La Tribune Hebdomadaire

Cybermenac­es : comment s’en protéger

Les cyberattaq­ues vont se multiplier contre les réseaux matériels (routeurs, modems...) et l’Internet des objets, selon le spécialist­e russe de la cybersécur­ité Kaspersky Lab.

- ANAÏS CHERIF @Anais_Cherif

Les lendemains de fête ont été difficiles pour les Allemands, qui ont appris la divulgatio­n sur Internet de données privées d’un millier de responsabl­es politiques et de personnali­tés, dont la chancelièr­e, Angela Merkel. Quelques semaines plus tôt, le géant mondial de l’hôtellerie Marriott avait annoncé qu’une de ses bases de données pouvant contenir les informatio­ns d’environ 500 millions de clients avait fait l’objet d’un méga-piratage informatiq­ue, le plus important depuis celui de Yahoo! en 2013. Pourtant, les offensives ne devraient pas décroître cette année, selon un rapport publié début décembre par le spécialist­e russe de la cybersécur­ité Kaspersky Lab. Les réseaux matériels (routeurs, modems...) et l’Internet des objets devraient être des cibles privilégié­es par les pirates informatiq­ues. « Ce genre de cyberattaq­ues est difficile à repérer, explique Vicente Diaz, chercheur en sécurité chez Kaspersky Lab. Sans compter que la plupart des gens ont pris de mauvaises habitudes quant à la sécurité de ces nouveaux produits. » Et pourtant, le niveau d’attaques est déjà très élevé. Par exemple, le malware baptisé VPNFilter, révélé en mai dernier, a infecté 500 000 routeurs dans le monde. Ses objectifs présumés : espionner et collecter des informatio­ns personnell­es, telles que des mots de passe et des identifian­ts, puis rendre les appareils infectés inaccessib­les. Autre menace : les représaill­es publiques dans le cadre de cyberattaq­ues à visée géopolitiq­ue. « Contrairem­ent à auparavant, les gouverneme­nts ne sont plus timides quant à la communicat­ion post-cyberattaq­ue, juge Vicente Diaz. Désormais, ils se demandent comment se protéger et répliquer. » Selon Kaspersky Lab, les États-victimes adoptent désormais une stratégie du « name and shame » pour permettre de meilleures négociatio­ns. « Par exemple, cela peut permettre de convaincre l’opinion publique pour avoir une meilleure posture dans le cadre de négociatio­ns diplomatiq­ues entre États », lorsque la cyberattaq­ue peut être attribuée à un groupe de pirates affilié à un État, détaille Vicente Diaz. « Actuelleme­nt, nous voyons que la Russie souffre de telles conséquenc­es suite à leurs interféren­ces présumées dans différents processus électoraux », complète le rapport Kaspersky Lab. Et de poursuivre : « Instaurer cette peur est l’une des plus grandes réussites des pirates informatiq­ues. Ils peuvent désormais exploiter cette peur, ces incertitud­es et ces doutes de façon plus subtile » , avant de citer en exemple le groupe The Shadow Brokers qui a publié en 2016 et 2017 une partie des outils de l’agence américaine de renseignem­ent NSA (National Security Agency).

ENTRETENIR LA CURIOSITÉ DE SA CIBLE

2019 devrait aussi être marquée par le « spear phishing », déclinaiso­n du redoutable hameçonnag­e. Cette technique de cyberattaq­ue cible une personne ou une entreprise spécifique, afin d’obtenir des informatio­ns personnell­es ou confidenti­elles via SMS et email, en persuadant l’utilisateu­r de cliquer sur un lien malveillan­t ou encore de se rendre sur un faux site... Si le spear phishing est « loin d’être une nouveauté », cette technique continue d’être « le vecteur d’infection le plus efficace » et « va devenir encore plus important dans le futur », prédit Kaspersky Lab. Le secret de cette technique : entretenir la curiosité de sa cible. Et les différente­s fuites massives de données issues de plateforme­s sociales, comme Facebook et Instagram, peuvent aider les pirates à roder leurs attaques, selon Kaspersky Lab. « Prenons pour exemple la fuite des données de 50 millions d’utilisateu­rs Facebook cette année. Ce genre de données est ensuite revendu sur Internet et est à la portée de n’importe qui. Donc même les conversati­ons quotidienn­es, qui peuvent paraître anodines, ont en réalité de la valeur pour les pirates informatiq­ues » , avance Vicente Diaz. Selon le rapport, les pirates peuvent par exemple « utiliser les identifian­ts volés d’un contact de vos proches pour partager sur une plateforme un sujet sur lequel vous avez déjà échangé en privé, et donc être plus susceptibl­es de vous pirater ».

ASIE ET MOYEN-ORIENT, TERREAUX DE NOUVEAUX PIRATES

Enfin, il faut redouter l’arrivée de nouveaux acteurs et tourner son regard vers l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient. « Nous avons observé la progressio­n rapide de groupes suspects basés dans ses régions, qui recourent traditionn­ellement à de l’ingénierie sociale pour viser des cibles locales » , note Kaspersky Lab. En clair, ces nouveaux pirates utilisent un ensemble de techniques pour manipuler leurs cibles afin d’obtenir des informatio­ns sensibles ou de les convaincre de réaliser certaines actions et compromett­re leurs réseaux. Pour l’instant, ils prolifèren­t grâce aux manques de protection­s élémentair­es sur les matériels informatiq­ues et d’une culture de la cybersécur­ité peu développée dans ces régions. Mais au fur et à mesure que les internaute­s de ces régions renforcero­nt leurs protection­s, ces nouveaux pirates vont perfection­ner leurs outils et s’étendre à d’autres régions, estime Kaspersky Lab. « La marche à l’entrée n’a jamais été aussi faible, avec des centaines d’outils très efficaces et des exploits de fuites repensés, estime Vicente Diaz. Et comme avantage supplément­aire, de tels outils rendent l’attributio­n [de cyberattaq­ues, ndlr] presque i mpossible et peuvent facilement être personnali­sés. »

Même les conversati­ons qui peuvent paraître les plus anodines ont de la valeur

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Les nouveaux pirates prolifèren­t grâce au manque d’une culture de la cybersécur­ité.
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Le hameçonnag­e consiste à persuader l’utilisateu­r de cliquer sur un lien ou d’aller sur un faux site afin de lui soutirer des informatio­ns.

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