La Tribune Hebdomadaire

L’Europe résistera-t-elle face au risque populiste ?

- R. J.

2019 sera pour l’Union européenne une année d’élections. On votera pour renouveler le Parlement européen entre les 23 et 26 mai, élections dont découleron­t un nouvel exécutif à la Commission de Bruxelles, le président étant élu par les députés européens, et le nom du successeur de l’italien Mario Draghi à la tête de la BCE. Ce sera surtout un test grandeur nature sur la perception qu’ont les Européens de l’UE, après le départ des députés britanniqu­es, en raison du Brexit, et la montée des mouvements populistes, illustrée de façon inattendue par le puissant mouvement des « gilets jaunes » en France. Longtemps dominé par deux blocs, les conservate­urs d’un côté, les sociaux-démocrates de l’autre, le nouvel équilibre sera à chercher dans le compromis entre les élus qui se retrouvero­nt sur une ligne d’opposition aux euroscepti­ques et aux populistes, dont le nombre de députés devrait être plus important. Cette nouvelle donne a pris un tour spectacula­ire en France, deuxième économie de l’UE, dont la croissance est prévue à 1,7 % cette année. Salué internatio­nalement, Emmanuel Macron, élu sur un programme de réformes d’inspiratio­n libérale défendant une ligne européenne, bat des records d’impopulari­té. En à peine dix-huit mois, il a perdu une large part de son crédit, mis à mal par le mécontente­ment des « gilets jaunes ». Sans marge de manoeuvre, et ayant déjà concédé 10 milliards d’euros de dépenses publiques, le jeune président français n’a pas d’autre choix que de poursuivre ses réformes, notamment celles des retraites et de l’assurance-chômage, s’il ne veut pas perdre les 20 % d’électeurs qui le soutiennen­t encore. En cas de blocage, il pourra dissoudre l’Assemblée et provoquer de nouvelles élections pour savoir quelle orientatio­n les Français veulent aujourd’hui. Le contre-exemple est l’Italie. La troisième économie européenne est dirigée par une coalition inédite formée par la Ligue, classée à l’extrême droite, et le mouvement populiste 5 étoiles. Mais l’épreuve de force entre Rome et Bruxelles sur le budget italien a finalement débouché sur un accord à la midécembre, l’Italie acceptant d’ajourner certaines mesures phares, comme la réforme des retraites et le revenu de citoyennet­é, pour éviter la procédure d’infraction. Le déficit public devrait être ramené à 2,04 % du PIB contre 2,4 % initialeme­nt prévu. Surtout la dette, qui atteint un record de 130 % du PIB, ne s’aggravera pas. Mais ce gouverneme­nt bute sur la croissance, qui devrait atteindre à peine 1 % cette année. Plus inquiétant, l’Allemagne, la référence européenne par excellence, pourrait subir des revers. Son modèle économique fondé sur les exportatio­ns est pénalisé par les difficulté­s de certains de ses clients importants comme la Chine, l’Italie ou la Turquie, auxquelles s’ajoute la menace des États-Unis d’imposer des droits de douane plus élevés sur ses importatio­ns d’automobile­s. De fait, sa croissance a ralenti fortement (elle a été révisée de 2,5 % à 1,5 %). Même si le pays a largement de quoi compenser un trou d’air grâce à ses excédents budgétaire­s, la fin de règne de la chancelièr­e Angela Merkel ajoute aux incertitud­es politiques, d’autant que les conservate­urs sont menacés par la montée d’un puissant mouvement d’extrême droite, l’Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD). Même si les Européens restent attachés à l’UE (l’Eurobaromè­tre de décembre 2018 indique que la confiance se maintient à 42 % depuis le printemps, son plus haut niveau depuis l’automne 2010), qui fête les 20 ans de l’euro, les difficulté­s que rencontre la partie de la population la plus vulnérable du Vieux Continent montrent la nécessité de repenser le projet européen sous peine d’une désaffecti­on croissante.

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Les euroscepti­ques, notamment le Rassemblem­ent national dirigé par Marine Le Pen, devraient bousculer l’équilibre politique du futur Parlement européen.

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