Comment financer la voiture électrique sans y laisser des plumes ?
Pour les flottes ou les particuliers, l’équation économique de la voiture électrique est complexe. Le « leasing » permet toutefois de résoudre une partie du problème en jouant sur tous les leviers du coût global. Mais, même dans cette configuration, la su
Trop chère, la voiture électrique? Oui et non! Et ce n’est pas une réponse de Normand. Car, il y a encore peu de temps, la réponse était oui sans équivoque. Il suffisait de regarder le prix d’une Renault Zoé, la voiture électrique la plus vendue en Europe : son prix nominal tournait autour de 24 000 euros, contre 13000 euros pour une Renault Clio. Même en comptant les primes gouvernementales (en France, celle-ci peut atteindre 10000 euros, et se monte au minimum à 6000 euros), la Zoé restait substantiellement plus chère. Pour atténuer le choc tarifaire, Renault avait décidé, dès le lancement de sa citadine électrique, de la vendre sans ses batteries, et de faire louer ces dernières aux clients. Cette location a baissé au même rythme que le coût des batteries. Au lancement, Renault visait un budget qui ne dépassait pas la consommation carburant d’un ménage moyen. La location était alors de 79 euros par mois. Celle-ci est passée à moins de 40 euros pour des batteries deux fois plus performantes. Mais tout ça, c’était l’ancien monde de la voiture électrique. Les constructeurs automobiles ont décidé de refaçonner le modèle tarifaire de ce type de véhicule. Dans la présentation de sa stratégie d’électrification, mi-septembre, le groupe PSA a indiqué qu’il concentrerait sa communication sur la valeur d’usage de la voiture électrifiée, c’est-à-dire en prenant en compte tous les éléments constitutifs du coût global d’une voiture. Cela comprend bien sûr le prix d’achat, mais également celui de la maintenance et du carburant. Dans ces conditions, l’équation économique n’est plus du tout la même. La voiture électrique signifie la fin de toute une série d’équipements qui sont autant de sources de maintenance et donc de coûts. D’après l’Avere France (Association nationale pour le développement de la mobilité électrique), dans une voiture électrique, la vidange d’huile n’est plus nécessaire. Il faut également oublier la boîte de vitesses (le passage de rapport sur les voitures électriques est par nature automatique), l’embrayage et les plaquettes de frein, qui sont moins sollicitées grâce au système de récupération d’énergie. Sans parler de tous les systèmes de contrôle des émissions de gaz polluants… Cette équation vertueuse est renforcée par la hausse des prix du carburant, contre laquelle la voiture électrique est totalement immunisée. Selon une étude UFCQue choisir publiée le 10 octobre, le coût en énergie s’élève à 188 euros par an pour une voiture électrique, contre 1 181 euros pour un moteur diesel et 1461 euros pour un essence. Après prise en compte de tous les coûts, l’association de consommateurs a estimé que « le coût total d’un véhicule électrique est plus faible que celui d’un diesel » de 3 % et que celui d’un essence de 5 % « à partir de quatre ans de possession ». Ce postulat intéresse grandement les loueurs longue durée, dont le modèle économique est justement fondé sur ce fameux coût d’usage, ou TCO (Total Cost of Ownership). En début d’année, le loueur néerlandais LeasePlan avait annoncé qu’en 2030, toutes les mises à la route seraient des voitures zéro émission afin de se positionner sur une expertise dans la mobilité soutenable. Plus récemment, c’est Public LLD qui s’est lancé dans le défi de la voiture électrique. La filiale d’Arval dédiée aux flottes publiques a mis au point une offre de location longue durée de voitures électriques à prix compétitifs.
LE GISEMENT DE CROISSANCE DES FLOTTES PUBLIQUES
« Notre démarche a été d’élaborer un programme de modernisation qui permette d’offrir une flotte électrifiée au même prix que le thermique », explique à La Tribune Stéphane Spitz, directeur général de Public LLD. Selon lui, le marché des flottes publiques représente un important gisement de croissance pour le marché de la voiture électrique. « Le parc des acteurs publics représente environ 450 000 voitures au total, encore majoritairement diesel et âgées en moyenne de 7 à 10 ans. Notre premier constat, c’est l’obsolescence de ce parc au regard des évolutions technologiques récentes et des enjeux environnementaux. Et paradoxalement, les voitures électrifiées n’ont représenté qu’entre 5 et 7 % du renouvellement de ces flottes. C’est très en dessous des objectifs voulus par le gouvernement, alors que tous les signaux sont au vert pour accélérer cette transition énergétique. » Les signaux au vert, c’est bien entendu une offre de plus en plus fournie, que ce soit sur les citadines, les compactes, ou même les utilitaires légers. C’est également une amélioration du point de vue de l’autonomie des voitures qui ne cesse de progresser, passant de moins de 200 km à plus de 300 km. Les loueurs estiment désormais que les voitures électriques ont franchi un seuil qui permet de couvrir jusqu’à 80 % des besoins de mobilité quotidiens, que ce soit pour les particuliers ou les entreprises. Toutefois, le modèle économique est encore fragile, comme le rappelle l’UFCQue choisir. Sans le « bonus de 6000 euros à l’achat », la voiture électrique « ne serait pas rentable », écrit l’association de consommateurs. Public LLD a d’ailleurs dû agir sur plusieurs leviers pour que l’équation soit financièrement pertinente. Au‑delà des gains sur la structure de coûts de la voiture électrique, le loueur a inscrit cette nouvelle offre dans une démarche de voiture partagée afin de réduire le nombre total de voitures. « Nous avons démontré que la mutualisation permet de réduire de 20 % le nombre de voitures », justifie Stéphane Spitz. Chez LeasePlan, on estime que le renversement du paradigme économique va s’accélérer à l’avenir. « Les modifications apportées aux motorisations thermiques afin de les rendre compatibles avec la norme de pollution Euro 6c vont ren chérir les prix des modèles thermiques et provoquer une hausse de leur TCO », explique Jean-Loup Savigny, directeur commercial et marketing de LeasePlan France.
INTÉGRER L’USAGE À L’ÉQUATION ÉCONOMIQUE
En attendant, il est urgent de se positionner. Public LLD estime être « dans une démarche d’accompagnement pour atteindre un seuil vertueux qui permettra à la filière de se structurer et de baisser ses coûts ». Autrement dit, le loueur est prêt à rogner sur ses marges pourvu qu’il se positionne sur ce marché. Il estime d’ailleurs qu’un « parc de 100000 voitures est à portée de main, soit presque dix fois plus, pour les seules flottes publiques, que les 15000 voitures électriques immatriculées au premier semestre sur tout le territoire ». Pour l’instant, la voiture électrique devient compétitive, mais elle dépend encore largement des subventions publiques, ce qui induit deux contraintes : elle est soumise à une dimension politique, et sa situation est différente selon les pays, en fonction des dispositifs mis en place. Dans ces conditions, l’achat en leasing pourrait devenir la solution la plus compétitive et la plus maligne pour ce véhicule. Ce faisant, ce dernier pourrait accélérer une tendance de fond qui consiste à intégrer l’usage dans l’équation économique. « C’est inéluctable », affirme Stéphane Spitz de Public LLD.