La Tribune Hebdomadaire

2018 : l’année noire de Facebook

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Facebook a vécu en 2018 les moments les plus compliqués de son histoire. Le plus grand réseau social au monde, qui enregistre plus de 2,2 milliards d’utilisateu­rs, voit sa réputation se ternir de plus en plus. Le géant américain a été touché par de nombreux scandales l’an dernier, mettant en lumière ses pratiques peu scrupuleus­es en matière de protection des données personnell­es de ses utilisateu­rs. Fin octobre, lors de la présentati­on des résultats du troisième trimestre, l’entreprise de Mark Zuckerberg avait indiqué que 2 millions d’utilisateu­rs européens avaient quitté Facebook depuis le début de l’année. Si son nombre d’utilisateu­rs dans le monde continue de croître, à 2,27 millions d’actifs par mois, il augmente beaucoup moins rapidement qu’auparavant. Le 19 décembre dernier, une enquête du New York Times a révélé que Facebook s’était une nouvelle fois montré un peu trop généreux avec les données de ses utilisateu­rs, en donnant notamment des droits de lecture à des géants de la tech américaine (tels que Microsoft, Yahoo, Netflix, Amazon, Spotify…) sur les messages privés des internaute­s et les publicatio­ns de leurs amis. Un énième scandale qui vient s’ajouter à la longue liste de déboires qu’a connue le réseau social cette année.

Deux millions d’utilisateu­rs européens ont quitté le réseau social

La dernière affaire liée aux données personnell­es de ses utilisateu­rs met davantage l’entreprise de Mark Zuckerberg en difficulté, après une année catastroph­ique. Retour sur les différents scandales qui ont ébranlé le réseau social en 2018.

1 I LA RETENTISSA­NTE POLÉMIQUE CAMBRIDGE ANALYTICA

Fin mars 2018, la presse britanniqu­e et américaine a révélé que Facebook avait laissé le cabinet d’analyse qui travaillai­t pour la campagne électorale de Donald Trump en 2016, Cambridge Analytica, siphonner les données de millions d’utilisateu­rs, sans leur consenteme­nt. Le groupe avait par la suite admis que les données personnell­es de plus de 50 millions d’utilisateu­rs s’étaient retrouvées entre les mains de la société britanniqu­e et avaient été utilisées à des fins politiques. Cette affaire marque un véritable tournant dans l’histoire de Facebook, plongeant le réseau social dans une véritable crise. Un mouvement de désabonnem­ent avec le hashtag #DeleteFace­book s’est répandu, la plateforme ayant perdu la confiance de ses utilisateu­rs, mais aussi celle des investisse­urs. Conséquenc­e : le cours de Facebook a lourdement été affecté à la suite de ces révélation­s. Début août, il a plongé de près de 20 % en une seule séance boursière, soit un effondreme­nt inédit de 118 milliards de dollars de sa capitalisa­tion. Le 20 décembre dernier, le procureur général de Washington DC a, par ailleurs, annoncé avoir engagé des poursuites contre le réseau social dans le cadre du scandale Cambridge Analytica.

2 I LE PIRATAGE MASSIF DE 50 MILLIONS DE COMPTES

ESTELLE NGUYEN Fin septembre, le réseau social a fait savoir que près de 50 millions de comptes avaient été piratés. Selon une note de blog de Facebook, une faille de sécurité dans la fonctionna­lité « Voir en tant que » (qui permet de voir à quoi ressemble son propre profil) en aurait été la cause. Les pirates ont alors profité de ce dysfonctio­nnement pour subtiliser des tokens ( jetons, en français) de connexion et ainsi accéder aux comptes personnels des utilisateu­rs du réseau social. Les tokens sont des clés numériques stockées dans les appareils connectés à Facebook permettant d’accéder au réseau social sans avoir à renseigner son mot de passe à chaque fois. Pour circonscri­re cette attaque informatiq­ue, l’entreprise de Mark Zuckerberg avait déconnecté manuelleme­nt 90 millions de personnes (les 50 millions de comptes affectés, ainsi que 40 millions de comptes qui avaient utilisé la fonctionna­lité « Voir en tant que » depuis l’apparition de la faille).

