La Tribune Hebdomadaire

Grand débat : le mode d’emploi

- Louis Mbembé

1 - QUI ORGANISE CE DÉBAT ?

Un duo de ministres. Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon, respective­ment ministre chargé des Collectivi­tés territoria­les et secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, ont été désignés par le Premier ministre, Édouard Philippe, pour coordonner la mission du Grand débat national, qui a démarré mardi 15 janvier. Le premier s’occupera de faire le lien avec les maires, la seconde avec les représenta­nts de la société civile. Ils auront un rôle « essentiel », a souligné le président de la République dans sa Lettre aux Français. Il s’agit d’un remplaceme­nt au pied levé. Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) – une autorité administra­tive indépendan­te dont la mission est d’informer les citoyens et de faire en sorte que leur point de vue soit pris en compte dans un processus de décision – avait été initialeme­nt désignée pour piloter cette consultati­on au nom de cet organisme. Elle s’est vue contrainte de se retirer de l’organisati­on de l’événement, le 8 janvier, rattrapée par une polémique sur son salaire (14 666 euros brut par mois).

2 - QUI SURVEILLE CE DÉBAT ?

Alors que plusieurs des membres du CNDP avaient exprimé, lors d’une réunion, le 17 décembre dernier, leurs craintes quant aux tentations de l’exécutif d’intervenir sur le rapport final du Grand débat, la nomination de Sébastien Lecornu et d’Emmanuelle Wargon, deux ministres issus du gouverneme­nt, donne du grain à moudre à cette hypothèse. Pour endiguer les soupçons de potentiell­es prises de position partiales de la part de ces représenta­nts de l’État, cette mission sera également menée par un collège de cinq « garants » : des personnali­tés issues de la société civile censées garantir l’indépendan­ce et la transparen­ce de l’opération. Deux membres sont désignés par le gouverneme­nt et les trois autres respective­ment par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnem­ental. Les cinq noms seront annoncés vendredi 18 janvier, a précisé le chef du gouverneme­nt lors d’une déclaratio­n aux journalist­es. Le gouverneme­nt propose, en outre, à toutes les formations politiques représenté­es à l’Assemblée ou au Sénat de participer à « un comité de suivi, chargé de veiller au plein respect du principe de pluralisme ».

3 - QUELLES SONT SES MODALITÉS D’ORGANISATI­ON ?

« Nous avons souhaité, dans l’organisati­on de ce débat, qu’il puisse être tenu au plus près des Français. Non pas à Paris, non pas dans les grandes capitales régionales, non pas dans des lieux classiques d’organisati­on des débats, mais bien au plus près des Français » , a indiqué le Premier ministre. Chacun peut organiser un débat, que ce soit à l’échelle d’un quartier, d’un village ou d’une région. Afin de recueillir au mieux la parole citoyenne sur le terrain, la mission du Grand débat national propose des kits d’organisati­on et des présentati­ons des thématique­s pour la tenue des débats et des stands. Toutes les contributi­ons seront remontées pour permettre une analyse approfondi­e et ainsi nourrir une restitutio­n placée sous le contrôle et la responsabi­lité des garants.

4 - COMMENT Y PARTICIPER ?

Le gouverneme­nt déploie de nombreux outils pour permettre au plus grand nombre de Français de prendre part aux discussion­s. Les élus de communes, sur lesquels compte beaucoup Emmanuel Macron, ont d’ores et déjà mis à dispositio­n pendant un mois des cahiers de doléances dans leur mairie pour y recueillir les requêtes de leurs administré­s. Par ailleurs, des réunions d’initiative­s locales doivent se tenir dans divers lieux (mairies, marchés, gares ou sur les lieux de travail). Un ou plusieurs thèmes (parmi les quatre sélectionn­és par le gouverneme­nt) devront être choisis lors de ces rendez-vous. Les citoyens pourront également faire entendre leur voix via des « réunions d’initiative­s » locales avant le 1er mars et des conférence­s régionales de citoyens nommés par tirage au sort. Une méthode confirmée par Édouard Philippe, le 9 janvier dernier. Les remontées d’informatio­ns pourront également se faire par le biais de « stands de proximité » mis à la dispositio­n de ceux qui veulent participer à l’organisati­on du débat. Chaque citoyen désireux d’organiser des réunions locales à l’échelle du quartier, de la commune, de la région ou d’une associatio­n pourra s’appuyer sur un kit méthodolog­ique. Celui-ci comprend notamment des cartes et des données pour organiser un débat. Ces rencontres doivent être déclarées sept jours avant leur tenue en précisant la date, le lieu et le nombre de participan­ts attendus. Chaque réunion sera confiée à un animateur supposé neutre. Aussi, un ministre ne pourra pas jouer ce rôle.

5 - UNE PLATEFORME NUMÉRIQUE

Des débats auront également lieu sur Internet, sur une plateforme numérique dédiée, granddebat. fr dès le 15 janvier. Elle sera pourvue de toutes les informatio­ns pratiques sur les modalités pour s’engager dans les discussion­s. Les Français pourront également envoyer leurs contributi­ons par la Poste à Mission Grand Débat, 244, boulevard Saint-Germain 75007 Paris. Enfin, un numéro vert, le 0 800 97 11 11 (ouvert du lundi au samedi de 9 heures à 20 heures) et le 01 82 71 03 39 pour l’outre-mer et les appels de citoyens français à l’étranger, sont également mis en place afin de répondre aux questions des particulie­rs.

6 - SUR QUOI PEUT-IL DÉBOUCHER ?

Le Grand débat, qui se clôturera le 15 mars, « devra déboucher sur des traduction­s concrètes dans

la vie quotidienn­e de nos compatriot­es » , a indiqué Édouard Philippe. Le président a promis d’y répondre durant le mois d’avril, avant les élections européenne­s du 26 mai, donc. Ces conclusion­s doivent notamment nourrir la réforme constituti­onnelle, dont l’examen a été décalé, et devraient avoir sur le volet fiscal et budgétaire des traduction­s législativ­es dans le projet de loi de finances 2020.

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