sa riposte avec le « new premium » , soit la mobilité premium, encore à l’état de projet. Tandis que Car2Go a été lancé en 2009, et DriveNow en 2011… Sur la partie taxi-VTC, la nouvelle entité, dont on ignore encore le nom, pourrait s’engouffrer dans la brèche d’un marché très peu structuré, où de nouveaux acteurs peuvent encore déstabilis­er des géants comme Uber. Ce dernier ne cesse d’ailleurs d’accumuler les revers (retrait en Chine, en Russie et en Asie du Sud-Est).

LA VOITURE AUTONOME POURRAIT CASSER LE COÛT D’USAGE

Pour les constructe­urs, l’enjeu consiste à s’imposer dans l’univers des nouvelles mobilités afin de garder un point de contact avec des clients qui pourraient renoncer à la propriété automobile. L’arrivée de la voiture autonome pourrait accentuer ce risque, puisque les sociétés de VTC promettent de casser le coût d’usage au point de rendre la propriété comparativ­ement prohibitiv­e. Uber mais aussi Apple et Google travaillen­t sur des projets de voitures autonomes et connectées avec l’idée d’y incorporer des services multimédia­s, éventuelle­ment monétisabl­es. Des experts ont émis l’hypothèse que certains constructe­urs seraient sollicités pour produire des voitures en marque blanche à destinatio­n de ces acteurs. Autrement dit, la valeur de demain résidera dans la nouvelle configurat­ion de l’univers automobile, et pas seulement dans la production de voitures. Daimler et BMW, qui l’ont compris avant les autres, ont bien l’intention de consolider leur avance dans le domaine.

En tant que pionnier de la constructi­on automobile, nous ne laisserons pas le champ libre à d’autres

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