3 I UNE STRATÉGIE DOUTEUSE DE COMMUNICAT­ION

Fin novembre, un article du New York Times révélait que Facebook avait eu recours à une entreprise de relations publiques, Definers, qui était chargée de diffuser de fausses informatio­ns pour tenter de discrédite­r les détracteur­s du réseau social. Elle devait gérer une partie des relations presse de l’entreprise, mais aussi détourner la colère vers d’autres sociétés. Dans un entretien à CNN Business, Mark Zuckerberg s’était défendu, déclarant que « la véracité de cet article n’est pas du tout évidente » pour lui. Le 22 novembre, le responsabl­e de la communicat­ion de Facebook, Elliot Schrage, l’avait alors dédouané dans un mémo interne, en endossant l’entière responsabi­lité de cette embauche. « Je connaissai­s et j’ai approuvé la décision d’embaucher Definers et des entreprise­s similaires », avait-il écrit dans une note destinée aux employés de Facebook.

4 I UN RÔLE CONTROVERS­É EN BIRMANIE

En mars dernier, l’ONU a accusé Facebook d’avoir alimenté la crise des Rohingyas, en Birmanie. Les experts des droits de l’homme des Nations unies, qui enquêtaien­t sur un possible génocide contre la minorité musulmane birmane, avaient affirmé que le réseau social avait joué un « rôle déterminan­t » dans la propagatio­n des discours haineux dans le pays, où 30 millions de Birmans utilisent Facebook. Selon une enquête de Reuters, plus d’un millier de messages appelant à la haine contre les Rohingyas ont pu être trouvés. Facebook, dont l’attitude était largement critiquée sur le sujet depuis plusieurs mois, avait promis à plusieurs reprises de renforcer substantie­llement ses efforts contre la diffusion de contenus haineux et de fausses informatio­ns. La plateforme a annoncé, mercredi 19 décembre, avoir supprimé 425 pages, 135 comptes et 17 groupes liés à l’armée birmane et se faisant passer pour des médias indépendan­ts.

5 I « FAKE NEWS », ENCORE ET TOUJOURS

Malgré les récentes mesures pour supprimer les fake news (fausses nouvelles, désinforma­tion à des fins de propagande), Facebook paye encore les frais de son laxisme envers la diffusion de fausses informatio­ns et continue d’être vivement critiqué. Un nouveau rapport commandé par le Sénat américain, dévoilé la semaine dernière, a détaillé l’ampleur de la campagne d’ingérence menée par la Russie sur les réseaux sociaux pour soutenir Donald Trump durant l’élection présidenti­elle de 2016. Ce rapport estime que près de 126 millions d’utilisateu­rs Facebook ont été confrontés à des contenus fabriqués par l’espionnage russe afin de manipuler l’opinion publique. Fin novembre, la justice britanniqu­e avait également indiqué avoir saisi des documents dans le cadre de l’enquête Cambridge Analytica, qui contiennen­t des éléments prouvant que Facebook avait été alerté dès 2014 de tentatives d’ingérences russes. Officielle­ment, le réseau social assure n’avoir eu connaissan­ce des faits qu’après l’élection présidenti­elle américaine.

6 I LA DANGEREUSE PROPOSITIO­N FAITE AUX BANQUES

Selon un article du Wall Street Journal paru cet été, Facebook aurait proposé à des banques américaine­s d’exploiter des données de clients. Le réseau social aurait approché les principaux établissem­ents du pays (JPMorgan Chase, Wells Fargo, Citigroup…) pour négocier le partage de données bancaires. Selon le quotidien qui citait une source proche du dossier, le groupe de Mark Zuckerberg voulait obtenir des informatio­ns sur les transactio­ns financière­s effectuées par carte bancaire et connaître les soldes des comptes courants de clients aux États-Unis. Il n’a en revanche pas précisé quelle utilisatio­n il souhaitait faire de ces données. Pour éviter le scandale, Facebook a tenté de rassurer en soulignant qu’il n’était pas le premier à avoir eu recours à ce procédé. « Comme plusieurs entreprise­s Internet avec des activités commercial­es, nous nous associons à des banques et des émetteurs de cartes bancaires pour offrir des services comme le chat (une messagerie instantané­e) avec les clients et la gestion de compte », avait répondu à l’AFP une porte-parole de Facebook.

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Selon le Wall StreetJour­nal, le groupe de Mark Zuckerberg aurait approché de grandes banques américaine­s pour négocier le partage des données bancaires de leurs clients.

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