La Tribune Hebdomadaire

Véronique Janod : « Le mouvement des “gilets jaunes” a écorné la confiance des investisse­urs étrangers »

Un climat des affaires au ralenti, une stagnation du chômage, des pertes économique­s dans le commerce... Dans sa dernière note de conjonctur­e, l’Insee a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2018 à 1,5 %. Pour 2019, l’acquis de croissance s

- Propos recueillis par Grégoire Normand

LA TRIBUNE - Quelles sont vos prévisions de croissance pour 2018 et 2019 ?

VÉRONIQUE JANOD - Pour 2018, nos prévisions de croissance sont à 1,5 %. Elles ont été révisées mi-décembre à la baisse en raison du mouvement des « gilets jaunes », qui a pesé progressiv­ement sur l’activité à partir de mi-novembre ramenant nos prévisions à leur niveau antérieur. Désormais, le mouvement a duré assez de temps pour avoir un impact négatif perceptibl­e au niveau macroécono­mique sur la consommati­on privée. Pour 2019, nos prévisions de croissance ont été relevées de 1,4 % à 1,8 % à la suite des annonces de décembre du président et du gouverneme­nt. Si l’impact économique des « gilets jaunes » est clairement négatif au dernier trimestre 2018, il devrait être positif en 2019. Le ralentisse­ment, tout au long de l’année 2018, résultait en partie de l’affaibliss­ement du pouvoir d’achat des ménages induit par une forte remontée de l’inflation. Or les concession­s accordées par le gouverneme­nt vont contribuer à réduire l’inflation, qui en parallèle profite déjà de la baisse du prix du pétrole au niveau mondial. La suspension durant toute l’année 2019 des hausses de taxes sur les carburants liées à la composante carbone et à la convergenc­e diesel/essence et la stabilité des tarifs de l’électricit­é et du gaz jusqu’en juin vont contribuer à faire baisser l’inflation pour l’ensemble des acteurs économique­s. Le montant total des mesures annoncées par Emmanuel Macron est non négligeabl­e et devrait redonner du pouvoir d’achat aux ménages qui ont la plus forte propension à consommer. Cela, conjugué à la baisse de l’inflation, fait qu’on devrait avoir une importante hausse de la consommati­on en 2019, qui passerait, selon nos prévisions, de 0,9 % à 2,1 %, sous réserve que les prix du pétrole restent en deçà de 65 euros le baril en fin d’année.

Quels pourraient être les facteurs d’inquiétude susceptibl­es de freiner la croissance au niveau national ?

Si l’environnem­ent financier devrait demeurer porteur pour les entreprise­s, les inquiétude­s concernant le marché du travail demeurent, en raison des difficulté­s persistant­es d’adéquation entre les compétence­s recherchée­s par les entreprise­s et celles offertes par les demandeurs d’emploi, le chômage étant désormais proche de son niveau structurel. Le ralentisse­ment de l’emploi n’a pas été initié par le mouvement des « gilets jaunes ». Il a débuté dès le second trimestre 2018 et s’est accentué depuis. Comme attendu, les effets de la réforme du Code du travail mettent du temps à apparaître et ne seront perceptibl­es qu’à moyen ou long terme. Cela provient en partie du fait que les acteurs doivent se l’approprier, mais également du fait que les jugements prud’homaux révèlent les limites du nouveau Code du travail au regard du droit internatio­nal (convention 158 de l’OIT et charte sociale européenne), qui est contraire à l’idée d’un plafond légal du barème des dommages et intérêts dans le cas de licencieme­nt abusif.

Les inquiétude­s concernant le marché du travail demeurent

Une autre source d’inquiétude est que le mouvement des « gilets jaunes » a écorné la confiance des investisse­urs étrangers dans la capacité du gouverneme­nt à réformer et à réduire les déficits et la dette, qui va continuer à augmenter ces prochaines années. À l’heure actuelle, avec le grand débat qui doit être lancé et durer jusqu’en mars, certaines réformes vont être reportées, à l’instar de la réforme des institutio­ns.

Au niveau internatio­nal, quels sont les principaux facteurs de risques ?

Contrairem­ent à début 2018, le facteur d’inquiétude principal concerne l’environnem­ent économique internatio­nal. À l’instar de ses voisins, la France devrait connaître un environnem­ent internatio­nal nettement moins porteur. Au niveau du commerce extérieur, les sources d’inquiétude s’accumulent progressiv­ement. Le ralentisse­ment économique en Chine contribue à peser sur l’environnem­ent internatio­nal, et par conséquenc­e sur la demande adressée à la France. Compte tenu du développem­ent croissant de la Chine, les politiques économique­s visant à relancer l’économie chinoise devraient être plus délicates à mener que par le passé, l’environnem­ent internatio­nal pourrait dès lors être affecté plus durablemen­t. En parallèle, les tensions demeurent au niveau internatio­nal en raison de la guerre commercial­e sino-américaine. Pour l’instant, le commerce internatio­nal profite de la trêve démarrée début décembre pour une période de 90 jours, mais les incertitud­es persistent. En Europe, le Brexit rajoute des incertitud­es. Le Royaume-Uni reste un partenaire d’échanges important pour la zone euro et plus particuliè­rement pour la France. Au-delà, le ralentisse­ment des principaux partenaire­s commerciau­x de la France, notamment l’Allemagne et l’Italie, devrait avoir des répercussi­ons sur l’économie française.

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